
PLONGÉ IN MEDIAS RES dans l'histoire, le spectateur se retrouve en 1939 sur un paquebot reliant New York à Buenos Aires. Le narrateur relate son aventure dans ce lieu clos où il a rencontré par hasard Czentovic, le champion du monde d’échecs. Désireux d’en apprendre davantage sur cet être arrogant, il attire son attention en débutant une partie de son jeu préféré. C’est alors qu’entrent en scène deux autres personnages : McConnor, un écossais vaniteux qui va vouloir se mesurer au champion, et un inconnu à l’allure quasi spectrale. En fin observateur et analyste, dans un style concis et percutant, ce dernier décrit habilement l'attitude des personnages. Partant, le jeu d’échecs devient la métaphore de nos conduites et des rapports de force entre les hommes, où chacun cherche à affirmer sa supériorité et son désir de puissance, même au-delà de sa volonté.
L'OUVRAGE DE ZWEIG met en scène la victoire de la barbarie dans cette lutte, aliénant à son contact tous les êtres. Lors de la partie finale avec Czentovic, l’inconnu devient lui-même agressif. À mesure que le jeu progresse, il se transforme en provocateur violent, et son intelligence se mue en folie. Cette partie devient l’affrontement de "deux ennemis qui avaient juré de s’anéantir réciproquement". Czentovic exploite les faiblesses de son adversaire et, percevant sa hâte, joue avec lenteur et à intervalles réguliers pour ébranler ses capacités. Le champion se transforme peu à peu en bourreau, opérant selon une stratégie froide et mécanique, à l'instar des tortionnaires nazis. Sur un plateau de jeu, le miroir du monde. 