L`Intermède
Question de tempo
Le Centre Canadien d'Architecture à Montréal explore et conteste, jusqu'au 8 novembre, le culte de la vitesse dans le monde contemporain à travers l'exposition La vitesse et ses limites, coorganisée avec la Wolfsonian-Florida International University. 

Centre Canadien d'architecture à Montréal - la vitesse et ses limites expositionDes escargots, dans un mouvement si lent qu'ils en paraissent immobiles, contemplent du plafond la foule qui marche dans les rues, les embouteillages sur les routes, les avions et les fusées qui s'agitent au sol. L'entrée de l'exposition La vitesse et ses limites, qui, dans un mouvement réflexif, en est aussi la sortie, pose d’emblée au visiteur, avec ces deux vidéos projetées à ses pieds et au-dessus de sa tête, une simple question, une évidence : pourquoi toute cette agitation ?

Les salles thématiques sur le rythme, le trafic ou la mesure interrogent le XXe et le XXIe siècles dans leur rapport au temps. Marinetti, dans son manifeste du Futurisme, publié à la une du Figaro en 1909, écrivait : "La littérature ayant jusqu'ici magnifié l'immobilité pensive, l'extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif, l'insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing." Et l'enjeu de cette exposition du Centre Canadien d'Architecture semble de montrer les conséquences, à long terme, d'une telle démarche.

Les murs et meubles, tous blancs, sont agencés de manière dynamique, dans une interaction constante avec le visiteur : chaque salle, objet, photographie et vidéo est là pour heurter la conscience, faire surgir des points d'interrogations et des doutes. Le sentiment de l'éphémère explose ainsi au visage du visiteur contemplant, ahuri, les quartiers d'immeubles qui implosent et s'écroulent en quelques secondes, rasés, anéantis, alors que des journaux photographiques sur un mur adjacent prouvent que l'on peut construire une maison en une journée.

A l'image de l'homme moderne, stimulé à l'extrême, le visiteur jongle entre les photographies, les vitrines, les citations qui l'obligent à lever la tête, les vidéos sur les murs, mais il est aussi amené à prendre le temps d'observer autour de lui, à s'arrêter dans une salle pour en découvrir toutes les richesses, comme cet étonnant escalier de cubes blancs portant chacun un appareil de mesure : horloges, podomètres, débitmètre, anémomètre, tachymètre, métronome. Chaque détail mérite que l'on y prCentre Canadien d`architecture- la vitesse et ses limitesête attention. Même la police d'écriture des citations sur les murs a été créée pour l'occasion par l'atelier de design new-yorkais Project Projects. Elle porte le nom de "Luigi" en référence à la page titre de L'Art des Bruits (1916), manifeste futuriste de Luigi Russolo qui défend la nécessité d'inventer une nouvelle musique adaptée au mode de vie moderne, urbain et industrialisé.

L'idéal de progrès des futuristes italiens au début du XXe siècle est loin, désormais, à l'heure du désenchantement. L'efficience, concept clef auquel une salle entière est consacrée, révèle son côté sombre : la déshumanisation, à l'image de ces bureaux fonctionnels mais standardisés, froids, presque hostiles, photographiés par Balthazar Korab. L'espace domestique se laisse également investir par cette obsession de l'efficacité et de la productivité. Des clichés datant des années 1910 montrent ainsi des femmes participant à des études sur les "déplacements domestiques" pour des fabricants de cuisines. "L'organisation scientifique du travail vise à inciter les hommes à fonctionner le plus possible comme des machines", clame la citation de Frank B. Gilbreth sur un mur de la pièce.

Au-delà de la question de l'urbanisation et des modes de vie, l'exposition souligne, avec pertinence, la transformation même de l'humain. Quelles en sont les limites, aujourd'hui ? Dans cet extrême, tout devient artificiel : partout au centre de la dernière salle s'étalent des pilules autant pour aider à dormir ou à combattre le stress qu'à développer les capacités humaines, ou à accroître l'énergie. Sur le mur du fond, Usain Bolt bat le record du monde du 100 mètres.

 
Claire Cornillon, à Montréal
Le 15/09/09
 
Centre Canadien d`architecture- la vitesse et ses limites
La vitesse et ses limites, jusqu'au 8 Novembre
Centre Canadien d’Architecture
1920, rue Baile Montréal
Québec, Canada
1 514 939 7026
Mer-Dim : 11h-18h
Nocturne le jeudi (21h)
Adultes 10$
+ de 65 ans 7$
étudiants gratuit
Entrée libre pour tous le jeudi soir de 17h30 à 21h


L'exposition se tiendra ensuite à Miami à La Wolfsonian-Florida International University du 17 septembre 2010 au 20 février 2011.

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Crédits et légendes photos
Vignette sur la page d'accueil : Seattle, 1983 Collection CCA, Montréal © Tod E. Gangler
Photo 1 Exposition La vitesse et ses limites, 2009 Vue de l'installation au CCA © CCA, Montréal
Photo 2 Vue du secrétariat dans l’édifice de la North Carolina Mutual Life Insurance, Durham, Caroline du Nord. Welton Becket et associés, 1965. Collection CCA, Montréal. Don D’Elliott et Carolyn Mittler. © Balthazar Korab.
Photo 3 Exposition La vitesse et ses limites, 2009 Vue de l'installation au CCA © CCA, Montréal