L'Avare de Molière Fables de La Fontaine En tournée en France Jusqu'au 18 mai 2019
– En deux mots
Il reste encore quelques jours pour aller savourer deux spectacles de la compagnie Tabola Rassa, fondée en 2003 par Olivier Benoit et Miquel Gallardo.
D'abord L’Avare, dans une version écologique renouvelant cette pièce classique par l'introduction de préoccupations contemporaines concernant l’eau, ressource naturelle épuisable. L’or y est remplacé par le précieux liquide, denrée qui se fait rare mais qu’on gaspille à l’envi. Des coupes ont été faites dans l’œuvre de Molière mais l'empreinte du texte demeure : dialogues et tirades classiques s'insèrent dans une réécriture relativement fidèle au propos de la pièce originale, rehaussée par des trouvailles scéniques aussi ingénieuses que créatives. Les personnages sont incarnés par des robinets : Harpagon, vieux robinet en cuivre cherche à économiser "goutte que goutte" alors que son fils, joli chrome à sec, cherche l’amour de sa belle Mariane. Seuls deux comédiens sont sur scène et font bouger toutes les marionnettes-robinets (Oliver Benoit et Alexandre Jean). Élise prend l'aspect d'un robinet capricieux face auquel tout le monde cède. La voix contrefaite du comédien fait sourire, ainsi que les multiples calembours dont elle se fait le héraut : "trous du tube" et "plongée sous Mariane" voisinent avec maintes autres réjouissances verbales. Les comédiens ne sont jamais excessifs, toujours justes, parfois loufoques dans la veine moliéresque. Et les deux acolytes qui mettent en branle ce monde, n’hésitent pas, une fois le rideau tombé, à venir échanger avec les spectateurs autour de leurs convictions, des dangers auxquels la planète est confrontée. Ce spectacle a connu une renommée aussi bien dans des pays occidentaux qu’ailleurs où l’eau n’est pas une évidence comme en France, peut-être parce que son propos et la manière qu'il a de l'amener, l'acuité de ce qu'il donne à penser, résonent longtemps encore après la représentation dans l'esprit du spectateur.
Le second spectacle, les Fables de la Fontaine, relève d'une démarche proche. À partir d'un texte classique dont la compagnie exploite la portée universelle, il adapte quatorze fables et, à grand renfort de marionnettes et d'objets animés, évoque des enjeux environnementaux. Retrouver la fable qui se cache derrière les oripeaux de la réécriture et de la mise en scène fait partie du plaisir du spectateur. C’est pourquoi le texte original peut parfois être réduit à une allusion, moyen d’activer un lien de connivence avec le public. "Le Corbeau et le renard" se limite à unique une image dans laquelle une marionnette corbeau tient un fromage président (les adultes saisiront le clin d’œil politique) que le renard récupère après l’avoir sifflé très rapidement. On s’amuse beaucoup. La compagnie a accentué les effets théâtraux, rendus possibles grâce aux objets. La grenouille "qui voulait être aussi grosse que le bœuf" est représentée par un ballon gonflable vert. Les comédiens, par le biais du comique de répétition, mais aussi grâce à la mise en scène tant visuelle que sonore, suscitent l’hilarité. Le comique surgit du texte où quelques vers classiques émergent mais le jeu des acteurs, les effets de lumières, de bruitages, de musique et l’inventivité de la compagnie rendent ces fables déjantées. Mais si rire il y a, c'est avant tout comme instrument critique, amenant à la réflexion par ce qu'il révèle. Les mêmes Olivier Benoit et Alexandre Jean se servent de journaux, de sacs en plastique et de cartons pour créer un univers certes rendu poétique par la magie du théâtre mais aussi pour nous parler encore une fois de notre planète. Ici aussi, les comédiens, une fois le rideau tombé, descendent nous parler de leurs préoccupations politiques et surtout environnementales. Au cœur de ce spectacle figurent les déchets, le recyclage, autant de sujets qui préoccupent nos sociétés et interrogent nos gestes quotidiens.
Une belle occasion de s'initier au théâtre d'objet, dont les ressorts nombreux peuvent être source de comique autant que de poésie. Des spectacles spectaculaires, où le rire achevé fait naître le questionnement.