L'actrice américaine est à l'affiche de la comédie romantique La proposition, qui sort le 23 septembre sur nos écrans, où son charme et son piquant font des merveilles, sauvant in extremis le film de la case "navet". Mais pourquoi est-elle si aimable ?
Une scène, d'abord. Sandra Bullock est Grace Hart, détective alcoolique et garçon manqué au rire de cochon, obligée de se réconcilier avec sa féminité pour s'infiltrer dans un concours de beauté. Le relooking a lieu dans un hangar, dont la comédienne sort avec éclat en plein jour. Lunettes de soleil, cheveux dans le vent, robe près du corps... le macadam sur lequel elle défile prend des allures de podium. Son déhanché vibre à chaque coup de talon, elle avance, sûre d'elle. Soudain, c'est le drame : un faux mouvement, et elle disparaît du cadre, vers le bas. Mange un peu du macadam. Puis se relève, l'air de rien, rangeant sa fierté derrière un sourire embarrassé. La scène dure 20 secondes, est le sommet de la comédie Miss Détectivede Donald Petrie, et montre Sandra Bullock dans toute sa splendeur : une jolie femme que l'amour du ridicule rend belle.
Les Ensorceleuses de Griffin Dunne, Demolition Man de Marco Brambilla, Entre deux rives d'Alejandro Agresti, Prémonitions de Mennan Yapo, L'amour de l'art de Bill Bennett... 80% de sa filmographie est pourtant, en un mot comme en mille, une catastrophe. Depuis le début de sa carrière, à la fin des années 1980, jusqu'à ses récents longs métrages, l'actrice a le chic d'inscrire régulièrement son nom à l'affiche de films qu'on n'ose à peine louer en DVD quand tous les autres ont déjà été empruntés. On ne comprend pas très bien cette attirance irrépressible qui pousse l'actrice vers des longs métrages qui, dès le titre, sont marqués du sceau de la honte. Et pourtant, tête baissée, elle fonce.
Et puis, de temps en temps, entre deux croûtes, des pépites inattendues : Speed de Jan de Bont, Calculs meurtriers de Barbet Shroeder, Collision de Paul Haggis... où elle prouve qu'elle est aussi une actrice. Aussi à l'aise dans le drame que la comédie, Sandra Bullock tourne en moyenne deux films par an. Et sait, à chaque fois, donner chair à ses personnages. Ses rôles d'amoureuse maladroite dans L'amour à tout prix de Jon Turteltaub, d'alcoolique en cure de désintoxication dans 28 jours en sursis de Betty Thomas, ou de mère absente dans Un vent de folie de Bronwen Hughes sont autant de comédies dramatiques où elle joue de ses sourcils en circonflexe et grimaces pour chatouiller l'empathie du spectateur.
Un critique de cinéma a dit, il y a quelques années, que Sandra Bullock était comme "le coca-cola sans les bulles". Certes, elle n'a ni la présence d'une Julia Roberts ni l'érotisme d'une Catherine Zeta-Jones, mais un sacré sens de l'auto-dérision dont elle a fait son sel. Elle est belle, mais pas trop. A subi quelques retouches chirurgicales, mais pas trop. L'actrice ressemble à une Américaine de classe moyenne supérieure, suffisamment bonne comédienne pour qu'on la remarque, sans crever l'écran. On la croiserait à la boulangerie ou dans un café qu'on ne s'étonnerait même pas de la voir vivre comme n'importe qui.
Sandra Bullock a la vie d'une star, mais n'en est pas une. Productrice à succès et comédienne prolifique, elle est l'une des mieux payées du secteur, mais n'a jamais visé trop haut, n'a pas hésité à aller trop bas, et finalement navigue à vue, sans plan de carrière tracé. Elle ne se frotte pas à plus fort qu'elle, ne se laisse pas grignoter par la machine hollywoodienne et fait son métier consciencieusement. Loin de tout arrivisme. Ce qui, dans le métier, fait exception et justifie presque que, rien que pour elle, on s'inflige des films comme La proposition.