Un OVNI sur le net
Dans un monde qui ressemble en tout point au nôtre - sauf qu'il y a des super-héros, que le wonderflonium, une source d’énergie particulièrement efficace, existe et que le chef des méchants est un cheval –, Billy, alias Dr. Horrible, prépare des plans diaboliques dans l’espoir d'intégrer la prestigieuse ligue des supers méchants ("The evil league of evil", en latin dans le texte), mais veut surtout toucher le cœur de Penny, la fille qu'il aime en secret. Face à lui, son ennemi juré, le tombeur aussi intelligent qu'une huître, Captain Hammer. Dr Horrible tient un blog vidéo et raconte aux internautes sa vie trépidante. Et tout cela en chansons.
En 2008, alors que la grève des scénaristes bloque le petit écran, Joss Whedon, le père de
Buffy contre les vampires, et ses frères Zack et Jed se lancent dans la réalisation d'une mini-série uniquement disponible sur internet. Et voilà comment naît l’incroyable
Dr Horrible’s sing-along blog. Tous les habitués du monde de Whedon sont là pour ce projet saugrenu, Nathan Fillion en tête, que l'on connaît surtout pour son rôle dans
Firefly, mais aussi les scénaristes Drew Goddard, Marti Noxon, Doug Petrie ou David Fury, que l'on jubile de voir apparaître à l’écran. On se rappelle encore des caméos de certains dans "Once more with feeling", l'épisode comédie musicale de
Buffy. L'ambiance familiale fait clairement des étincelles, et tout le monde s'investit complètement dans le projet.
Le résultat : une mini-série déjantée qui fonctionne à merveille et mérite amplement le prix Hugo qui lui a été décerné à Montréal en août dernier. Les frères Whedon ont écrit avec Maurissa Tancharoen les scénarios ainsi que les chansons de ces trois épisodes de 13 minutes chacun, et Joss Whedon dirige la mise en scène de l'ensemble. Il co-signe également la partition de la série, avec son frère Jed. Dialogues hilarants, mise en scène et montage particulièrement inventifs et rythmés, tout à fait dans le style du réalisateur : longs plan-séquences, gags qui jouent sur le contraste entre premier et second plan...
L'amour profond de Whedon pour les
musicals transpire à chaque seconde, et l'esprit du genre se greffe avec merveille à son univers décalé : une chanson d’amour qui parle aussi d’un rayon laser pour arrêter le temps, des portes de machines à laver qui s’ouvrent en rythme…
Neil Patrick Harris couronne le tout avec une interprétation impeccable, incarnant le personnage haut en couleur, souvent hilarant mais aussi tragique, de Billy. Le second degré qu'il faut, l’émotion nécessaire, 45 minutes suffisent pour que l’on s’attache définitivement au Dr Horrible et à sa clique : c’est tout l’art de Joss Whedon, mêler le quotidien et le fantastique pour donner chair à des personnages drôles et émouvants à la fois. Et comme d'habitude chez ce magicien de la série télé, le méchant n'est pas celui que l'on croit et les marginaux ont la part belle. L’alchimie est parfaite entre imaginaire, romantisme, humour et drame. Excessif mais maîtrisé, comme ce moment d’anthologie où Nathan Fillion, cheveux aux vents, lance glorieusement debout sur une voiture en marche "A man’s gotta do what a man’s gotta do", "un homme doit faire ce qu’il doit faire".
Décidément, le talent est bien mal réparti sur cette terre, parce que tout ce petit monde chante en plus, et chante particulièrement bien. Le groove de Nathan Fillion et la voix de Neil Patrick Harris crèvent l'écran dans cet exercice pourtant difficile et, bonne surprise, on peut aussi les apprécier dans l'hilarant commentaire audio, lui aussi sous forme de comédie musicale, que propose le DVD, avec des perles telles que "I am better than Neil" par Nathan Fillion ou "Nobody’s asian in the movies" par Maurissa Tancharoen, sans oublier le bijou "Ninja Ropes" qui parle du jeu vidéo du même nom et "All about me", qui donne enfin la parole aux pauvres acteurs de second plan qui interprètent Groupie n°1, Groupe n°2 ou Groupie n°3.
Il faut accepter le pacte, jouer le jeu, mais si l'on adhère, le charme est absolument irrésistible. A quand une sortie du DVD en France ?
