UN MONDE ÉTRANGE ET COLORÉ, peuplé de peluches kawaii et de costumes de super-héros, de reproductions d'armes médiévales-fantastiques et de maquettes de vaisseaux spatiaux. Bienvenue dans l'univers des conventions, ces événements qui rassemblent chaque année plusieurs centaines de milliers de fans de fictions à travers le monde. À l'occasion de la 21e édition de Paris Manga et Sci-Fi show, à Paris les 6 et 7 février prochains, reportage au coeur de la dernière édition, en octobre, et petit guide de survie et de bonne conduite dans les conventions. – Par Claire Cornillon
1. Ton plus beau costume, tu sortiras La convention est l'occasion de pratiquer le cosplay, de l'anglais "costume play", qui consiste à s'habiller comme son héros fictionnel préféré. Pratique américaine à l'origine - et non japonaise comme on le croit souvent -, le cosplay est issu de la fameuse "Masquerade" qui a lieu chaque année lors de la Convention mondiale de science-fiction depuis 1939. Elle s'est ensuite diffusée dans le monde et notamment au Japon, où elle est devenue très courante. Il existe des concours de cosplay, qui distinguent les créations les plus originales et les performances les plus impressionnantes. Non seulement les cosplayers fabriquent souvent eux-mêmes leur costume, parfois très sophistiqués, mais ils présentent aussi une saynète, seuls ou à plusieurs, inspirés par l'univers fictionnel dont est issu le personnage. C'est aussi ce qui fait de la convention un lieu entre deux mondes, où la réalité est perméable à la fiction. Que la convention soit spécialisée, ne portant que sur un univers en particulier, ou qu'elle soit généraliste, comme Paris Manga, elle est un espace de liberté et d'expression, où les règles du monde ordinaire laissent place, temporairement, au règne de l'inattendu et du bizarre.
2. Acheter tout et n'importe quoi, tu pourras Le coeur vibrant de toute convention est le salon des exposants où le fan peut dénicher l'objet dont il a toujours rêvé : figurines collectors, comics, manga, accessoires de cosplay, reproductions d'épées, sacs, tee-shirts. De quoi compléter n'importe quelle panoplie. Car un fan appartient à une communauté, le fandom (contraction de "fan" et "kingdom" - royaume), et à ce titre affiche son appartenance : il place des badges cryptiques sur ses accessoires et porte des tee-shirts aux insignes barbares que seuls les autres initiés peuvent comprendre. Mais il est aussi souvent collectionneur et décore son antre d'objets qui ont autant une valeur esthétique que sentimentale. On ne s'étonnera pas de trouver chez lui des figurines encore dans leurs boîtes et jamais ouvertes, car c'est ainsi qu'elles conservent leur valeur. Le collectionneur n'achète pas pour utiliser un objet, mais bien pour le simple plaisir de le posséder.
3. Des conférences, tu écouteras Outre le salon, l'espace stratégique d'une convention digne de ce nom est sa scène, là où viennent s'exprimer les invités d'honneur pour répondre aux questions de leurs aficionados. Acteurs de séries ou de cinéma - comme Jason Momoa (Game of Thrones), John Rhys-Davies (The Lord of the Rings) ou Christopher Judge (Stargate), en octobre 2015 à Paris Manga -, mais aussi réalisateurs, scénaristes, dessinateurs de bande dessinée ou concepteurs de jeux vidéos. En savoir toujours plus sur les univers fictionnels mais aussi sur les coulisses de leur production est un des désirs que les conventions cherchent à combler. Un spécialiste américain, Jason Mittell, a parlé de "forensic fandom", c'est-à-dire un fandom qui agirait comme la police scientifique, pour décrire les pratiques qui consistent à analyser image par image une scène ou à construire des wiki rassemblant toutes les informations et interprétations disponibles sur une oeuvre. Grâce à l' "intelligence collective" qu'a analysé un autre chercheur américain, Henry Jenkins, les fans décodent collectivement les oeuvres en s'appuyant sur la mise en commun des compétences. Les rencontres avec les créateurs sont ainsi l'occasion de jeter un oeil dans les coulisses et peut-être saisir au vol un élément qui apportera un nouvel éclairage ou confirmer une interprétation. La scène est aussi le lieu de concerts - par exemple de musiciens venus d'Asie appartenant à des courants comme le J-Rock, c'est à dire le rock japonais ou la K-Pop (lire notre article) -, et bien sûr, du cosplay.
4. De longues files d'attente, tu affronteras La convention est aussi l'occasion d'obtenir les dédicaces de célébrités adorées ou, plus impressionnant encore, de poser avec elles pour une photo souvenir. Les fans ne sont jamais découragés par une file d'attente et l'occasion d'approcher son idole est trop belle pour être refusée. Les concernés se prêtent généralement bien au jeu et peuvent juger ainsi sur pièce de la passion que suscite leur travail. Ces prestations, payantes, font partie du quotidien de ces stars qui voyagent dans le monde entier, entre deux tournages, d'une convention à une autre. C'est le moment où les fans peuvent échanger avec leur idole et lui demander d'enregistrer un message pour souhaiter un joyeux anniversaire à un ami ou, plus insolite encore, de leur écrire des vœux pour leur mariage. Sur un mode ludique et décomplexé, la barrière entre le réel et la fiction se brouille momentanément alors qu'il est possible d'approcher à la fois la star et son personnage. Aujourd'hui, avec le développement des réseaux sociaux, les rapports entre les fans et la production se sont considérablement développés, au point de constituer, pour certains fandoms comme celui de la série Supernatural, une véritable famille. La convention est alors un espace où ces liens peuvent s'exprimer directement.
5. À des jeux vidéos, tu joueras Il n'est pas rare de trouver des espaces de jeux dans les grandes conventions généralistes, car le fan n'est autre qu'un geek et que le geek est bien souvent un gamer. Occasion de tester les nouvelles productions, telles que Street Fighter V cette année à Paris Manga, mais aussi, pourquoi pas, de revivre des expériences de jeunesse en reprenant en main une manette pour une partie de Street Fighter II. L'expérience peut même tourner à la flashmob lorsque la foule costumée s'enflamme sur une partie de Just Dance.
6. D'autres fans, tu rencontreras La convention est, enfin, un lieu idéal pour échanger sur ses passions. Des associations montrent ainsi leur travail et partagent leur enthousiasme. Alors, si vous pensez être le seul à fabriquer des R2D2 dans votre garage, détrompez-vous : vous découvrirez qu'il existe la Communauté francophone des constructeurs de R2. Personne n'est seul dans le fandom et tout intérêt y est légitime. N'oublions pas que la communauté est aussi particulièrement créative et que ses membres restent rarement passifs : ils écrivent, filment, chantent, fabriquent, dessinent et partagent entre eux toutes ces œuvres. C'est ce qu'on appelle les fan fictions (récits), les fanvids (vidéo montages), le fan art (dessins, tableaux) ou encore la filk (musique). Les œuvres originales ne sont que des points de départ pour exprimer ses propres personnalité et inventivité. Le tout créant un espace de dialogue et d'engagement sans pareil, au point que le fandom constitue un forum de création en marge des circuits habituels, qui possède ses propres règles, ses propres codes, développés tout au long d'une histoire de plusieurs décennies. Les pratiques souvent menées à distance et, au sein du fandom historique, sous pseudo, la convention a toujours été historiquement un lieu possible de rencontres en dehors du virtuel et d'échanges de vive voix. Il est cependant important de distinguer les conventions professionnelles de celles organisées par des fans eux-mêmes, en marge de l'industrie. Dans tous les cas, la convention est un rendez-vous, une occasion de sortir du quotidien pour se réunir, échanger, et explorer les mondes qui peuplent notre imaginaire, avec curiosité et humour.