Comment va le monde ? Les Déchargeurs, Paris Jusqu'au 22 mai 2017
– En deux mots
Un peu clochard, très solitaire, incongru aussi, mais surtout vif, pétillant, d’une infinie tendresse et d’une belle insolence : tel est le personnage mi-poète mi-clown incarné par Marie Thomas dans Comment va le monde ? C’est sur les planches des Déchargeurs à Paris que se joue, tous les lundis jusqu’au 22 mai, ce spectacle créé par Michel Bruzat à partir de textes de l’auteur québécois Marc Favreau, dit Sol. Une heure de délices verbaux et de rire que les spectateurs pourront aussi savourer au théâtre des Carmes d’Avignon du 6 au 29 juillet.
C’est d’abord une femme qui se présente sur scène, une comédienne dans sa loge, occupée aux derniers préparatifs avant de se présenter devant un public qu’elle attend, jauge et redoute à la fois. Quelques instants plus tard, magie du théâtre et de deux rideaux qui se referment en fond de plateau sur la coiffeuse abandonnée, c’est un drôle de gamin qui sort sa frimousse hésitante des pans de velours bordeaux. Et le gamin de nous expliquer, dans un étonnant monologue, d’où il vient et comment va le monde qu’il observe, un monde où "aller à la colle" permet d’apprendre "le bon usage de l’écrevisse pour que la langoustine soye meilleure", un monde "grisonnant, trixte et mélancolorique" où les couleurs naissantes sont "emprisouillées dans un pot ou dans un tube" et où les "ambrassadeurs" des différents pays "psycause de guerre et paix […] tout en grignotant une petite coalition à la bonne franquiste".
Dès les premières phrases de ce personnage insolite jaillit toute la poésie du texte de Sol, à cheval entre Michaux, Tardieu et Devos. Jeux sonores ou mots valises, le texte repose sur une succession d’inventions verbales où les défauts de prononciation, les erreurs de syntaxe et la méconnaissance lexicale du personnage deviennent l’occasion d’images poétiques aussi inédites que cocasses. Ce délice de mots se déroule sur cinq tableaux portés avec brio par la performance de la comédienne. De l’enfance du personnage aux absurdités des puissants qui ruinent allègrement le monde, en passant par les méandres de la psychanalyse ou la condition féminine, c’est l’ensemble de notre société qui est passée au crible d’une langue naïve mais sans concession et d’un regard aussi lucide que tendre. Un bel alliage qui permet à Sol de mettre le doigt sur les peines du monde sans jamais désespérer des hommes qui le font.
Comment va le monde ? Création de Michel Bruzat à partir de textes de Marc Favreau Jusqu'au 22 mai 2017 Les Déchargeurs 3 rue des Déchargeurs 75001 Paris Lundi 21h30 Durée : 1h10 Plein tarif web : 26€ Tarif réduit entre 13 et 22€ pour les réservations les plus précoces Rens. : 01 42 36 00 50 (16h-22h)