L`Intermède
Le choix de la rédaction de L`Intermède

Le Misanthrope de Molière, mise en scène de Jean-François Sivadier
Théâtre de l'Odéon à Paris
Jusqu'au 29 juin 2013



En deux mots
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"Moi, je veux me fâcher, et ne veux point entendre." Ainsi Alceste ouvre-t-il la scène 1 de l'acte I, révélant par l'affrontement qui l'oppose à Philinte le caractère atrabilaire du misanthrope. Alceste (Nicolas Bouchaud) est donc malade, la bile noire de la mélancolie l'accable, il souffre de la duplicité des hommes, mais il est surtout celui par lequel la critique sociale se fait entendre. Avec cette comédie grinçante, Molière donne une "peinture des moeurs de son siècle", n'épargnant aucun ridicule. Refusant toute forme de compromis, et par là-même, le commerce des hommes, Alceste rouspette, gronde, s'agace contre ses congénaires, et s'attire leur hostilité. Et pourtant... il aime une coquette, Célimène (Nora Krief) et n'échappe pas lui non plus aux contradictions.

Alceste, d'après Jean-François Sivadier et Nicolas Bouchaud, n'est donc pas la victime de la méchanceté des hommes comme une certaine lecture de la pièce depuis Rousseau le laisserait entendre. Ni "un homme droit, sincère, estimable, un véritable homme de bien" comme nous pouvons le lire dans la Lettre à d'Alembert sur les spectacles, ni même un bouffon shakespearien en marge de la société. Alceste ne sait pas rire comme Molière des ridicules, et c'est pour cela qu'il est drôle. Il ne fait pas voir la vérité à ceux qui l'entourent, car ils la connaissent déjà et ont fait le choix de s'en accommoder. Philinte (Vincent Guédon) et Célimène font avec, acceptent les travers des hommes, pour vivre quand même et dans le monde. Si l'âme d'Alceste est trop lourde à porter pour ceux qui l'aiment, c'est qu'il ne fait aucune concession, même la plus nécessaire, et voudrait tout faire plier à ses idéaux.

Le Misanthrope n'est finalement pas la peinture tragique du monde des hommes, où Alceste serait la figure pathétique du paria car c'est lui qui s'exclut. C'est parce que Molière grossit les traits, caricature le mélancolique et pousse son personnage à l'excès que la peinture de l'hypocrisie humaine, trop humaine, peut se faire jour. Alceste participe de cette même réalité qui le fâche, et qu'il finit par refuser absolument. Presque un être en quête d'identité, portant un kilt et dansant frénétiquement sur les Clash, il cherche désespérément la reconnaissance de ceux-là même qu'ils repoussent.

Hélène Deaucourt
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Le 23/06/2013

Le Misanthrope de Molière, mise en scène de Jean-François Sivadier
Théâtre de l'Odéon
Jusqu'au 29 juin 2013

Avec Cyril Bothorel, Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Vincent Guédon...
Théâtre de l'Odéon
Place de l'Odéon - 75006 Paris

Mar.-Sam. 20h ; Dim. 15h
Durée : 2h30

Tarifs : de 10€ à 34€

Voir le site officiel du théâtre

 




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Crédits photos : Le Misanthrope © Brigitte Enguérand