AMBIANCE COCOONING sur fond de musique jazz. La carte est classique : thé, café, bière, jus de fruits ou soda. Situé en plein centre ville de Kyoto, à quelques pas d'une galerie commerçante très prisée des touristes, le Wan Nyan Chu pourrait être un café ordinaire où l'on viendrait se réchauffer après une longue journée de shopping. À une exception près : c'est un café à chats. – Par Adeline Gros
LE CONCEPT EST SIMPLE : après avoir choisi la durée et la boisson, on prend place dans la salle principale et on profite de la vingtaine de chats qui vivent ici. Bien que souvent présenté comme une spécificité de la culture japonaise, le premier Neko Café - du japonais neko qui signifie chat - a en réalité ouvert en 1998 à Taiwan. Depuis 2004, année où la ville d'Osaka a inauguré le premier bar à chats du Japon, l'idée a fait son petit bonhomme de chemin et plus de 150 Neko Café sont aujourd'hui implantés un peu partout sur l'archipel nippon, surtout dans les grandes villes.
– Où l'animal est roi
CERTAINS PENSENT QUE LES CAFÉS À CHATS exploitent les animaux de manière indigne pour en tirer profit. D'autres estiment que les chats sont soumis à un stress intense dû à un habitat non naturel. Des critiques qui peuvent paraître difficilement entendables quand on se rend dans l'un de ces cafés, où le bien-être des animaux passe avant celui de ses clients. Avant d'y entrer, il faut se désinfecter les mains et se déchausser. Des masques hygiéniques sont également mis à disposition pour éviter toute transmission de microbes de l'humain vers l'animal. A l'intérieur, un certain nombre de règles sont à respecter pour veiller au confort et au bonheur des résidents à poils. Par exemple, il est interdit de prendre des photos avec flash ou de prendre un animal de force dans ses bras. Il est également proscrit de nourrir les chats avec sa propre nourriture ; le café met en vente croquettes et friandises pour les plus férus qui souhaitent aller plus loin que de simples caresses.
À L'INTÉRIEUR, TOUT EST PENSÉ "CHAT". Pas de fauteuil douillet ou de table pour s'accouder. De simples bancs sont disposés ça et là de sorte que les chats puissent courir allègrement d'un bout à l'autre de la salle. La pièce surchauffée est calfeutrée de manière à tamiser quelque peu la lumière du jour, si bien que les passants ne dérangent pas ces animaux qui dorment la journée. Balles, souris, fils et autres jouets de toutes sortes jonchent la moquette. Des coussins, des cachettes, des maisonnettes, des paniers en abondance, chacun a de quoi trouver sa place et son confort personnel dans cet espace, il est vrai, un brin réduit. Les propriétaires ont installé des poutres et des planches en hauteur pour que les félins puissent grimper et courir à leur guise, mais aussi être hors d'atteinte pour trouver un peu de tranquillité et de solitude.
– Les raisons du succès
L'INDÉNIABLE SUCCÈS de ces cafés à chats dans la société japonaise contemporaine n'est pas un hasard. S'occuper d'un animal de compagnie implique de lourdes responsabilités. Par manque de temps et de peur de ne pouvoir s'y consacrer, beaucoup de Japonais refusent d'adopter un chat ou un chien. De plus, la taille des logements en ville est souvent réduite et ne laisse pas de place pour un compagnon à quatre pattes, d'autant que beaucoup d'immeubles interdisent strictement à leurs résidents d'en posséder un. Les Neko Café sont donc une solution alternative pour passer du temps avec des chats et les choyer, sans les inconvénients liés aux responsabilités et à l'entretien qu'ils engendrent, et ce pour 14 euros par heure de présence.
UN COIN DE PARADIS pour tous les amoureux des chats mais aussi un pur moment de détente loin du stress et de l'effervescence du quotidien. Beaucoup de Japonais fréquentent les Neko Café pour décompresser après une harassante journée de travail. Il est très facile de se prendre au jeu : faire connaissance avec ces habitants hors du commun qui possèdent chacun un prénom, référencés sur un tableau suspendu au mur ; s'amuser à déceler les cachettes les plus secrètes ; se trouver un préféré et lier une relation complice, fugace et éphémère ; réveiller les réflexes de chasseur des plus éveillés, vifs, alertes ; trouver le plus câlin et le bichonner. Une fois le temps (trop vite) écoulé, cette parenthèse dans la vie kyotoïte faite de bruit, de transports et de foule, s'avère infiniment reposante. On y regarde les félins s'étirer, ouvrir un oeil puis se rendormir, on les dorlote et caresse leur fourrure, tout en sirotant un thé vert brûlant, bercé par la musique jazz et les ronronnements.