Gundlach, sous toutes les coutures
A l’occasion de la Berliner Festspiele, la rétrospective consacrée au célèbre photographe de mode F. C. Gundlach, d’abord présentée à Hambourg, poursuit son chemin et se retrouve à Berlin, accueillie par le Martin-Gropius-Bau, jusqu'au 14 mars.
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La mode se démode, le style jamais". Ce mot, célèbre, est de Coco Chanel, et résonne derrière chaque cliché de F. C. Gundlach. Parce qu’il photographie la haute couture, l'artiste allemand sait s’adapter aux tendances et aux goûts de l’époque, tout en conservant un style qui lui est propre : les prises de vue sont souvent en milieu naturel, dans le quotidien. Cette distinction a servi la renommée de Gundlach, né en 1926, et motive aujourd'hui que le Martin-Gropius-Bau accueille une rétrospective de ce photographe allemand, figure majeure des photographes de mode. Les Rencontres d'Arles 2008 avaient invité le créateur Christian Lacroix comme directeur artistique, et force est de constater que cette exposition est un pas de plus vers la consécration de la photographie de mode comme art en soi, et non synonyme simpliste d'éphémère et de tendance. Grâce au travail de recherche des quatre commissaires Klaus Honnef, Hans-Michael Koetzle, Sebastian Lux et Ulrich Rüter, l’exposition présente non seulement des clichés très célèbres, mais aussi des éléments méconnus de son oeuvre, notamment son travail de photojournalisme.
Une question de style
Ne pas passer par Paris lorsqu’on est photographe de mode serait un comble. L’exposition débute donc sur le travail que Gundlach a réalisé dans cette ville. De la femme souriante, mais pressée parce qu’avec ses enfants, à la femme séductrice qui erre sur les bords de la Seine en robe de cocktail Dior et qui tend les lèvres comme si elle voulait embrasser le premier venu, aucune parisienne n’est oubliée. Mais Berlin n’a rien à envier à la capitale française, car c’est surtout le talent du photographe qui sublime ses sujets. Aussi, les clichés de Berlin, ville en pleine reconstruction après les ravages de la seconde guerre mondiale, montrent des femmes aussi élégantes qu’à Paris, dont la beauté contraste avec un arrière-plan aux recoins sombres.
Au fil des noir et blanc de Gundlach, l’évolution de la représentation de la femme est saillante : dans les années 1950, elle est très chic et porte des jupes qui s’arrêtent au-dessous des genoux. La femme des années 1960, elle, commence à porter la culotte, et opère pour un raccourcissement de la jupe, voire le port du pantalon. Mais la différence repose surtout dans les poses bien plus sensuelles que prennent les mannequins. La photographie de mode participe ainsi de l’émancipation de la femme en montrant des femmes plus libres et qui assument leur féminité. Les instantanés des années 1970 s'intéressent à des femmes plus naturelles. La sophistication a laissé place au bien-être : il faut que les vêtements soient pratiques. Les robes sont amples, les pantalons de mesure et les pull-over font oublier les vestes cintrées. Seule la femme qui vit en ville porte un tailleur mais avec pantalon… La mode s’adapte au besoin nouveau des femmes, et les photographies de Gundlach sont plus souvent prises en milieu naturel, nous laissant voir une femme qui n’est pas adaptée qu’à la ville et qui peut ainsi courir sur la plage sans la contrainte de ses talons hauts.
Gundlach a su, tout au long de sa carrière, s'accorder à la mode mais aussi à l’art. Dans les années 1960, il fait sa série
Op-Art, au moment même où cet art cinétique est en pleine expansion. Le corps de la femme devient ainsi un élément abstrait de la photographie, et ne sert plus que de support au vêtement sur lequel l’illusion optique est présente. Sur certains clichés, la femme a des allures d'élément architectural, intégrée aux lignes, pourtant très épurées, du décor alentour. "
Je suis pour la simplicité. Plus une photo est simple, plus elle est composée de manière puriste et plus elle a une chance de survivre", déclare Gundlach. Point de fioritures, et une attention toute particulière accordée à la composition de l'image. Témoins, le cliché
Regenwetter aufgeheitert ("Un temps de pluie ensoleillé"), ou la série de po
rtraits de Romy Schneider où l'actrice, de face, impose son regard sans détour (
voir notre article consacré à l'actrice, objet d'une exposition à Berlin au même moment).
Reportage
La rétrospective balayant l'ensemble de l'oeuvre de Gundlach, son travail de reportage est disséminé au milieu des clichés de mode, et force est de constater que, peu mis en valeur, l'effet produit par ses photo-reportages est moindre. Certains clichés de la série dans un cirque où des enfants font un stage de clown font pâle figure aux côtés de celui d'un Cary Grant dessinant un angle droit avec son ombre contre un mur blanc. Les photographies de voyages n’ont pas l’originalité de ses images de mode. Les sujets sont classiques : un enfant dans la rue, un marché, un port de pêche, un bâtiment connu, et les cadrages pas suffisamment travaillés pour sublimer les sujets. Il semblerait que le compas dans l'oeil de Gundlach ne trouve jamais autant d'éclat que dans le tour de tête d'une femme au long manteau en peau de léopard qui, l'air furtif, semble s'échapper tout autant qu'aimer l'objectif qui la saisit.