"C'EST LA PREMIÈRE FOIS que l'on peut tout voir d'un coup d'oeil", s'enthousiasme Matthias Harder, conservateur du Museum für Photographie de Berlin. Sur les murs, les quelque quatre-cent photographies du livre-somme Helmut Newton Sumo, édité à 10 000 exemplaires en 1999, saturent la vue. Depuis sa création il y a six ans, le musée allemand rend hommage à Helmut Newton (1920-2004), figure de proue de la photographie de mode du XXe siècle qui, partie d'Allemagne, a traversé quatre décennies et sillonné tout autant de continents avec un succès inégalé. Depuis l'été dernier et jusqu'au 16 mai, pour souffler les dix bougies d'un des livres d'art les plus coûteux du XXe siècle, Matthias Harder et June Newton, veuve du photographe, ouvrent les pages de cet ouvrage paradoxalement "légendaire, mais plutôt inconnu", car rarement vu de près, quintessence d'une oeuvre portée par le sexe et le pouvoir - ou le pouvoir par le sexe. – Par Bartholomé Girard
C'EST DANS LE BLANC CASSÉ du Château Marmont qu'Helmut Newton, 83 ans, emplafonne sa Cadillac le 23 janvier 2004, mourant sur le coup. Cet hôtel de Hollywood, sur Sunset Boulevard, a été sa résidence pendant plusieurs années alors qu'il travaillait pour le Vogue US. Derrière lui, quarante ans l'objectif à la main, et sa femme, June Newton dite Alice Springs, photographe aujourd'hui à la tête de la Helmut Newton Foundation ; celle-la même qui travaille à la mémoire de l'artiste australien d'origine allemande avec le Museum für Photographie, à la lisière du quartier chic de Charlottenburg, Berlin-Ouest. Newton est mort quelques semaines après avoir rencontré Matthias Harder pour lui confier les clés du musée ; les deux hommes ne se sont rencontrés qu'une fois. Et, depuis 2004, Harder a été co-commissaire de la dizaine d'expositions accueillies dans l'enceinte du musée berlinois, toujours avec la complicité artistique de l'ancienne épouse du photographe défunt.
– Bavard
DE "NEWTON", IL MANQUE en réalité un -w- pour qu'il soit l'exacte traduction de "Neustädter", nom d'origine du jeune Helmut quand il quitte l'Allemagne à la veille de la seconde guerre mondiale. Il n'a pas vingt ans, mais a déjà exercé son oeil au 44 Schlütter Strasse, dans le studio de la photographe de nus et de mode Else Simon, dite Yva, qui le prend sous son aile de 1936 à 1938. Le jeune homme s'est acheté son premier appareil avec son argent de poche quatre ans auparavant ; 3,5 marks, pellicule incluse. "Ce qui m'a poussé à le faire, je ne le sais pas, écrit Newton dans les pages qui ouvrent l'anthologie Helmut Newton Sumo, et donc l'exposition, qui suit à la page près l'ouvrage. Je suis allé dans la station de métro la plus proche, j'ai acheté un ticket, et j'ai commencé à prendre des photographies de la station et des wagons, puis je suis sorti du train et me suis heurté à la Funkturn de Berlin : je n'ai pas arrêté de la photographier." Une fois le film développé, le garçon estime n'avoir réussi qu'une seule photographie de la tour, et compte sept blancs de son voyage dans le métro, ce qui ne l'inquiète guère. Tout est bon pour échapper à l'imagerie nazie qui gangrène les lieux publics, même les pellicules gâchées. Aussi Neustädter fait-il en sorte d'être expulsé de l'école, se faisant passer pour une pupille de la nation. Sa mère, Claire, et son père, Max, acceptent qu'il travaille en atelier avec Yva ; le 9 novembre 1938, lors de la nuit de cristal, ils embarquent pour le Chili. Le jeune Helmut doit atteindre la majorité, un mois plus tard, pour fuir les Nazis à bord du "Conte Rosso". Direction : Singapour. Il ne reverra jamais ses parents.
SITÔT EMBAUCHÉ COMME REPORTER société par le Singapour Strait Times, sitôt licencié : "J'étais trop lent, et je ne fournissais pas le genre de photographies que le magazine attendait de moi", écrit celui qui quitte son poste au bout de deux semaines. Dans le documentaire de huit heures que June Newton lui a consacré, projeté au rez-de-chaussée du Museum für Photographie dans l'exposition permanente, se dévoile en effet un Newton patient et méticuleux, passant plusieurs heures avec un mannequin dans le plus simple appareil pour trouver l'instantané rêvé. Kitchen Nude, Hollywood, 1992. Devant l'objectif, la jeune femme raconte sa vie, un accident à cheval, la naissance de ses enfants, sa rencontre avec son compagnon... Newton est un indéfectible bavard, la relance sans cesse, la laisse trouver ses marques, mouvoir ses bras nus, écarter les jambes, laisser ses tétons refroidir sur le carrelage de la cuisine. Il prend le temps qu'il faut. Et quand elle trouve une pose qui l'intéresse, il l'interrompt, lui demande de ne plus bouger. En un quart d'heure, le "clic" de l'appareil ne résonne que deux fois. Newton n'est pas fait pour être reporter, ne cherche pas à saisir des instants ; il organise ses clichés comme des tableaux, en démiurge total dont le travail sur les contrastes, extrêmement marqués, est pensé dans le moindre reflet.
– Discipliné
C'EST EN AUSTRALIE, où il débarque en 1940, que le photographe anglicise son nom. Il passe cinq ans dans l'armée, au terme desquels il obtient la nationalité australienne. En 1947, il fait poser June Brunell, et l'épouse l'année suivante. Cette époque, qu'il qualifie de "magnifique", rime peu avec photographie ; certes, Newton a ouvert un studio avec Henry Talbot, un autre juif allemand exilé, mais il estime ne pas suffisamment pratiquer. C'est en décrochant un contrat d'un an avec le Vogue anglais, en 1957, qu'il retourne sur le vieux continent, et que sa carrière décolle. La griffe Newton commence à s'affirmer dans son appétence pour le politiquement incorrect et son dégoût du bon goût, mais le photographe juge sa collaboration avec le Vogue britannique "stérile", et rompt le contrat un mois avant son terme : "J'ai fait mes bagages, avec deux appareils photographiques et ma femme dans une porsche blanche, et je suis parti pour Paris. Dès mon arrivée, j'ai su que c'était ce qu'il me fallait, à la fois pour l'art de vivre et pour les photographies. La vie était dans la rue, les belles femmes étaient partout ; j'ai trouvé du travail à la fin des années 1950 pour Le Jardin des modes, et en 1961 a commencé ma période la plus productive comme photographe de mode pour le Vogue français." Allégé, avec seulement deux caméras, un flash et un assistant, Newton estime que "[s]on imagination [a] besoin de la réalité de l'extérieur", ne fréquente quasiment pas les studios, et multiplie les contrats pour Harper's Bazaar, Queen, Elle... Et notamment Paris-Match, au sein duquel il rivalise d'audace avec l'autre photographe du titre, Guy Bourdin. Il fait partie, avec Jeanloup Sieff et Franck Horvat, d'une jeune garde qui définit les nouveaux contours de la photographie de mode.
DANS UNE INTERVIEW accordée à Horvat en 1986, il affirme être "toujours resté très discipliné". Ce que Matthias Harder résume en une maxime : "being naughty very seriously" ("coquin, mais très sérieusement"). Mari aimant, professionnel rigoureux, personnage sans extravagance, homme élégant et poli, Helmut Newton prend avec humour son image d'insolent : "Je veux choquer les lectrices bourgeoises", affirme-t-il. Horvat dit de lui qu'il est plutôt "le photographe qui a battu le système", faisant écho au coma qui a suivi la crise cardiaque qu'il a subie en 1971 à New York, et à la suite duquel il n'a plus voulu se consacrer qu'à des projets qui l'intéressaient, désireux de réaliser les visions de femmes nues qui se seraient imposer à lui dans son sommeil. "La meilleure chose qui lui soit arrivée", estime rétrospectivement June Newton. C'est en suivant ses propres envies, et non aveuglément les commandes que lui passaient les plus grands titres de presse de l'époque, que Newton s'est forgé le style, et donc la carrière, qu'on lui connaît. Témoins, ces 394 clichés réunis dans Helmut Newton Sumo qui, en 50x70 centimètres, font défiler talons aiguilles, seins replets, et peau des fesses parfaitement tendue dans un déluge de contrastes et couleurs saturées. Allongées sur une table ou un canapé, debout dans la rue ou au bord d'une terrasse, les amazones nues de Newton fixent l'objectif comme autant de créatures mi-femmes mi-monstres, prêtes à dévorer le premier venu. Sie kommen, célèbre série de cinq femmes nues, marchant vers l'objectif ou se tenant les jambes écartées, les talons enfoncés dans le sol (Vogue, Paris, 1981), se dresse ainsi en immense format dans l'escalier qui mène vers l'exposition. Le ton est donné.
– Mondain
CISELÉES, PRÉCISES comme le mécanisme d'une horloge, les trente-cinq kilos de photographies reliées dans l'ouvrage dépecé et étalé en lignes sur les murs du Museum für Photographie - d'un côté du bâtiment, les clichés se lisent dans l'ordre du livre, de l'autre une sélection de soixante-quatorze originaux sont réunis par thème - font office de testament, réuni dans l'un des ouvrages les plus coûteux de l'Histoire de l'art (plus de 5 millions de dollars, selon son éditeur Taschen), traditionnellement exposé dans un pupitre spécialement conçu par le designer Philippe Starck. Une démesure à la mesure de la radicalité d'un photographe qui, suivant le mot de Goethe, estime que "le génie et le bon goût ne vont pas ensemble". En 1999, pour l'édition de son Sumo - dont l'origine du titre est incertaine, mais fait sans nul doute référence à l'aspect massif de l'ouvrage -, la seule imprimerie qui peut en réaliser 10 000 exemplaires est, ironiquement, une maison italienne spécialisée dans l'impression... de la Bible. Chaque exemplaire est relié à la main, et signé par l'artiste. Fait étrange, quand on sait que Newton affirme à Horvat en 1986 qu'il ne croit plus aux grands albums : "Il n'y a pas de marché. À mon avis, les seuls albums vendables comme objets de luxe sont les œuvres de pornographie." Vingt ans après, Newton n'est pas pour autant un pionnier du "porno chic", comme on l'a trop souvent - et trop rapidement - catégorisé, et déteste les clichés érotiques ; il fait "des photographies de sexe", exècre la pudibonderie, se délecte de la crudité de ses instantanés, teste les limites, flirte avec la pornographie, mais ne bascule jamais tout à fait. Il a beau y faire, Newton ne parvient jamais à être vulgaire.
"L'EXPRESSION 'POLITIQUEMENT CORRECT' m'a toujours interpelé, me rappelant la police de la pensée d'Orwell et les régimes fascistes, explique-t-il. Les agents des stars hollywoodiennes se comportaient comme des censeurs pendant les séances photographiques." Car l'artiste mondain, fasciné par les paillettes, aime à immortaliser certains de ses célèbres contemporains, toujours à la lisière de la bienséance : la peau constellée de tâches de rousseur d'Isabelle Huppert dissimule presque le bout de téton qui dépasse de sa robe (1976) ; Andy Warhol fait le mort, les yeux clos pour Vogue Uomo (Paris, 1974) ; Serge Gainsbourg et Jane Birkin (Paris, 1978) s'étreignent en vis à vis de Bulle Ogier et Barbet Schroeder (Paris, 1975), sans qu'aucun des deux couples ne se regarde dans les yeux ; Jean-Marie Le Pen et ses chiens noirs rappellent un cliché similaire d'Adolf Hitler (Saint-Cloud, 1997) ; Charlotte Rampling est nue, de dos, les jambes écartées, assise sur un bureau (Arles, 1973) ; Angelica Huston prête son visage pour Givenchy en gothique aux yeux livides (Vogue, Paris, 1971) ; David Lynch serre sa main autour du cou d'Isabelle Rosselini pour Vanity Fair (Los Angeles, 1988) ; Wynona Rider a la tête décapitée et placée dans une caisse en bois (Burbank, 1992) ; Donatella Versace est assiégée par de petites statues en bronze qui l'attrapent telles des Lilliputiens (Lake Como, Italie, 1994) ; Jeff Koons est torse nu tournant le dos à une statue à son effigie (Vanity Fair, Italie, 1991) ; Sigourney Weaver, la main droite sur une balustrade, la gauche tenant une cigarette, laisse apparaître ses deux tétons qui pointent sous une blouse blanche trempée (Vanity Fair, Paris, 1995)... Tous horizons confondus, les contemporains du photographe se prêtent à ses mises en scène inspirées par les films noirs et la "yellow press", ce journalisme friand de faits divers et crapoteux du début du siècle. Newton tient d'ailleurs le photographe de la nuit new-yorkaise Weegee (1899-1968) en maître, au même rang qu'un Brassaï (1899-1984) ou un Erich Salomon (1886-1944), qui capturent prostituées et malfrats nocturnes avec lyrisme. "Je travaille pour Match en ce moment, j'aime mieux ça que les magazines de mode, pour moi les magazines de mode ont perdu toute crédibilité, je préfère un journal de crimes et d'actualités", confie-t-il à Horvat. D'où ce célèbre cliché de Catherine Deneuve en héroïne de polar, menacée par un flingue, en rouge vif, publié dans Le Nouvel Obs (1983).
– Fétichiste
EN 1981, HELMUT NEWTON et Alice Springs quittent Paris pour Monaco, et passent leurs hivers à Los Angeles. Les Etats-Unis nourrissent la passion du photographe pour la dramaturgie de ses images : "L'Amérique m'inspire d'une manière différente, je me sens comme dans un film", explique-t-il encore à Franck Horvat en 1986. Et s'il est méticuleux, il a également la passion du défaut : "Je m'efforce souvent de faire de 'mauvaises photographies'. Bien sûr, je ne peux m'empêcher de travailler soigneusement, mais j'aime bien avoir l'air de m'être trompé. C'est pourquoi j'ai abandonné le Kodachrome, dont je trouve le grain trop fin, trop professionnel. Je préfère les couleurs funky, qui font penser à un accident de développement. La mauvaise couleur me va, tant qu'elle n'est pas trop horrible. Et les instantanés de travers aussi, ça m'arrive de tenir l'appareil un peu de travers, juste ce qu'il faut pour que le cliché ne soit pas trop parfait." Souvent, les sujets sont surexposés, comme pour les rendre davantage irréels, les voilant d'opale. Témoins, la série du "Bauwelt catalogue" (1987) où des femmes avec pelle, roue à scie et autres ustensiles de chantier prennent des poses lascives devant la lumière artificielle de spots trop forts, ou encore cette photographie prise au pied du Palais de Tokyo où un homme à genou enfile un dessous chic à une femme sous un arbre, dans la lumière d'un phare de voiture (Yves Saint Laurent, Vogue, Paris, 1981). Il peut y avoir de la délicatesse et de la grâce, comme dans cette photographie prise chez Maxim's, où la main du mannequin habillé en Chanel se détache du corps pour qu'un homme en smoking lui effleure un baiser (Vogue, Paris, 1978), où dans cet autre cliché mettant en scène deux femmes dans un salon, l'une glissant sa main pour soulever un rideau, l'autre allongée sur une méridienne, le regard au loin (Vogue, Paris, 1976). Mais, à l'instar de certains instantanés réalisés pour le magazine Playboy à la fin des années 1980, il y a surtout chez Helmut Newton un voyeurisme malicieux, qui se délecte de ce qu'on n'oserait montrer dans des environnements convenables, des sociétés de bonne famille. A travers le trou de la serrure, les corps copulent sur un bureau - Office love, Paris, 1976. Dans le château d'Arcangues, une certaine Roselyne à la robe noire fendue monte les escaliers sur la page de gauche et, sur celle de droite, garde la même pose mais a soulevé un peu plus haut la couture pour dévoiler ses fesses charnues (1975). A Paris, June Newton, à la fin du repas, allume une cigarette à table alors que son haut ouvert dévoile sa poitrine opulente (1972).
DIFFICILE, VOIRE IMPOSSIBLE, de dater certains clichés, ou de deviner la chronologie des instantanés tant le style de Newton reste cohérent et fidèle à lui-même au fil des décennies. Aucune photographie ne semble datée ou vieillie ; comme s'il avait trouvé, dès ses débuts, le ton juste, et qu'il n'avait depuis cessé de travailler la même matière : la femme-objet (de désir, de meurtre, d'amour, de haine), le corps comme affirmation du pouvoir, les talons comme marque de supériorité. Il n'est qu'à voir cette superbe cheville dont la peau se plisse par morceaux réguliers au contact du cuir de la chaussure qui remonte le long du pied (Shoe, Monte Carlo, 1983), ou la paire de fesses au sommet de jambes démesurées allongées sur un canapé bleu (Villa d'Este, Lake Como, Italie, 1975) : Newton aime les femmes, et en fétichiste digne de ce nom, leurs atours. Si certains mouvements féministes se sont émus face à des clichés tels que Saddle 1 (Paris 1976), où une mannequin est à quatre pattes sur un lit, une selle sur le dos, la pléthore de femmes dominatrices qui peuplent ses photographies va clairement dans le sens d'une affirmation d'un sexe qui n'a rien de faible. "Helmut Newton était toujours en avance, plus rapide que la société, notamment sur la question du statut de la femme", affirme Matthias Harder. Le photographe se joue même des clichés genrés en faisant poser une femme en peignoir de chambre, affalée sur un canapé, les jambes écartées, l'air machiste, contemplant les fesses d'un homme debout qui semble à sa merci (Calvin Klein, American Vogue, Saint Tropez, 1975), ou en montrant le mannequin Rachel Williams en robe de cuir noir sur le point d'administrer un coup de poing à un homme qu'elle étrangle (American Vogue, Monte-Carlo, 1995).
– Fidèle
"CEUX QUE J'AIME, ceux que j'admire et ceux que je déteste" sont les sujets de prédilection d'Helmut Newton. Dans tous les cas, la passion pour celles - et, plus rarement, ceux - qu'il photographie, qu'il maltraite autant qu'il célèbre. En filigrane se dessine bien entendu la critique acerbe d'une société qui a érigé le culte du corps parfait en idéal, en poussant à son paroxysme le consumérisme, la dépendance au sexe et la torture par la dictature de la mode - la radiographie X-ray shoe de Jimmy Choo pour Tristan Weber (Monte-Carlo, 1999), montre bien une semelle de chaussure dont les clous transpercent la voute plantaire. Sans concession, mais sans sadisme non plus : Helmut Newton aura toujours été, avec ses modèles comme avec ses collaborateurs, au premier rang desquels son épouse "qui avait toujours le dernier mot dans le choix des photographies", comme il disait, homme de fidélité, d'attention et de patience. Les quelques clichés qui le montrent en famille au rez-de-chaussée du Museum für Photographie, en dehors de l'exposition Sumo, le présentent systématiquement un sourire en coin, l'air paisible, heureux d'y être. Les palabres, il les laisse aux autres ; lui se contente de photographier de belles femmes, celles qui le fascinent, l'attirent, le touchent, porté par nul autre désir que celui de fonder une mythologie pétrie de corps gorgés de désir tout autant que de mort, de laisser s'exprimer les visions qu'il a eues lors de ce fameux coma de 1971, un "long rêve éveillé" comme le qualifie Matthias Harder : "Il y avait ces philosophes, ces penseurs, ces universitaires qui parlaient de son travail et tentaient de l'analyser… et Helmut Newton souriait, simplement."