L'Eloge des araignées Texte de Mike Kenny mis en scène par Simon Delattre Théâtre National Bordeaux Aquitaine
– En deux mots
Louise, bientôt 100 ans, est une vieille artiste dure et acariâtre qui déplore son incapacité à créer et se sent inutile. Elle est assistée par son aide à domicile, Pierre, doux et dévoué, qui l’aide matériellement bien qu’il ne puisse soulager cette âme en mal de création. La pièce s’ouvre alors sur cette interrogation sur la possibilité de créer, sur les raisons pour lesquelles on crée. Un jour, Louise se retrouve nez à nez avec Julie, la fille de Pierre. Elle qui déteste les enfants est tout d’abord réfractaire à sa présence, avant de se prendre d’intérêt pour la petite et de trouver en elle une compagne de fugue car elle rêve de revoir la maison de son enfance.
Fugue qui va alors plonger le spectateur dans les souvenirs de Louise, en laquelle on reconnaît rapidement la célèbre artiste Louise Bourgeois, sa dureté légendaire, son père autoritaire et infidèle, sa mère tisserande, ses fameuses sculptures araignées ou encore ses femmes-maisons, issues d’une œuvre foisonnante bâtie sur l’inconscient et la réparation des blessures d’enfance. Mike Kenny – auteur anglais spécialiste du jeune public – et Simon Delattre avaient à cœur de proposer un questionnement sur l’enfance de l’artiste, l’enfant que l’on a été, l’adulte que l’on devient. Au plateau, le metteur en scène a cependant réduit au maximum les objets convoqués pour évoquer l’œuvre de l’artiste. Le spectacle n’a pas pour prétention de montrer son travail, mais plutôt de proposer des signes, des citations de ses œuvres qui organisent une partie du langage de l’artiste.
Louise comme Julie partagent les mêmes contraintes, sont soumises aux mêmes interdictions, empêchées de faire ce qu’elles veulent en raison de leur âge. La question de la dépendance est donc posée par ces personnages qui se trouvent chacune à une extrémité des âges de la vie. A travers cette fugue et ce coup de foudre amical, c’est l’histoire d’une émancipation qui se dessine sous nos yeux, mettant en scène l’empathie affective propre à l’âge de l’enfance, et posant la question du soin que l’on apporte à l’autre. Question du soin et de la dépendance qui se relie fatalement à la présence des marionnettistes qui manipulent à vue, et avec tendresse Louise, marionnette portée à laquelle ils prêtent à tour de rôle leur voix et leurs membres :
« J’ai souhaité travailler précisément sur cette dimension de la manipulation. Passer de la dépendance à l’indépendance apparente des marionnettes. Il s’agit pour cela d’offrir aux marionnettistes au plateau le rôle d’aide-soignants en début de spectacle avec un fort travail de dissociation et de favoriser à mesure que l’histoire se déplie une acceptation de leurs présences. Par ailleurs, aucun interprète n’est fixé à une marionnette. Cette reconfiguration permanente permet de donner plusieurs couleurs et palettes de jeu à l’ensemble des personnages » (Simon Delattre)
Dans une scénographie qui évoque une toile d’araignée, dont le fil qu’elle tisse serait les liens que l’on tisse entre nous, entre les générations, avec les gens que l’on rencontre, les deux héroïnes convoquent différentes manières de voir et de lire le monde. Le spectacle alterne scènes mélancoliques, tendres et humoristiques, distillant une part de poésie et d’onirisme, où l’art est présenté comme un chemin de résilience.
L'Eloge des araignées mise en scène de Simon Delattre jusqu'au 4 juin au TNBA
Saison 2022 – 2023 : 19 – 21 octobre : Scène nationale de l’Essonne, Evry 7 – 10 novembre : La Criée – Théâtre National de Marseille 22 – 27 novembre : Théâtre Gérard Philipe, CDN de Saint-Denis 27 janvier 2023 : Festival Avec Ou Sans Fils, Saint-Cyr-sur-Loire (37)