L`Intermède
Le choix de la rédaction de L`Intermède

Roméo et Juliette
La Tour Vagabonde
Jusqu’au 14 juillet 2013



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La troupe Les Mille Chandelles s’est installée à Paris à la Tour Vagabonde, théâtre élisabéthain démontable, et y donne la plus célèbre des pièces de Shakespeare dans une mise en scène fidèle au texte et à son époque, mais aussi dynamique, enthousiasmante, et bouleversante.

D'abord, le lieu lui-même, véritable théâtre élisabéthain recréé pour le public contemporain, à l’image du Globe londonien, permet qu’en entrant dans le théâtre le spectateur pénètre aussi dans une autre époque, ou plutôt un souvenir très vivant de cette époque. Après tant de mises en scène de Roméo et Juliette et de toutes ses pièces, Shakespeare semble bien connu de tous ; mais l’architecture de cette salle, qui permet aux spectateurs d’entourer la scène et les comédiens, et crée une atmosphère plus intime et plus vivante, transporte le spectateur en plein dans l’action, comme si la tragédie des amants de Vérone allait se dérouler immédiatement sous ses yeux. Nous ne sommes pas au spectacle, mais dans le spectacle.

Le texte, ensuite, que nous pouvions croire tellement déclamé et répété qu’il pourrait presque en devenir moins beau, et moins puissant, est rendu ici, grâce à la superbe traduction de Jean Sarment, dans toute sa poésie et toute sa violence. Dès les premiers mots prononcés par le frère Laurent (le comédien Axel Blind), un sentiment neuf se dessine au milieu de tout ce qui paraissait figé par la force, mais aussi la renommée de cette tragédie. Cette fois, le discours qui annonce, avant même le début de l’action, que deux jeunes gens issus de deux familles ennemies s’apprêtent à se rencontrer, s’aimer, se marier, et mourir, sonne avec une violence nouvelle l’avertissement inutile qui débute toute action tragique. Le destin a décidé de ses victimes, l’issue est déjà connue de tous, la pièce est jouée d’avance. Sauf que, justement, la beauté et l'excitation créées par une tragédie proviennent de cette inexorable accélération vers une fin, et c'est la manière dont s'enchaînent à un rythme de plus en plus effréné les hasards et les actes qui nous tient en haleine.

C’est l'extraordinaire mise en scène de Baptiste Belleudy, et le jeu de tous les acteurs, qui nous font espérer, plus vivement que d’habitude, que le tragique n’aura pas lieu. D’abord parce que Shakespeare mêle presque jusqu’aux dernières scènes le tragique et le burlesque, l’amour le plus pur et les scènes d’ivresse et de plaisanteries grivoises. Cette succession baroque se retrouve ici dans les mouvements constants, sur la scène et dans les galeries, créant un dynamisme visuel propre à exprimer toutes les émotions contenues dans le drame. Les scènes de joutes verbales entre Roméo, Mercutio et Benvolio sont des morceaux de bravoure qui montrent l’exubérance de la jeunesse, sans laquelle les excès du tragique paraîtraient factices. C’est la folie du bon mot, et de la bonne image, qui transforme un sentiment en certitude, et une idée en engagement sans retour. Mercutio incarne cet esprit du débordement baroque : servi brillamment par le comédien Paul Gorostidi, le rôle est sans doute le plus shakespearien de cette pièce, un paradoxe constamment en mouvement de tous les excès et de toutes les nuances du discours humain.

Au milieu de cette folie, et de ce langage toujours hésitant, trébuchant sur la joie, la vulgarité, la terreur et la pitié, les deux héros, Roméo et Juliette, présentent chacun la vision de l’amour obstiné, qui jamais ne cède ni ne renonce, et surtout, qui change les cœurs et les êtres. Roméo, grâce à l’interprétation de Baptiste Belleudy, est métamorphosé au cours de l’intrigue : avant Juliette, il est le jeune homme mélancolique, amoureux de poésie et de ses mots plus que de la jeune fille, Rosaline, dont il se dit épris ; à l'instant même où il voit Juliette, il devient un homme prêt à tout sacrifier, à tout subir, au nom d’un sentiment qui le dépasse, et le rend plus qu’humain.

 
Séverine de Ren
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Le 29/06/2013

Roméo et Juliette
Une pièce de William Shakespeare
Par la compagnie Les Mille Chandelles
Mise en scène de Baptiste Belleudy
Avec Baptiste Belleudy, Anne-Solenne Hatte, Paul Gorostidi...
La Tour Vagabonde
18 rue de l’hôtel de Ville - 75004 Paris
Mar.-Sam. 20h ;  Dim. 15h

Tarifs : 34€ ; 24€


Voir le site officiel de la troupe
Voir le site officiel du théâtre


 





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Crédits photos : © Clément Belleudy