Memory of love, avant l'oubli Ce drame poignant de Wang Chao a l'apparence légère d'une plume. Seulement l'apparence.
Li Xun, médecin en hôpital, voit arriver sa femme, He Sizhu, sur un brancard. Elle vient d'avoir un accident de voiture. L'homme qui conduisait est son amant. Quand elle se réveille, He Sizhu a oublié les trois dernières années de sa vie. Elle est revenue au temps où elle aimait son mari, et n'avait pas encore rencontré Chen Mo, son amant.
De façon lancinante, cette valse à trois personnages tourne sur elle-même, se balançant d'un regard à l'autre : celui de la femme, sur le fil ; celui de l'amant, en arrière-plan ; celui du mari, toujours amoureux. Wang Chao laisse sa caméra à l'épaule se glisser dans le quotidien de ces trois êtres en perdition avec délicatesse, sans brusquerie. Le cinéaste contre-balance la réalité froide de son histoire par une mise en scène matinée de douceur dont le rythme tempéré fait mieux saillir encore la violence des sentiments en jeu.
Le souvenir d'amour du titre est autant celui de la femme pour son amant qu'elle va recouvrer, que celui du mari qui doit désormais vivre en sachant qu'elle l'a trompé. Preuve d'amour suprême, le pardon se double d'une autre forme de risque : celui de perdre à nouveau sa femme. C'est aussi un acte de foi, puisque Xi Lun accepte son amour pour un autre, et prend le risque de la voir disparaître de nouveau. Il lui faut croire que l'éloignement n'est que passager, et que des retrouvailles auront lieu. Que son amour est suffisamment fort pour deux, ou que celui de sa femme à son encontre est toujours vivace. Nulle résignation dans son comportement, au contraire : un courage immense.
Oscillant entre la fatalité – la femme retombe amoureuse de son amant, comme si ce qui avait été écrit une fois ne pouvait plus être effacé – et le libre-arbitre – pour autant, il n'est pas sûr qu'elle ne revienne pas vers son mari –, Wang Chao filme sans esbroufe cet amour inconditionnel d'un homme pour une femme. Le grain de la pellicule, d'un aspect documentaire, glace l'image. Un Wong Kar-Wai aurait sans doute esthétisé le film à grand renfort de ralentis sur fond de musique classique. Wang Chao laisse la beauté s'échapper de la force de son histoire, et de la simplicité apparente de ses plans.
"Si Li Xun considérait He Sizhu uniquement comme son épouse, il serait très en colère contre elle en raison de sa trahison, explique le cinéaste. Mais si Li Xun la traite comme une femme indépendante, son histoire d'amour extra-maritale devient uniquement un élément de son destin : il n'a plus à être en colère contre elle." L'épreuve de l'altérité passe ainsi par l'acceptation de la distance de l'autre, temporaire ou définitive, et de la singularité de l'être aimé, qui toujours doit rester libre pour mieux revenir.
Memory of love, avant l'oubli
Oscillant entre la fatalité – la femme retombe amoureuse de son amant, comme si ce qui avait été écrit une fois ne pouvait plus être effacé – et le libre-arbitre – pour autant, il n'est pas sûr qu'elle ne revienne pas vers son mari –, Wang Chao filme sans esbroufe cet amour inconditionnel d'un homme pour une femme. Le grain de la pellicule, d'un aspect documentaire, glace l'image. Un Wong Kar-Wai aurait sans doute esthétisé le film à grand renfort de ralentis sur fond de musique classique. Wang Chao laisse la beauté s'échapper de la force de son histoire, et de la simplicité apparente de ses plans.
