Les séries télévisées sur un podium
Les feuilletons sont devenus une vitrine de choix pour les couturiers, qui y trouvent un moyen efficace de vendre leurs produits.
Elle déprime en manteau de fourrure Dior, va en boîte des Manolo Blanik aux pieds et mange dans un Fast-Food en tailleur Chanel... Sarah Jessica Parker, alias Carrie Bradshaw, l'héroïne de Sex & The City, est un cintre pour créateurs à elle seule. Pas un épisode de la série télévisée où elle ne change pas cinq fois de tenue en vingt minutes chrono. Prada, Christian Louboutin, Baccara, Gucci... Chaque scène est un défilé de noms de grands couturiers, un hymne permanent à la mode de luxe. Finies les années Dallas et autres Friends où les personnages arboraient des vêtements de créateurs dans des situations inédites... Carrie et ses copines ont lancé la Mode next door, accessible en un clin de (portef)oeil. Habituée à porter les plus grands noms, Sarah Jessica Parker est elle-même devenue une icône de mode. Tellement facile de porter des Sam Edelman ou un pantalon Dries Van Noten... Faussement facile.
Le cinéma a toujours été une vitrine de choix pour les grandes marques. Ava Gardner, Marylin Monroe, Sophia Loren n'avaient pas la "taille mannequin", certes, mais elles incarnaient le glamour et l'élégance. Symboles de féminité et de beauté, elles contribuaient à mythifier la haute-couture. Mais, depuis quelques années, les créations s'invitent aussi sur le petit écran, dans les scènes de la vie quotidienne, et elles le lui rendent bien : les Jimmy Choo, décrétées "Meilleures chaussures de l'univers" par Carrie & co, ont augmenté de 30% leurs ventes depuis 5 ans. L'identification aux héroïnes joue à plein dans la réussite des marques autres que les traditionnels Jean-Paul Gaultier ou Stella McCartney... Il suffit de se balader cinq minutes dans le centre de Paris pour voir que les sacs Marc Jacobs ont conquis le marché des fashionistas.
S'agit-il de démocratiser les grandes marques ? "C'est plus complexe que cela", estime Aline Tran, étudiante en stylisme. "La facilité d'accès aux vêtements de luxe est une illusion : peu de personnes ont les moyens de se vêtir comme les héroïnes de Sex & The City. Au contraire, tous ces shows, comme Ugly Betty ou Gossip Girl, permettent aux spectatrices de vivre par procuration leur amour de la mode." Gossip Girl, voici un exemple intéressant : si Carrie et ses congénères avaient la trentaine, les stars de la nouvelle série américaine qui vient de finir sa deuxième saison en beauté ont, elles, l'âge des personnages de Dawson : entre 16 et 18 ans. Une soirée pyjama devient alors prétexte à un hymne à Haider Ackerman ou Oscar de La Renta. Ne risque-t-on pas de banaliser la haute-couture et, par conséquent, de porter atteinte à ce qui fait son essence même ? "Les maisons y trouvent leur compte", poursuit Aline Tran. "Elles ne choisissent pas n'importe quelle série : Prada n'apparaitrait pas dans Beverly Hills, par exemple. On assiste également à un phénomène très intéressant : le 'naming'." Auparavant, les vêtements de créateurs étaient simplement portés. Désormais, on voit presque l'étiquette dépasser de la robe pour bien comprendre que c'est une Valentino ou une Sonia Rykiel.
Légendes des photos et Crédits :
Photo 1 : Sex and the City (DR)
Photo 2 : Gossip Girl (Giovanni Rufino/ CW)