Une histoire de timbrés
Mary et Max, ou l'amitié par correspondance entre deux angoissés : Adam Elliot signe un premier long métrage d'animation aussi mélancolique que paisible.
La langue au coin des lèvres, Mary Dinkle s'applique à coller un timbre sur l'enveloppe. Sa mère, alcoolique et toxicomane, ne sait pas que sa fille de 8 ans aux lunettes plus grandes que le visage correspond depuis quelques jours avec Max Horowitz, un juif new yorkais de 44 ans et 159 kilos, atteint du syndrome d'Asperger. C'est en arrachant une page du botin au hasard et en pointant son nom que Mary, sans connaître Max, a décidé de lui écrire pour raconter sa solitude, son goût immodéré du lait concentré, et sa souffrance d'avoir une tâche de naissance couleur «caca» sur le front. Pour Max, c'est l'occasion de parler de ses angoisses, de sa passion pour les hot dogs au chocolat, et de se faire, enfin, une amie. Pour les deux, c'est le début d'une amitié épistolaire qui va durer 20 ans.
Au son de la voix enjouée de Barry Humphries, le narrateur du film, sont bercés les deux personnages en pâte, modelés dans la mélancolie et en partie inspirés par le travail de Diane Arbus, référence explicite du réalisateur Adam Elliot. Lui et la photographe ont en commun l'affection des marginaux. Et la compassion que le cinéaste veut susciter à chaque mouvement de caméra vient sûrement de sa propre empathie pour un Américain avec qui il correspond depuis 20 ans, également atteint du syndrome d'Asperger. Ce premier long métrage lui est par ailleurs dédié.
Dans Mary et Max, l'une vit donc dans une Australie sépia, l'autre dans un New York noir, blanc et gris. Quelques touches écarlates font le lien entre les deux mondes, un pompon, une barrette, et puis ces enveloppes et paquets que Mary et Max s'envoient par dizaine pour tromper leur solitude. La tristesse qui imprègne l'image délavée du film n'est jamais pesante, enveloppée dans un ton souvent malicieux voire cocasse, typique du genre du conte auquel la narration emprunte certains tics, comme le souci de caractérisation des personnages par ce qu'ils aiment et détestent, ou des figures secondaires parfois caricaturales.
En faisant tenir son film davantage sur la personnalité de ses anti-héros que sur les enjeux narratifs, Adam Elliot n'évite pas quelques longueurs, mais son sens du détail dans l'animation permet de tenir le fil de cette belle histoire qui montre qu'à plusieurs centaines de kilomètres et trois décennies de distance, sans jamais se voir, une rencontre est possible. Comme si, loin des yeux, on était tout aussi proche du coeur.
Bartholomé Girard
Le 24/09/09
Mary et Max, film d'animation australien d'Adam Elliot
Avec les voix en version originale de Tony Collette, Philip Seymour Hoffman, Barry Humphries...
1h32
Sortie le 30 septembre