Penser qu'on ne pense à rien c'est déjà penser quelque chose
Théâtre de Belleville
Jusqu'au 4 mars – En deux mots
On arrive dans le théâtre, on s’installe, et le caractère de Paulbert, personnage amer autant aigri qu’attachant, se dessine dans les quelques gestes amorcés avant que la pièce ne démarre. Il s’agace, griffonne sur son carnet, la mine désespérée. Arrive Gérald, son cousin. Le spectateur assiste alors à la première conversation que ces drôles de locataires vendent dans une boutique vide, qui ne connaît qu’un seul client. On sourit déjà face à ce duo surprenant. Barbara, jeune femme détonante de couleurs et de fraîcheur dans le décor simple, interrompt les cousins à la recherche de vin et de la rue Boulard.
Le spectateur est entraîné dans un tourbillon, ou plutôt une "boucle" temporelle pour reprendre la métaphore filée tout au long du spectacle. Paulbert, pessimiste, "pense que l’Humanité ne fait que se répéter". Est-ce le cas ? C’est la question que Pierre Bénézit s’est posée et qui marque le point de départ de son spectacle. Face à Paulbert, l’auteur place des contrepoints, des nuances, notamment Barbara qui paraît plus légère, gaie et trouve toujours matière à redire. Elle prône l’ennui, et en apprend quelques rudiments à Gérald. Cette pièce, tout en ayant l’air de ne parler de rien, en dit long sur un peu tout. On revisite l’histoire et certaines de ses figures : les hommes préhistoriques, les grandes pyramides, la bibliothèque d’Alexandrie, Jules César, Jésus mais aussi le plan d’hélicoptère de Leonard De Vinci. On plonge dans une création fantasque et entraînante dont les personnages nous amènent à penser, le sourire aux lèvres.
Les dialogues, à travers diverses réflexions qui se suivent et s’enchaînent sans faux pas, placent l’homme face à l’absurdité du monde, et de son existence, un peu dans la veine de Beckett. On sourit beaucoup, parfois en grimaçant, mais toujours portés par ce lien subtil qui, comme un sursaut d’humanité, se tisse tout au long de la pièce entre les personnages. Nous allons tous mourir, certes, tout a peut-être été pensé, ou dit, mais l’homme lui est toujours là, face à lui-même, mais aussi face à l’autre, face à la vie et ce qu’elle propose. Peut-être que, comme le dit Barbara, rien ne vaut une bonne soirée « avec un pote chiant », cette parenthèse infinie dans laquelle s’allonge le temps et où, sans penser à rien, on fait exister le tout.
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Pauline Sanséau --------------------- Le 28 décembre 2017 Penser qu'on ne pense à rien c'est déjà penser quelque chose Texte et mise en scène de Pierre Bénézit
Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple, Paris 11e
Jusqu'au 4 mars 2018
Mar-sam 19h15
Dim 15h
Relâche le 20 février Tarif normal : 25 € Tarif abonné et moins de 26 anz : 10 €
Tarif réduit : 15 € Rens. : 01 48 06 72 34 Crédits Photos © Lisa Lesouro