L`Intermède
Le choix de la rédaction de L`Intermède

Fin de Partie
Une pièce de Samuel Beckett, mise en scène de Bernard Lévy
Athénée Théâtre Louis Jouvet, Paris

Jusqu'au 16 février 2013


En deux mots
Fin de partie, théâtre, Samuel Beckett, Bernard Lévy, Athénée, Théâtre Louis Jouvet, Paris

Proposer aujourd’hui une mise en scène originale de Samuel Beckett n’est pas chose aisée. Le texte même impose une épure signifiante et une nécessité de ne laisser subsister qu’un langage presque désincarné. C’est le défi que relève avec brio Bernard Levy avec Fin de Partie. Sous un éclairage minimaliste et dans un espace dépouillé dont les linéaments sont matérialisés par une fine structure métallique, c’est la condition humaine qui est ici passée au scalpel. La pièce montre des laissés pour compte sachant pertinemment que leur temps ne progresse pas, qui n’ont d’autres histoires que celle qu’ils se racontent, et qui pourtant continuent d’être, non pour devenir mais pour subsister.
 
Si pour les personnages rien ne se passe, c’est à travers eux, et non par eux, que quelque chose arrive. Par eux-mêmes, ces quatre êtres ne sont rien, ne retenant de leur vie que des bribes absurdes et n’existant que par les paroles qu’ils profèrent et les objets qu’ils manipulent. Tourné en dérision, ce jeu avec les mots et les objets permet aux créatures beckettiennes d’échapper au néant et à leur insuffisance. C’est aussi par lui que, de manière discontinue, l’action avance. Progressivement, le spectateur voit les choses se dégrader, l’espace se disloquer. Miné par le rien, ce théâtre délivre le spectacle fascinant d’une partie qui s’achève indéfiniment sans parvenir à finir. A espérer et redouter une fin déclarée imminente dès la première réplique, les personnages se condamnent à l’immobilité. Mais s’ils perdent corps, ils subsistent encore dans le murmure, un souffle à peine articulé et ne semblent être en scène que pour attendre que la pièce se termine.
 
Dans sa mise en scène, Bernard Lévy rend admirablement ce que Beckett a voulu construire : un désastre indéfini, une dramaturgie d’après la catastrophe, privée de toute capacité conclusive. En manifestant la solitude et le désespoir par la claustration, l’errance interminable et l’infirmité, c’est une vision bien pessimiste de la condition humaine que nous livre le dramaturge irlandais. Pour autant, mélangeant les tons, riant d’elle-même, cette nouvelle mise en scène offre par sa modernité une vision de l’humanité qui porte en elle sa dérision et refuse de se laisser prendre au piège du sérieux.

 
E. C.

Voir le site officiel du théâtre

 




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