spectateur sur le long terme, de s'attacher davantage à l'écriture des personnages qu'à l'intrigue : "Un avion qui s'écrase sur une île, d'accord, mais ce qui va nous passionner, ce sont les personnages", rappelle Clyde Philips, en faisant bien sûr référence à Lost. Mais puisque personne ne peut dire ce qui fera recette dans quatre ans et qu'il n'existe aucune ficelle infaillible pour rendre une série addictive, il faut faire des essais, innover, travailler avec passion sur son projet, et espérer qu'il rencontrera un public. Une implication de corps, de coeur et d'esprit que semblent partager tous ces créateurs américains, à tel point que Philips confie qu'il quitte Dexter après quatre années de bons et loyaux services au détriment de sa vie personnelle. Car diriger une série, en être le show runner, c'est avoir son mot à dire sur toutes les étapes de création, et surtout la responsabilité du produit final. C'est également engager un réalisateur pour chaque épisode, les metteurs en scène américains n'étant en général pas liés à une série mais passant d'une fiction à l'autre au gré des épisodes. Il n'existe pas d'équivalent du show runner en France : le réalisateur a un rôle par tradition beaucoup plus important dans la création d'une série, et le scénariste n'aura jamais son mot à dire sur le montage final.
nourrissant le script et inversement. Les scénaristes de Dexter se réunissent ainsi vers le mois de février pour discuter des grandes lignes de l'évolution de la saison à venir, alors que le tournage commence en juin. Puis les épisodes sont écrits au coup par coup, leur permettant d'être plus flexibles et donc d'opérer les changements qui pourraient s'avérer nécessaires en cours de route : "Nous pouvons ainsi procéder à des ajustements en cours de saison pour s'adapter aux nouveaux comédiens", précise Glenn Kessler à propos de Damages, où chaque saison renouvelle une grande partie du casting.
partenaires", souligne Clyde Philips. Les grands networks, eux, imposent leur volonté. David Chase affirme que la grande particularité d'une chaîne comme HBO est qu'ils ont confiance en l'intelligence du spectateur (voir notre compte rendu du colloque consacré aux séries HBO). "Sur les networks, regrette-t-il, la règle est la suivante : expliquer au spectateur ce qu'il va voir, le lui montrer et lui expliquer ensuite ce qu'il vient de voir". Rien de tel chez les chaînes cablées. Le revers de la médaille étant que les séries qu'elles diffusent ne sont vues que par une minorité d'américains et le grand public ne les connait pas, bien qu'elles se vendent très facilement à l'étranger : ce que nous recevons en France n'est donc pas représentatif des shows les plus regardés aux Etats-Unis.
Autre contrainte pour l'écriture télévisuelle américaine : les multiples coupures de publicité qui interrompent chaque épisode - quatre en moyenne, quand les chaînes françaises n'en mettent qu'une ou aucune. Dès lors, il faut concevoir l'épisode suivant un schéma fait de constants rebondissements, afin de terminer chaque acte sur un acmé qui incite le spectateur à revenir après la réclame. Même s'il y a moins de pauses publicitaires sur les chaînes cablées, l'influence de ce schéma d'écriture sur le rythme reste fondamental. David Chase reconnaît que ces contraintes ont été formatrices : l'enjeu est d'arriver à créer des instants suspendus entre deux rebondissements, et de donner ainsi davantage de relief à l'écriture et au montage... ce dont la France, toujours en retard sur sa voisine américaine, commence à prendre conscience. Frédéric Krivine rappelle ainsi que "la télévision américaine fait de la série addictive depuis cinquante ans dans un contexte très compétitif ; en France, cela est très récent". Preuve ultime de ce décalage : Virgine Brac parle de "miracle" quand France 2 accepte le principe de flashbacks dans la série sur laquelle elle travaille actuellement, Les Beaux mecs, procédé dont usent et abusent les séries américaines depuis plusieurs décennies... Mieux vaut tard que jamais. La suite au prochain épisode.
