Après avoir jeté les tessons, il ne reste plus qu'à coller des bouts de plastique pour remplacer les carreaux manquants, et empêcher les courants d'air de faire claquer les portes. Le vent souffle fort au bord de la mer caspienne, dans cette maison qu'un groupe d'amis étudiants est venu habiter pour quelques jours. L'occasion pour Sepideh, qui s'est occupée de l'organisation, de faire se rencontrer Ahmad, un ami qui sort tout juste d'une rupture, et Elly, une collègue. Mais, alors qu'adultes et enfants s'affairent dans la maison, celle-ci disparaît.
Quasi-mutique et énigmatique, ce personnage gagne paradoxalement en présence dès lors qu'il n'apparaît plus à l'écran. Sa disparition, et le lot d'interrogations qui va avec, est un moyen d'interroger l'altérité : qui est Elly ?, se demandent sans cesse les autres. Et, par un effet domino, ils sont amenés à s'interroger sur leurs propres liens, leurs propres identités.
La force du metteur en scène Aschar Farhadi est alors de ne jamais rester sur ce noeud de l'histoire, et de déplacer sans cesse les enjeux narratifs, interrogeant tour à tour les rapports entre mari et femme, parents et enfants, amis. Ainsi, chaque événement en cache un autre, et au milieu de cette chorale de personnages, la caméra se déplace en ricochets, s'accrochant aux répliques, aux visages qui, peu à peu, tombent le masque.
De même, le scénario rebondit en permanence, passant d'une humeur à l'autre. L'aspect théâtral de la mise en scène, avec unité de temps et de lieu, ne sacrifie pas à la force de la photographie, dirigée par Hossein Jafarian. Et c'est la maîtrise des scènes de groupe de Farhadi qui impressionne : répétant pendant les deux mois précédant le tournage avec les comédiens, il accorde un soin particulier à leurs placements. Au caractère suffoquant de l'histoire répond ainsi la fluidité des personnages, et la cohésion du groupe autant que sa dislocation. Farhadi laisse résonner toutes les voix dans ce drame polyphonique, mais elles se perdent souvent dans le bruit sourd de la mer, que les bouts de plastique scotchés n'atténuent pas tout à fait.
Bartholomé Girard
Le 07/09/09
A propos d'Elly (Darbareye Elly), drame iranien d'Asghr Farhadi
Avec Golshifteh Farahani, Taraneh Alidousti, Shahab Hosseini...
1h56
Sortie le 9 septembre