L`Intermède


PURETÉ, HARMONIE, RESPECT ET TRANQUILLITÉ sont les quatre principes hérités de la pensée zen qui régissent chaque élément de la cérémonie du thé, de l'architecture de la maison jusqu'au plus infime des gestes. Développés par le maître du thé Sen no Rikyu qui perfectionna et influença durablement cet art, ils s'accompagnent de l'axiome "ichigo ichie", dérivé de la philosophie bouddhiste, que l'on pourrait traduire par "une fois, une rencontre". Autrement dit, chaque cérémonie, thé, japon, thé vert, vert, senchin, taiho, an, uji, dégustation, visite, rivièrecérémonie du thé est un moment unique, basé sur une rencontre qui ne se reproduira pas. Car au-delà du protocole, c'est un véritable échange et un don de soi qui s'opèrent, plaçant l'invité au centre de toute interaction. Parmi la centaine d'écoles qui existent, la cérémonie que propose le Taiho-an est beaucoup moins formelle - et presque simplifiée - que celles qui durent jusqu'à quatre heures, mais reste un bon moyen pour un néophyte d'approcher et d'effleurer cette tradition ancestrale aux codes singuliers incomparables.

Par Adeline Gros

SUR LES BERGES DE LA RIVIÈRE UJI, la municipalité a ouvert une maison de thé qui propose, moyennant finance, d'assister à une véritable cérémonie du thé traditionnelle, exécutée dans les règles de l'art. Car le chanoyu est un art à part entière qui requiert un apprentissage de longue haleine et qui fait appel à des pratiques culturelles variées telles que la religion, l'arrangement floral, la sociabilité, la philosophie, la calligraphie, et bien d'autres encore. C'est à une expérience multi-sensorielle que l'hôte est convié.


Odorat

LA MAISON DE THÉ TAIHO-AN s'ouvre sur un jardin zen, caché de la rue par une palissade végétale. Sur la droite, un bassin de pierre, semblable à ceux des sanctuaires shinto, est destiné aux ablutions des mains et de la bouche, mais aussi de l'esprit par sa taille puisqu'il faut se courber pour l'utiliser, signe d'humilité. Un gong est campé non loin, que l'on frappe d'un maillet pour s'annoncer au maître de cérémonie. Une fois les chaussures retirées et disposées sur les pierres qui bordent la porte, l'invitation à entrer est donnée. Lorsque le pied foule le sol, la puissante odeur de foin coupé provenant des tatamis, mêlée à celle du thé en préparation, pénètre les narines et y laisse une empreinte indélébile.



Ouïe

DANS UNE AMBIANCE CHALEUREUSE et conviviale, mais toujours respectueuse et protocolaire, l'hôte est installé sur les tatamis. Quelques phrases échangées pour faire connaissance, puis le silence se fait. La maîtresse de cérémonie commence le rituel en essuyant chaque ustensile avec minutie, qu'elle dispose ensuite autour d'elle, chacun de ses gestes étant calculé et réglé comme du papier à musique, avec la rigueur d'un art martial. Seuls le bruit de l'eau en ébullition sur les charbons ardents et du frottement des cérémonie, thé, japon, thé vert, vert, senchin, taiho, an, uji, dégustation, visite, rivièrelongues manches de son kimono viennent troubler la solennité du moment. Elle saisit le bol, dose la poudre de thé vert (matcha) et verse l'eau chaude, qu'elle bat à la fois fermement et délicatement, à l'aide d'un fouet en bambou (chasen) jusqu'à ce que le mélange soit crémeux et recouvert de mousse.



Goût

AVANT DE POUVOIR TREMPER LES LÈVRES dans le nectar, une confiserie japonaise est servie, en accord avec la saison. De forme ronde et de couleur jaune ce jour, on l'a surmontée d'une petite feuille d'érable rouge en gélatine. Kyoko Tanaka, une des maîtresse présente durant la cérémonie, indique que "la pâtisserie servie se nomme yamanonishiki et représente la montagne qui se colore en automne". Le goût très sucré est destiné à préparer le palais afin d'atténuer l'amertume du matcha. Enfin arrive le moment tant attendu de la dégustation. Il faut saisir le bol, le poser dans la paume gauche et soutenir le côté de la main droite ; le tourner deux fois dans le sens des aiguilles d'une montre en signe d'humilité en buvant le thé non pas par l'avant du bol, mais par l'arrière. Chaud, mais pas brûlant, le liquide, d'un vert émeraude, épais et mousseux, se boit en trois gorgées dont la dernière se doit d'être bruyante pour montrer que l'on apprécie.



Vue

POUR CLORE LA CÉRÉMONIE, le convive est tenu d'examiner et d'admirer le bol dans lequel le matcha a été préparé, tout en le tournant deux fois dans le sens opposé cette fois aux aiguilles d'une montre. Il doit en apprécier les formes, la texture et les lignes. Il repose le bol tout en s'inclinant en signe de gratitude et remercie l'hôtesse pour le thé : "Otemae chodai itashimasu." Le silence et la précision des gestes tout au long de la cérémonie provoquent une sensation de paix intérieure et de relaxation intense, renforcée par la sobriété de la pièce. Pas d'ornement, pas d'agrément, simplement l'essentiel : un carré dans le sol où repose le chaudron d'eau bouillante entouré des quelques accessoires utiles à la préparation du thé, et une cérémonie, thé, japon, thé vert, vert, senchin, taiho, an, uji, dégustation, visite, rivièrealcove où sont exposés un chabana (arrangement floral de saison de deux ou trois branches), une calligraphie suspendue et une petite feuille d'érable en céramique posée à même le sol. Sosei Watanabe, une des hôtesses de la maison, commente le rouleau de calligraphie : "Il est écrit 'senchin', que l'on peut traduire par "pureté", pour nous rappeler que nous devons toujours avoir le coeur pur."


A. G.
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A Uji, le 28 novembre 2012

Taiho-An
Uji City Municipal tea ceremony house
1-5 Uji Togawa, Uji
Kyoto 611-0021
Tlj (sf 21/12 au 9/01) 10h-16h
Tarif : 500¥
Rens.: (0774)23-3334


CET ARTICLE FAIT PARTIE DU "CARNET JAPONAIS"

 



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Crédits photos et légendes :
Photo 1 : Le bassin de pierre (tsukubai) © Adeline Gros / L'Intermède
Photo 2 : Bol de thé matcha prêt à être dégusté © Adeline Gros / L'Intermède
Photo 3 : Alcove (tokonoma) © Adeline Gros / L'Intermède