L'antidote à MTV
Porcupine Tree vient de sortir son nouvel album The Incident, et fera escale à Paris pour un concert à l’Olympia le 13 octobre. L'occasion de revenir sur le parcours de ce groupe anglais, devenu incontournable sur la scène progressive.
Il est une tradition parmi les grands manitous du rock progressif : mener de fronts plusieurs "projets". Steven Wilson en est le parfait exemple. De No-Man (un son teinté d'électro aux accents assez sombres créé avec Tim Bowness) à Blackfield (duo pop avec l’israélien Aviv Geffen), en passant par la production de groupes comme Opeth, et tout récemment la sortie de son premier album solo Insurgentes et la remastérisation événement des premiers albums de King Crimson... Steven Wilson, pour notre plus grand plaisir, ne chôme pas. Mais son projet le plus connu est certainement le groupe Porcupine Tree.
Si le style de Wilson est le fondement du groupe puisqu'il écrit, compose et produit la plupart des titres, chaque membre apporte une touche personnelle sans laquelle Porcupine Tree ne serait certainement pas ce qu'il est : les ambiances sonores omniprésentes de Richard Barbieri au clavier, la basse élégante et rigoureuse de Colin Edwin et la puissance et l'originalité devenues légendaires du batteur Gavin Harrison, qui a remplacé Chris Maitland depuis l’album In absentia.
Genèse
Porcupine Tree naît en 1987 et commence sa carrière dès 1991, signant des albums très progressifs aux longs morceaux planants inspirés par la musique de Pink Floyd. Mais Signify (1996) marque un réel tournant dans l'histoire du groupe, qui entame une lignée d'albums qui rivalisent tous de richesse et originalité. Stupid Dream et Lightbulb Sun (complétés par l'album Recordings qui propose des morceaux inédits enregistrés pendant les sessions des deux albums précédemment cités) sont des bijoux de production mêlant les inspirations et les styles dans des morceaux où la complexité ne nuit jamais à l’émotion. Des textures sonores envoûtantes émerge la voix souvent transformée de Steven Wilson ("A smart kid"). Ailleurs, un saxophone côtoie un solo de guitare électrique ("Don’t Hate me"). Et la guitare acoustique ou le piano surgissent toujours là où on ne les attend pas ("Access Denied"). A partir d'In Absentia (2002) et sur les deux albums suivants Deadwing et Fear of a Blank Planet, l’influence du métal prog et de groupes comme Opeth marquent une inflexion nette dans la musique de Porcupine Tree. Les balades pop ("Collapse the light into Earth") alternent désormais avec des morceaux plus proches du métal, riffs de guitare endiablés à l'appui ("Wedding Nails").
L'univers sybillin et nébuleux du groupe reste pourtant le même. L'avant-dernier album, Fear of a blank planet, est une critique très dure de la société contemporaine et de l'aliénation qu'elle provoque notamment chez les jeunes. MTV, les I-pods, la X-box, tous ces symboles de l’oppression marchande deviennent les cibles de Wilson et ses comparses. Déjà dans In absentia, la chanson "The sound of Muzak" dénonçait les mêmes dérives de l'industrie musicale. Porcupine Tree aime la musique, et la défend contre ceux qui voudrait la réduire à un business.
Confiance
Le dernier album, The incident, sorti le 14 septembre, se présente en double composé d’un morceau de 55 minutes sur le premier disque (projet éminemment progressif s’il en est) et de 4 morceaux sur le second, et étonne par sa liberté et sa fraîcheur. Il navigue avec sérénité entre des moments pop-rock qui pourraient très bien devenir des hits ("Drawing the line"), et d’autres qui s’inscrivent dans la veine prog la plus traditionnelle, en passant, l'air de rien, par du métal pur et dur ("Bonnie the cat" ou "The incident").
Ils vont, depuis longtemps déjà, là où le vent de leur inspiration les mène, mais aujourd’hui, plus que jamais, ils semblent dessiner leur propre chemin, exhibant leurs influences quand ils le souhaitent - album-concept, longueur des morceaux et travail sur le son, les textures, les changements de rythme s’inscrivent parfaitement dans la veine progressive - et détonnant par leur originalité quand ils le décident : les arrangements vocaux, le duo pop guitare acoustique-piano, la pertinence des solos de guitare, toutes leurs marques de fabrique sont là. Steven Wilson semble (enfin !) avoir pris confiance en sa voix, davantage mise en avant que sur les précédents opus, sans pour autant casser le son si particulier du groupe, cette manière de mettre en avant chaque instrument, de produire un son limpide qui met autant en valeur la guitare électrique, la batterie, qu'une mélodie au piano ("Kneel and disconnect") ou des accords de guitare acoustique. The incident s'offre comme une balade au milieu d’une contrée que l'on connaît et aime déjà, mais qui ne cesse pas pour autant de nous surprendre par sa virtuosité.
Sur scène, pas de gros effets pyrotechniques, la musique avant tout. Et des sons diablement contagieux. Car le groupe est tout aussi remarquable de précision et d'intensité en live que sur leurs albums. Le 13 Octobre, l'Olympia risque bien de vibrer.
The Incident, Porcupine Tree
Roadrunner Records
Sorti le 14 Septembre
En concert à l’Olympia, le 13 Octobre
28 Boulevard des Capucines
75009 Paris
08 92 68 33 68
Crédits et légendes photos :
Vignette sur la page d'accueil : Photo par Lasse Hoile
Photo 1 Steven Wilson par Susana Moyaho
Photo 2 Porcupine Tree par Lasse Hoile
Photo 3 Pochette de The Incident. photo par Lasse Hoile