
de nuit dans une grande villa et, au son de la voix off d’Ellen Page, qui interprète Izzy, rendent la justice à leur manière, punissant le PDG d’une entreprise de pétrochimie responsable d’une marée noire. La démarche de "l’Est" est violente et criminelle ; mais le malaise provient d’une hésitation à la condamner. Le point de vue de la caméra, qui présente tour à tour une réalité filmée caméra à l’épaule, comme en instantané, et des plans de paysages naturels mais idéalisés, et presque féériques, traduit lui aussi cette hésitation permanente.
LE DÉDOUBLEMENT EST TRADUIT par le contraste entre les deux univers visuels du personnage : son quotidien, à Washington, s'inscrit dans une lumière grise et claire, et des lieux épurés, presque impersonnels, alors que la maison du groupe et la forêt qui l’entoure sont incarnés par des couleurs chaudes, sensuelles, et peuplés de mouvement. Si Jane semble parfaitement emboîtée dans son monde, l’autre, Sarah, se libère peu à peu dans son nouvel environnement. Et les deux identités, forcément antithétiques, semblent pourtant peu à peu se servir l'une de l'autre, se nourrir l’une l’autre.
"L’EST" DEVIENT LE LIEU où la lumière est faite sur toutes ces zones d’ombre que nous acceptons indifféremment au quotidien, le lieu où justement il n’est plus possible de faire semblant. En face de ces terroristes de la vérité, les responsables industriels prônent le silence et l’aveuglement. Montrés presque uniquement dans des moments de représentation, dîners ou soirées de gala, ils incarnent la parole officielle des communiqués de presse, qui euphémise et dissimule la réalité sordide. Sharon (Patricia Clarkson) protège ces hommes et ces femmes des conséquences de leurs méfaits : elle compare les risques qu’ils encourent à différentes sortes d’insectes, de la mouche à la veuve noire. Et elle explique que pour chaque type de menace, elle et ses agents trouveront un remède, et écraseront l’insecte gênant.


