L`Intermède
Le choix de la rédaction de L`Intermède
 
Les Héroïdes,
Mise en scène de Flavia Lorenzi,
Théâtre 11, Festival d'Avignon 2024,
En tournée.



En deux mots 
 
Les Héroïdes, c’est une œuvre du poète latin Ovide, un recueil de lettres d’amour fictives à la tonalité élégiaque, écrites par une vingtaine d’héroïnes de la mythologie à leurs amants absents. De ces figures féminines emblématiques, la compagnie BrutaFlor en a sélectionné sept : Ariane et son abandon sur l’île de Naxos par Thésée, Médée et Hypsiphyle qui se font écho, Pénélope et son interminable attente, Didon fondatrice de Carthage abandonnée par Egée, Déjanire, la femme méconnue d’Hercule, et enfin Hélène de Troie, en plein burn-out. Le motif principal de ces lettres – facilement adaptables au théâtre tant elles s’apparentent à des monologues – est celui de la séparation, lorsque les héroïnes se retrouvent abandonnées par leurs amants. Ovide imagine en effet les réponses de celles qui ont si peu la parole dans les textes antiques, à ceux qui les ont trahies ou bien se réservent le privilège de l’aventure et du destin glorieux.

La scénographie de Flávia Lorenzi, à la fois épurée et ingénieuse, permet de structurer la pièce en un ensemble de tableaux où se tissent chorégraphies, textes, musique et chants, donnant une place de choix à chacune des six actrices. Dans cette écriture de plateau, sobre mais dynamique et lumineuse, la musique s’est d’abord invitée comme un outil de mise en valeur, ou une source d’inspiration, avant de prendre une place incontournable, celle d’un fil rouge sur lequel la dramaturgie prend appui.

Si la situation de ces portraits d’héroïnes qui se succèdent est la même – celle de l’abandon –, la multiplicité des textes qui constituent la dramaturgie, d’Ovide à Niki de Saint-Phalle, en passant par des extraits d’Hélène Cixous (Le Rire de la méduse), Ana Maria Martins Marques (poétesse brésilienne), Aretha Franklin, Barbara ou encore des comédiennes elles-mêmes, crée un tissage, une pluralité de voix narratives et de subjectivités. La poésie ovidienne se trouve alors associée à un travail choral et rhapsodique permettant de donner un visage plus contemporain et féministe à ces héroïnes. Les Héroïdes met en rapport le monde antique et mythologique de ces personnages féminins avec le monde réel et contemporain des actrices qui les incarnent. Le texte joue alors habilement sur les jeux de registres et les niveaux de langue, ce qui n’est pas sans créer une poésie particulière, et une pluralité narrative qui élargit notre champ de vision, tout en rapprochant ces mythes de nos problématiques actuelles.

Les Héroïdes donne à voir des femmes qui crient leur révolte, se faisant une place au milieu de récits qui valorisent les exploits du héros ; six actrices à l’énergie galvanisatrice, déterminées à en découdre avec le patriarcat, sans pour autant tomber dans le lieu commun et les stéréotypes. Le spectacle est pétillant et pailleté, pétri de fantaisie, sans être fantasque, affichant un féminisme empreint d’humour. Flávia Lorenzi propose un spectacle inventif et sensible, où la dimension chorale laisse saillir la liberté créative de chacune des six actrices, ainsi que leur réflexion sur la condition de la femme.


Émilie Combes 
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le 20 juillet 2024
 

 
Les Héroïdes,
Création collective d’après Ovide, avec des textes de Hélène Cixous, Ana Maria Martins Marques, Niki de Saint-Phalle, Ovide et l’ensemble de l’équipe de comédiennes.
Mise en scène et dramaturgie Flávia Lorenzi,
Direction musicale Baptiste Lopez,
Avec Alice Barbosa, Capucine Baroni, Juliette Boudet, Laura Clauzel, Lucie Brandsma et Ayana Fuentes-Uno.
 
En tournée :
13 décembre 2024, à l'Avant Seine / Théâtre Colombes, Colombes (92)
19 mai 2025 au Festival Coye la Forêt (60)
 
Découvrez des extraits du spectacle ici
 
Crédit photos © Cie BrutaFlor



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