L`Intermède
Exposition : L`hôtel particulier, une ambition parisienne à la Cité de l`architecture, à Paris, jusqu`au 19 février 2012

"Paris change ! Mais rien dans ma mélancolie
N'a bougé ! palais neufs, échafaudages, blocs,
Vieux faubourg, tout pour moi devient allégorie.
"
Charles Baudelaire

 
PIÉTON DE PARIS qui interrompt brusquement sa marche pour admirer un instant une façade, passager d'un bus le visage collé à la vitre, ou noctambule curieux dont le regard se dirige irrésistiblement vers une fenêtre éclairée... Qui n'a jamais rêvé de pénétrer les somptueuses bâtisses qui ornent les rues de la capitale française ? Construits dès le Moyen-âge pour permettre à leurs propriétaires de se retrancher loin des foules tout en exhibant leur pouvoir et leur richesse, les hôtels particuliers sont de ces joyaux propres à l’architecture parisienne dont on ne peut trop souvent admirer que l'écrin. Franchir les murs d'enceinte et traverser la cour pour observer à loisir le faste de ces cinq cent monuments privés dont recèle encore la ville, tel est le privilège que la Cité de l'architecture et du patrimoine offre à ses visiteurs jusqu'au 19 février.

Par Marion Point

Dessins de BIM STUDIO

ARRIVÉ DANS LA CITÉ DE hôtel particulier, hotel particulier, hotel, particulier, paris, parisien, exposition, cité, cité chaillot, architecture, décor, photo, dessin, dessins, photos, image, images, analyse, alexandre gadyL'ARCHITECTURE, il ne manque que de descendre d’un fiacre pour achever de se croire transporté dans un roman de Stendhal ou de Balzac. A peine le porche passé et le pied posé sur le premier pavé de la cour, l’œil embrasse toute une enfilade de portes : bienvenue dans l’éphémère hôtel particulier aménagé au cœur de la Cité Chaillot. Entre cour et jardin, toutes les pièces classiques de ces demeures ont été reconstituées sous la direction d’Alexandre Gady, commissaire de l’exposition : "Nous avions la chance de disposer d’une belle surface – 1200 mètres carrés – et d’un budget suffisant. Avec le scénographe et architecte Philippe Pumain, nous avons donc conçu la première partie de l’exposition comme le rez-de-chaussée d’un hôtel. C’est une invitation à une visite sensitive, à la fois visuelle et auditive." (1) 


Pièces en enfilades

APR
ÉS AVOIR TRAVERSÉ une cour où résonnent les pas des visiteurs, ceux-ci franchissent le seuil de l’hôtel et pénètrent dans le vestibule. C’est à partir de cette entrée, plus ou moins majestueuse selon la fortune des commanditaires, que s'organisent une série de pièces dont la distribution a été soigneusement codifiée entre le Moyen-âge et le XVIIe siècle. Au rez-de-chaussée, les appartements de Monsieur ; au-dessus, mieux exposés et bénéficiant d’une large vue sur le jardin, hôtel particulier, hotel particulier, hotel, particulier, paris, parisien, exposition, cité, cité chaillot, architecture, décor, photo, dessin, dessins, photos, image, images, analyse, alexandre gadyceux de Madame. D'un étage à l’autre, les espaces se succèdent avec la même judicieuse ordonnance qui a valu aux demeures et aux châteaux français l’admiration des plus grands maîtres européens. Absente des premiers hôtels particuliers mais rapidement devenu le passage obligé des demeures de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie parisiennes, il faut, avant toute rencontre avec les maîtres de céans, patienter dans l’antichambre. Le mobilier y est restreint mais le ton est donné : vous vous apprêtez à pénétrer le temple du luxe et du bon goût.

ENSUITE, TOUT VA CRESCENDO. Vous passez par la salle à manger aux murs couverts de peintures et boiseries. De là, toujours en enfilade, vous accédez au salon. Les moulures y sont plus soignées, les meubles plus coûteux, les tableaux en plus grand nombre. Enfin, vous parvenez au cœur des lieux : la chambre de Monsieur, suivie du cabinet et d’une longue galerie dont les fenêtres donnent sur un jardin soigné. Cette succession de pièces en enfilades, dans un bâtiment sis entre cour et jardin, correspond au modèle des premiers hôtels particuliers, construits à une époque où l’aristocratie cherchait à assoir son pouvoir tout en se retranchant de la ville alentour. Mais au fil des siècles, la rue gagne ses lettres de noblesse, et la structure de l’hôtel particulier subit une véritable révolution : "L’attraction urbaine devient si forte, explique Alexandre Gady, que le logis principal vient se placer sur le devant, face à l’espace public. La place royale (actuelle place des Vosges) a joué un grand rôle dans cette mutation : c’est en raison de la beauté de ce nouvel espace vaste et régulier que s’est opérée la transformation des espaces bourgeois et marchand d’Henri IV en hôtels aristocratiques." (2)



Motifs délicats

QUEL QUE SOIT LE PLAN ADOPT
É, tout bon hôtel particulier se doit de déployer un décor faste et somptueux, digne des appartements de Versailles. Si la reconstitution proposée par la cité de l’architecture n’offre qu’un aperçu de telles richesses, ce sont les photographies et les tableaux des deuxième et troisième parties de l’exposition qui permettent d’en prendre toute la mesure. On y trouve lambris peints, plafonds à caissons, boiseries sculptées et partout, mêlés aux motifs délicats, surgissent les matériaux les plus coûteux. C’est qu’avant de servir de siège aux institutions et aux musées les plus prestigieux de Paris - Matignon, l’Elysée, le musée Carnavalet... -, et avant d’être le décor typique de quartiers aussi courus que le Marais, ces demeures de l’élite parisienne constituent le symbole de l’émergence d’une capitale capétienne qui se distinguera comme l'un des foyers majeurs de l'art occidental. De fait, si l’hôtel de Cluny, le plus ancien hôtel particulier conservé à Paris, ne date que du XVe siècle, les premières demeures réservées à l’aristocratie fleurissent dans la capitale dès le XIIIe. Dès lors, architectes, décorateurs et jardiniers
hôtel particulier, hotel particulier, hotel, particulier, paris, parisien, exposition, cité, cité chaillot, architecture, décor, photo, dessin, dessins, photos, image, images, analyse, alexandre gadyrivalisent d’ingéniosité et de talent pour donner aux hôtels particuliers une allure et un faste que l’on ne saurait trouver ailleurs : "Les Français s’imaginent volontiers que Versailles a été copié dans toute l’Europe, ce qui n’est pas le cas. C’est le drame de l’architecture française. […] Il en va de même pour les hôtels particuliers. Les palais italiens du Quattrocento, du Cinquecento et du Seicento, les grands palais baroques de Vienne appartiennent à un autre modèle." (3)

CE SONT ALORS DES NOMS aussi célèbres que François Mansart, Louis Le Vau, Pierre Le Muet ou Robert de Cotte qui sont associés à ces chefs d'œuvre de l’architecture d’habitat. D’abord relativement simples et construites sur le même plan, les bâtisses se complexifient et s'adaptent aussi bien aux évolutions des goûts qu’à la difficulté de construire dans une ville aussi dense que Paris. On peut citer l'exemple de Lambert qui, en 1639, demande au jeune Louis Le Vau de bâtir un hôtel sur l’étroite parcelle qu’il possède sur l'Île Saint-Louis. La commande relève du défi : le terrain, trop peu profond pour accueillir la traditionnelle enfilade cour-bâtiment-jardin, oblige l’architecte à repenser le modèle-type de l’hôtel particulier. Il crée alors une demeure dont les bâtiments encadrent la cour et dont une aile qui se prolonge jusqu’au bord de la Seine s’ouvre sur le premier balcon parisien dominant le fleuve. Un siècle plus tard, la riche veuve Girardot de Vermenoux fait édifier par Claude-Nicolas Ledoux un hôtel dont la forme audacieuse rompt avec les habitudes parisiennes. Derrière un arc de triomphe s’élève un bâtiment dont le corps central semi-circulaire est entouré d’une colonnade, si bien que l’ensemble semble plus proche du temple que de la maison bourgeoise. D’ailleurs, l’architecture de l’hôtel Thélusson est si originale que les Parisiens se pressent bientôt pour le visiter, grâce un système de billetterie.

LONGTEMPS R
ÉSERVÉ À LA HAUTE SOCIÉTÉ, c’est au XIXe siècle que l'hôtel particulier se démocratise. Ce ne sont plus seulement l’aristocratie et la haute bourgeoisie qui se partagent le privilège de telles demeures mais aussi les artistes, les dandys ou les cocottes. L’hôtel particulier s'ouvre en même temps qu’il atteint des sommets de raffinement et de fantaisie. Citons ainsi Boni de Castellane, célèbre dandy à la bourse renflouée par son mariage avec la fille d’un riche industriel, qui fait construire par Ernest Sanson le plus fou des hôtels particuliers, le célèbre Palais-Rose. Inspiré du Trianon de Versailles, cette demeure expose aux yeux des promeneurs ébahis son escalier colossal et sa façade en marbres polychromes. Autant de trésors qui tomberont sous les coups de nouveaux aménagements urbains en
1969. Car l’hôtel particulier obéit à ce principe paradoxal qu’il cherche à hôtel particulier, hotel particulier, hotel, particulier, paris, parisien, exposition, cité, cité chaillot, architecture, décor, photo, dessin, dessins, photos, image, images, analyse, alexandre gadys’étendre sur la ville tout en souffrant de la densité de la capitale. A défaut de s'affranchir de l'espace, il lui reste le privilège de se rire du temps.
 
M.P.
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à Paris, le 4/11/2011

L’hôtel particulier. Une ambition parisienne
Jusqu'au 19 février 2012
Cité de l’architecture et du patrimoine – Palais de Chaillot
1 place du Trocadéro 75016 Paris
Tlj (sf mar) : 11h-19h; Noct. le jeudi (21h)
Plein tarif : 8 € / Tarif réduit : 5 €
Gratuit pour les moins de 12 ans

Rens. : 01 58 51 52 00


 



Notes :
(1) et (3) : Connaissance des arts, hors série L’hôtel particulier, une ambition parisienne, interview d’Alexandre Gady réalisée par Jérôme Coignard.
(2): Connaissance des arts, hors série L’hôtel particulier, une ambition parisienne, article d’Alexandre Gady  "L’hôtel dans la ville".


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Crédits images : BIM Studio / L'Intermède