Clément Poirée, nouveau directeur du Théâtre de la Tempête, ouvre cette année la saison en portant à la scène la plus célèbre pièce du baroque espagnol : La vie est un songe. À la fois conte métaphysique, politique et initiatique, elle s’inscrit dans le courant de pensée du XVIIe siècle qui voit nombres d’intellectuels européens douter de leurs certitudes et de leurs connaissances. La scénographie de la pièce, à la fois ludique et esthétique accorde une place importante au simulacre et à l’illusion. Aucune tentative d’organisation mimétique et rationnelle de l’espace. L’enjeu est bien de plonger le spectateur au cœur d’impressions, de sensations. Les jeux de lumières, combinés à l’atmosphère enfumée durant l’intégralité du spectacle, renforcent son caractère onirique. Les personnages, parfois de simples ombres, apparaissent et disparaissent dans ces rayons de lumière comme s’ils étaient des figures fantomatiques.
Basile, roi de Pologne et fervent astrologue, vit, suite à une prophétie, dans la certitude que son fils deviendra un tyran. Il met donc Sigismond au secret et cache son existence au monde. Mais lorsque la fin de son règne approche, Basile décide de lui redonner son rang pour une journée. Si d’aventure Sigismond se comporte mal, il sera endormi et renvoyé dans son cachot. On lui dira alors que tout ceci n’était qu’un rêve et le trône sera alors confié à ses deux neveux avides de pouvoir : Etoile et Astolphe. Mais comment échapper au désir de vengeance après tant d’années d’enfermement et de souffrance, de rejet et de défiance ? Après avoir été traité comme un animal, Sigismond se comporte comme tel. Son amour pour Rosaura, sa jumelle en infortune, sera le moteur de sa métamorphose et Sigismond, après la révolte, se montrera finalement digne de porter la couronne et accordera le pardon. À l’issue de trois journées qui conduisent de la soumission et de la révolte au triomphe des pulsions, le songe rédempteur prend le pas sur une réalité dévastatrice.
Clément Poirée n’hésite pas, par sa mise en scène, à croiser les thèmes du rêve et de l’illusion avec la notion baroque du theatrum mundi, conférant ainsi à cette pièce une portée universelle. Le jeu des acteurs, dans leur adresse directe au public, ou dans la multiplication de l’espace scénique – ils n’hésitent pas à quitter le plateau ou à entrer en scène en passant au milieu des spectateurs, ou en s’asseyant dans les gradins – renforce cette idée selon laquelle tous les êtres jouent un rôle sur la grande scène du monde. Si Calderón dépeint les passions, la démesure, Clément Poirée accentue le brouillage entre le rêve et la réalité, entre la vie et le théâtre.
La Vie est un songe de Pedro Calderon de la Barca Traduction de Céline Zins et mise en scène de Clément Poirée Théâtre de la Tempête Roure du Champ-de-Manoeuvre, Paris 12e Mar-sam : 20h Dimanche : 16h Tarif normal : 20 € Tarifs réduits : 16 €, 12 €, 10 € Rens. : 01 43 28 36 36