Ceal Floyer : de petites choses
Après un passage au Palais de Tokyo au printemps dernier, l'Anglaise Ceal Floyer expose à Berlin. Dans son immense espace, le Kunst-Werke met en scène ses minuscules oeuvres.
Une lumière de projecteur affiche au mur un rideau rouge de scène de théâtre. Nous voilà en piste. L'exposition de Ceal Floyer débute sur ce presque rien, mais non moins intrigant, de spectacle. Débute, c’est ce que l'on croit. Car la première oeuvre ne se situe pas ici, mais bien dans cette pièce encore inconnue, celle qui se trouve à côté de la caisse dans l’entrée du KW. Le spectacle de Ceal Floyer est un jeu constant entre ce qui se voit et ce qui ne se voit pas. La première oeuvre, très discrète, ce sont donc ces deux magazines exposés sur une étagère. Et cette paire n’est pas anodine : les livres
Pictures Puzzle semblent déjà nous narguer par leur sous-titre "
Can you spot the differencies ?", "
Pouvez-vous repérer les différences ?" Évidemment, pas de différence remarquable entre ces deux livres, et pourtant…
Petites, ainsi sont les oeuvres de Ceal Floyer qui occupent l’immense espace du KW, comme à chacune de ses expositions. Alors pourquoi avoir appelé cette exposition
Show ? D’autant que la vue est parfois moins importante que l’ouïe. Témoin, l’oeuvre
Things et ses haut-parleurs blancs éparpillés dans une immense pièce entre lesquels le spectateur est invité à déambuler, faisant résonner en écho aléatoire le mot "Things". Le chant qui naît de cette installation est des plus envoûtants, comme une pause entre deux découvertes du travail original de l'artiste.
Les oeuvres de Ceal Floyer s'intéressent aux objets du quotidien, à leurs petites tailles, aux relations qu'ils entretiennent entre eux. Et cette artiste anglaise, qui vit et travaille à Berlin, sait faire naître de la magie là où l'on s'y attend le moins. Ainsi le mur blanc de
Monochrome till receipt (white) ne révèle-t-il ses secrets que lorsqu'on se penche plus avant, découvrant une liste de courses accrochée sur son pan. Pas qu'une simple plaisanterie, cette oeuvre fait écho, non sans humour, au courant minimaliste en art contemporain.
Et parce qu’elle aime les renversements, Ceal Floyer s’amuse à inverser les rapports entre intime et privé.
Works on paper est ainsi constitué de papiers qui servent à tester les stylos dans les magasins. Accroché tout autour de la dernière pièce de l’exposition, ce papier peint montre ce que nous faisons instinctivement, nos écrits les plus irréfléchis, et donc les plus secrets. C'est sûrement là où se situe le "
Show" : dans cette volonté de montrer ce qui ne doit pas toujours l'être.