Chaillot, Théâtre National de la Danse Jusqu'au 10 mai
– En deux mots
Après quelques minutes d’une chorégraphie silencieuse, un micro jaillit du plafond et, suspendu à son fil, se balance au-dessus de la scène où il attire l’attention des trois danseurs. On le saisit, on y hurle un air de métal, on y lance des borborismes, on y soupire, on y devient beat box, on le tapote, bref, on y joue et on en joue. Petit à petit, sur le rythme et l’étrange musique que produisent tous ces sons, les corps se déploient, se cherchent et se répondent. Le ton est donné : on s’amuse et la danse sera festive, fantaisiste mais aussi virtuose. Car c’est bien cela qui unit les cinq Nouvelles pièces courtes présentées dans le dernier spectacle de la compagnie DCA / Decouflé, un savoureux mélange d’humour, de poésie et de performances.
L’humour, c’est celui qui préside à la création de Le Trou, pièce dans laquelle le buste d’un danseur et les jambes d’une danseuse surgissent d’une trappe pour s’associer et se composer en un corps élastique et disproportionné qui se donne à voir dans des poses aussi lascives que saugrenues entrecoupées de contorsions inédites. C’est aussi celui de Voyage au Japon, où se succèdent des tableaux franchement comiques, allant d’une représentation parodique mi-Broadway, mi-La Croisière s’amuse d’un vol Paris-Tokyo aux gesticulations télévisées des créatures de la pop nationale en passant par les méfaits nocturnes d’un obscur ninja.
Quant à la poésie, elle est partout, que ce soit dans ces deux pièces dignes des plus fantasques des textes de Jean Tardieu ou dans Trio et Vivaldis, chorégraphies aux accents plus lyriques portée par du piano et du chant jazz pour l’une, par la musique sacrée de Vivaldi pour l’autre. Cette poésie, elle est aussi dans le déchaînement bestial qui traverse le corps du danseur qui conclut Évolution : écartelé entre les contraintes de l’homme moderne et ses instincts primaires, il cherche à s’emparer de son carcan – en l’occurrence une veste de costume – et maltraite ce double encombrant au point que l’on pourrait dire avec Henri Michaux qu’"il l’emparouille et l’endosque contre terre […] / le tocarde et le marmine" avant de "l’écorcobaliser*". Ce tableau, comme les autres d’ailleurs, est d’autant plus saisissant qu’il est exécuté avec brio par un danseur-acrobate auquel aucune prouesse ne semble résister. Et c’est aussi cela qui fait la force des Nouvelles pièces courtes, la présence sur scène d'artistes aux talents multiples qui, pour le plus grand plaisir des spectateurs, allient chant, musique, cirque et théâtre à leur danse. Le résultat est tel qu’on ferme les yeux sur les trop nombreuses projections vidéo qui surchargent la mise en scène plus qu’elles ne la soutiennent, mais dont la présence contribue toutefois à faire des Nouvelles pièces courtes une œuvre d’art totale dont on se délecte de bout en bout.
Nouvelles pièces courtes Compagnie DCA / Philippe Decouflé Du 20 avril au 10 mai 2018 Chaillot, Théâtre National de la Danse 1 place du Trocadéro, Paris 16e Horaires variables selon les jours Tarif normal : 37 € Tarifs réduits : de 6 à 29 € Rens. : 01 53 65 30 00