Les bandes annonces, pellicules du bonheur
La voix semble souvent sortie de la gorge tapissée de nicotine d'un ogre hirsute vivant dans une cave. Il y a bien un ou deux bikinis, des ralentis et accélérés à foison, et un champignon de flammes qui embrase tous sur son terrain. Si possible, deux-trois noms de stars du box-office, des slogans qui se veulent accrocheurs. Et le titre apparaît, mangeant l'écran, avant que la date de sortie ne se dessine sur fond noir. Quelques ingrédients usés et usités jusqu'à la corde pour, aujourd'hui, des bandes annonces qui se suivent et se ressemblent tristement. Trop longues, trop bavardes. Trop éloignées de ce que sont les longs métrages dont elles montrent des échantillons.
Parce que certains maîtres du cinéma ont bien compris que la bande annonce était un art en soi, heureusement, quelques pépites ont émergé à la surface. Tour à tour montées comme des pièces de haute-couture, mises en musique avec maestria, elles laissent une impression sensible sur la rétine. Et font croire qu'il est possible de trouver un bel équilibre entre trop montrer et pas assez. Juste ce qu'il faut pour donner envie de revenir, encore et encore, s'assoir sur un fauteuil rouge.
Films d'action, drames, comédies, séries B, films d'horreur, films d'auteur... Chaque jour jusqu'au 25 décembre, une galerie de teasers et bandes annonces d'exception, tous genres et époques confondus, parsemés en forme de cadeaux de noël.
15. Gloubi-boulga de blockbusters : Independence day de Roland Emmerich (1996), Mission : impossible de Brian de Palma (1996), Volte/face de John Woo (1997), Cloverfield de Matt Reeves (2008), The Watchmen de Zack Snyder (2009) et... The Green Lantern (?)
Ah, Independence day... son ombre de vaisseau spatial, ses voitures qui volent dans le souffle des flammes, sa Maison Blanche ouverte sur le monde. C'est sans nul doute au grand maître ès subtilité Roland Emmerich que l'on doit l'une des bandes annonces les plus influentes de ces dernières années, copiée et recopiée depuis. Cette fois-ci, pas de voix ténébreuse de Hal Douglas. Juste de savants montages épilleptiques avec force cuivres, moult percussions et choeurs époumonnés. Et, en cadobonux, la bande-annonce ultime : The Green Lantern, méta-film idéal sur le héros de comics éponyme. C'est peut-être cela, la bande-annonce rêvée : celle qui ne vaut que pour elle-même, et dont l'inscription "Coming soon" reste imprimée sans limite.
14. La liste de Schindler de Steven Spielberg (1993)
Étonnement, alors que les vents et cordes du compositeur John Williams résonnent comme une marche funèbre, la succession d'images en noir et blanc et sans paroles du célèbre film de Steven Spielberg sur la Shoah confinent moins à l'horreur, qu'à mettre en valeur la lumière qui, dans la fumée d'un train, à travers les vitres d'une usine ou dans la poignée de main de deux hommes, se diffuse sur la pellicule.
13. Garden State de Zach Braff (2004)
Qui a dit qu'on ne pouvait pas tomber amoureux d'un film en ne l'embrassant que quelques secondes ?
12. Psychose d'Alfred Hitchcock (1960)
Le "fabuleux M. Alfred Hitchcock" et sa diction inimitable s'inventent guides, le temps de faire le tour du décor des célèbres manoir et motel de Psychose. Ironiquement, le réalisateur, habitué à faire de courtes apparitions dans ses longs métrages (des "caméos"), occupe ici tout l'espace. Et, derrière chaque battant de porte, au pied de chaque escalier, dans les moindres recoins des pièces, distille du suspens en faisant mine de tout raconter, mais en ne révélant absolument rien, jusqu'au lever de rideau final et les cordes stridentes de Bernard Hermann.
11. Session Darren Aronofsky : Requiem for a dream (2000) & The Foutain (2007)
Films hors normes, bandes-annonces hors normes : dans deux genres radicalement différents (une esthétique-clip, où les images se succèdent au rythme d'une bande-son infernale ; un savant montage d'histoires parallèles muettes), une constante du cinéma de Darren Aronofsky : le retour vers le même, l'enfermement dans la répétition, et ces percussions qui résonnent comme un couperet qui n'arrête pas de tomber.
10. Les climats, de Nuri Bilge Ceylan (2006)
Quelques touches de piano affleurées, et, pour unique dialogue, le moteur de la voiture à l'extérieur, le vent qui s'engouffre dans les arbres, le papier d'une cigarette qui se consume, un rire gras, une porte qui grince, un coup de tonnerre. Le turc Nuri Bilge Ceylan écrit, réalise et interprète Les climats, drame atmosphérique sur l'incompréhension amoureuse, qui allie comme peu savent le faire une douceur infinie et une violence inouïe, susceptible d'éclater au moindre lever de sourcil.
9. Corruption, de Robert Hartford- Davis (1968)
"No woman will dare go home alone after seeing Corruption". Un message nuancé et progressiste pour un grand classique du cinéma, une série B toute en finesse dont le travail délicat sur la photographie, le jeu d'équilibriste de l'acteur Peter Cushing (et des mémorables comédiennes) et, comme le transpire la bande-annonce, l'originalité du scénario en font, incontestablement, le roi de ce dossier.
8. Femme fatale, de Brian de Palma (2001)
Au petit jeu d'en montrer trop ou pas assez, Brian de Palma coupe la poire en deux, et montre tout. Titre, accéléré, zoom, accéléré, ralenti, accéléré, gros plan, accéléré, générique, accéléré, écran noir. "Vous venez de voir le nouveau film de Brian de Palma. Vous n'avez pas compris ? Réessayez."
7. Comedian, de Christian Charles (2002)
"Dans un monde où... [chboum chboum !]... des extra-terrestres attaquent notre planète... [pif paf !]... pour détruire l'humanité... [ratamtamtamtam !]... un homme se dresse... [nanananaaaaaa !]... et, seul, vaincra... [piyouuuu !]... pour sauver la Terre... [aaaaaaah !]... mais pour cela... [chbam !]... il devra en payer le prix... [ziouuum !]". Une journée normale dans la vie du comédien Hal Douglas, barbu à lunettes qui fait trembler chaque bande annonce de blockbusters de Roland Emmerich ou Michael Bay de sa voix de baryton. Attention les oreilles.
6. Session Stanley Kubrick : The Shining (1980), Dr Folamour (1963), Eyes Wide Shut (1997) & Lolita (1962)
Il ne lui suffisait pas de réaliser, à chaque passage derrière la caméra, de grands films qui, d'un genre à l'autre, ont tous marqué l'Histoire du cinéma. Stanley Kubrick s'est, en plus, doté de bandes-annonces plus ingénieuses les unes que les autres. Avec ou sans montage, le talent est là. La preuve par quatre.
5. The strangers, de Bryan Bertino (2007)
Clic-clac, fait la machine à diapositives. Clic-clac, une maison dans un quartier paisible de la banlieue américaine. Clic-clac une autre demeure. Clic-clac, quatre heures du matin, Kirsten et James s'embrassent. Clic-clac, on sonne à la porte. Clic-clac, "you're gonna die". Clic-clac.
4. A bout de souffle, de Jean-Luc Godard (1960)
Entre deux coupes, les plans se superposent. Jean-Paul Belmondo, les lèvres épaisses, aime l'Américaine Jean Seberg et son accent matelassé, qui résonne dans le silence de ce trailer hors norme. Elle essaime ainsi les ingrédients qui composent le film A bout de souffle, oeuvre majeure de la Nouvelle vague. Ici, c'est l'impression d'un film total, trop prétentieux pour être honnête, qui prime : toutes les émotions, tous les personnages, toutes les histoires, tous les films. Et de grands noms : Claude Chabrol, François Truffaut et, évidemment, Jean-Luc Godard, qui réalise "le meilleur film actuel".
3. Red eye, de Wes Craven (2005)
Un garçon propre sur lui, une fille brushée à la boucle près, une guitare grattée doucement, un aéroport, un avion en retard, une file d'attente, un sourire, une plaisanterie qui fait mouche, une invitation, un verre au bar, un siège à côté d'un autre... une comédie romantique. Une comédie romantique ?
2. Little Children, de Todd Field (2006)
Dès la première seconde, le sol se met à trembler, le klaxon se fait entendre par réverbérations, les roues qui rapent les rails se rapprochent. Un drame bourgeois sur l'infidélité. Et puis, il y a ce bruit sourd du train qui approche à grande vitesse, qui va bientôt aspirer l'air alentour. Qui pourrait bien tout faire dérailler.
1. Alien, de Ridley Scott (1979)
Le classique horrifique fête cette année ses 30 ans, et sa bande annonce est, depuis sa première diffusion en 1979, un classique du genre. Montage et son vont crescendo pendant deux minutes de pure tension. Une leçon de bande annonce, qui place la barre très haut. Comme un diapason qu'on frappe contre du bois pour le faire résonner, le placer près de l'oreille, et qui donne le "la".
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