Romain l'enchanteur
chapitre XXII, qui ne sera intégré à l'oeuvre qu'en 1980. Formé au regard d'amour de la femme qui lui a donné la vie et lui a sacrifié la sienne, celui qui s'appelait encore Roman Kacew gardera de ses jeunes années une grande faculté d'adaptation et, surtout, un amour immodéré pour l'Hexagone : "Ma mère me parlait de la France comme d'autres mères parlent de Blanche-Neige et du Chat Botté et, malgré tous mes efforts, je n'ai jamais pu me débarrasser entièrement de cette image féerique d'une France de héros et de vertus exemplaires. Je suis probablement un des rares hommes au monde restés fidèles à un conte de nourrice." Aux murs de l'exposition, cette citation en lettres capitales claque comme un défi : "Je n'ai pas une seule goutte de sang français mais la France coule dans mes veines."
nécessité de se réinventer. Romain Gary accouchera de son double de papier, Emile Ajar, et par là-même de la plus grande supercherie littéraire du XXe siècle : "C'était une nouvelle naissance. Je recommençais. Tout m'était donné encore une fois. J'avais l'illusion parfaite d'une nouvelle création de moi-même, par moi-même." Voilà le nouveau souffle dont l'écrivain avait besoin. En 1974, Gros-Câlin est acclamé par la critique ; Jacqueline Piatier, du Monde, salue le tour de force de ce récit qui parvient à "transposer Charlot en roman". Un an plus tard paraît La Vie devant soi. Fait inédit : l'histoire d'amitié entre Momo, le petit garçon arabe, et Madame Rosa, une ancienne prostituée juive, vaudra à son auteur un deuxième Prix Goncourt.
L'hommage rendu par le Musée des Lettres et Manuscrits n'aurait pas été complet si seuls ses romans avaient été présentés, sans les autres couleurs de la vie de ce caméléon : l'homme de terrain, d'abord, engagé dans l'aviation aux côtés du Général de Gaulle - Gary a rédigé un portrait élogieux, en anglais, pour le magazine Life à la mort du grand homme. Le journaliste, ensuite, qui, entre 1970 et 1972, a tenu dans France-Soir une chronique intitulée "Journal d'un irrégulier", pêle-mêle de ses impressions sur la France de l'époque. L'homme politique, encore, Consul Général de France et membre de la délégation française de l'ONU. Et, surtout, l'amoureux des femmes, de la Femme en général. Sans voyeurisme, l'exposition laisse à voir les fêlures d'un homme qui a toujours attendu que la vie honore la promesse faite à l'aube, avec l'amour maternel. La figure de Jean Seberg est présente, bien sûr, à travers la reproduction de quelques clichés et, surtout, un poème inédit de l'actrice, rédigé en français. 
