L`Intermède
Berlin, C O, Don McCullin, the impossible peace, guerre, photographie, mur de Berlin, soldats, Nigeria, famine, Biafra, occupation, rétrospective, photoreporter, photoreportage, paysage, pauvretéDon McCullin, l'oeil dans le charbon
Berlin, 1961 : l'anglais Donald McCullin réalise ses tout premiers clichés en noir et blanc, pointant l'objectif vers le mur qui se dresse pour les trois prochaines décennies. Un demi-siècle plus tard, le musée C/O, dans la capitale allemande, accroche les photographies de McCullin qui, entre-temps, s'est forgé une immense réputation comme photoreporter de guerre. Don McCullin : The impossible peace, 1958 - 2008, est à découvrir jusqu'au 28 février.


C’est grâce à son service militaire, où il est envoyé dans l’unité de photographie de la Royal Air Force, que Donald McCullin développe sa passion pour les prises de vue. Celui qui affirme qu’il serait "devenu un criminel s’[il] n’avait pas découvert la photographie" est désormais bien loin de l’avenir de malfrat qui l’attendait. Ayant couvert pour le Sunday Times, de 1966 à 1984, les principaux conflits de la seconde moitié du XXème siècle, Don McCullin forge son style en plein cœur de la misère, de la panique, de la terreur. Présent sur les champs de bataille lors des guerres civiles du Congo, du Nigéria, d’Irlande du Nord, des "Six Jours", du Kippour ou encore en Indochine, il témoigne des atrocités qui se sont déroulées là-bas. Cette rétrospective de la musée C/O permet de (ré-)accompagner le photographe sur les lieux de ces différents conflits, exposés par ordre chronologique.

La force des instantanés de Don McCullin réside tout autant dans cette impression d'intimité immédiate avec les sujets, qui sont au centre de l’image, toujours nets, comme las de la vie qui les entoure, que dans la distance que le travail sur la lumière, qui paraît artificielle, impose : les contrastes, fortement accentués, donnent un caractère fictionnel aux clichés. L'effet de réel n'en devient, paradoxalement, que plus saillant, et Berlin, C O, Don McCullin, the impossible peace, guerre, photographie, mur de Berlin, soldats, Nigeria, famine, Biafra, occupation, rétrospective, photoreporter, photoreportage, paysage, pauvretéle malaise plus prégnant. "Ma responsabilité envers l’humanité est de montrer à quel point la guerre que je photographie est repoussante et intransigeante, explique ainsi McCullin. Les jeunes gens, par ici, ont grandi avec une vision hollywoodienne de la guerre : frivole et fascinante, emplie de beaux mecs musclés et parfaitement halés. La guerre, ce n’est pas ça !"

La guerre, c’est donc ces visages mortifiés, ces pleurs, cette douleur immense. La famine, c'est cette maigreur associée à ces ventres de femmes enceintes chez les enfants en bas âges. La pauvreté, ce sont ces visages tannés, ridés, mal rasés d’hommes qui vivent sans domicile. "Il est difficile d’associer le mot de 'dignité' aux conditions dans lesquelles je photographie, pourtant c’est bien la dignité que j’essaie de montrer. Je la trouve bien plus présente dans les personnes qui souffrent le plus, on dirait que leur énergie s’accorde à la dignité, parce qu’ils ne résistent plus. Comme l’est la mère biafraise, son enfant au sein, il est impossible d’imaginer une dignité humaine plus importante que celle-ci." Cet enfant albinos nigérian qui tient ainsi une conserve de corned beef neuve, malgré son défaut de pigmentation, sa maigreur plus marquée encore que celle des autres enfants, sa position voûtée causée par la famine, est montré avec la déférence qui lui est due.

Donald McCullin affirme son style dès son séjour berlinois : la ville est sous tension, incertaine, noyée dans la peur des habitants. Témoin, le contraste entre une chaussure et une mitraillette de militaire américain qui mangent le premier plan d'un cliché, alors que le contour d'une femme habillée en civil, flou, se fond dans l'arrière-plan. L’occupation est totale. Mais ce n’est rien en comparaison des regards apeurés des berlinois de l’Ouest, qui regardent le mur en construction. Ni images sanglantes, ni d'affrontements armés. Mais une tension qui électrise Berlin, C O, Don McCullin, the impossible peace, guerre, photographie, mur de Berlin, soldats, Nigeria, famine, Biafra, occupation, rétrospective, photoreporter, photoreportage, paysage, pauvretél'air. On est bien dans la guerre froide. Mais Don McCullin va plus loin, et part en reportage dans des zones de conflits. Il saisit avec son objectif les morts, les familles en larmes, les soldats sur le champ, tout ce qui sert de preuve de l’inhumanité des guerres qui ont lieu. Il obtient en 1964, le World Press Photo pour son reportage sur les conflits à Chypre. C’est par la suite qu’il signe une exclusivité avec le Sunday Times.

L’exposition du C/O retrace les cinquante années de carrière du photoreporter, de ses premières photographies de Berlin à celles sur les ruines romaines en 2008. "Je n’ai jamais voulu être en premier lieu un photographe de guerre, je voulais montrer les paysages et la paix, ce que je fais désormais – et ce que je trouve aussi bien plus difficile que de photographier la guerre." Loin des zones à risques, des terrains minés ou des bombardements, McCullin s’essaie désormais aux paysages. Le calme qui règne dans ses nouveaux clichés, moins aiguisés que les noir et blanc qui ont fait sa réputation, est bien loin des climats de peur et d’angoisse des photos de reportage. Les ruines romaines qu’il photographie dessinent la puissance d’un peuple éteint, la majesté d’une autre époque. Comme si, après les horreurs du siècle passé, il fallait en revenir aux vestiges des temps anciens pour trouver une forme de paix, au détriment du soufre et du charbon.

Chloé Hipeau, à Berlin
Le 20/01/10

Berlin, C O, Don McCullin, the impossible peace, guerre, photographie, mur de Berlin, soldats, Nigeria, famine, Biafra, occupation, rétrospective, photoreporter, photoreportage, paysage, pauvreté
Don McCullin : The Impossible Peace, jusqu’au 28 février 2010
C/O Berlin
Oranienburger Straße 35/36
10117 Berlin
Tlj : 11h-20h
Tarif plein : 8 €
Tarif réduit : 5 €
Moins de 16 ans : gratuit
Rens. : (+49) 30 28 09 19 25 ou info@co-berlin.com


A ne pas manquer aussi au C/O : L’exposition de Jonas Bendiksen, The Places We Live, jusqu’au 28 février 2010.
En les photographiant dans leurs habitations, l'objectif de Jonas Bendiksen saisit des personnes qui vivent dans les bidonvilles de quatre différentes parties du monde. Une bande sonore offre l’histoire de ces gens et permet une vision aussi lyrique que difficile de leurs conditions de vie.






D'autres articles de la rubrique Instantanés

Exposition à la fondation HCB : à pied ou à vélo, le photographe Robert Doisneau a fait plusieurs fois le tour de la banlieue pour y poser son objectif. La Maison Victor Hugo s`intéresse à la relation que le romancier, poète et dramaturge Victor Hugo entretenait avec le médium photographique.

 
Crédits et légendes photos
Vignette sur la page d'accueil & photo 3 : Christian gunmen in the foyer of the Holiday Inn, battling with Palestinians Beirut. Lebanon . 1976 © Don McCullin
Photo 1 The Guvnors, gang photographed at Finsbury Park, the first picture by Don McCullin published in "The Observer“ London. Great Britain. 1958 © Don McCullin
Photo 2 West Berliners watch construction of the Berlin Wall Germany. August 1961 © Don McCullin
Photo 4 Affiche de l'exposition