
"romantisme noir" à travers l'image que lui en donne le Musée d’Orsay, le plaisir sera certainement au rendez-vous. Celui d'explorer une tendance qui semble sans limites, tant elle s'inscrit dans le foisonnement des genres, dans le dépassement de toute frontière géographique et historique ; ou bien celui de voir surgir de cette diversité, si ce n'est une cohérence, du moins un sens ; ou encore le plaisir de voir les mots entrer en contact avec les images, et d'abord en ce lieu où le titre, L'Ange du bizarre, né d'un récit d’Edgar Allan Poe, rencontre le tableau de Carlos Schwabe La Mort et le fossoyeur. Enfin, plaisir de comprendre, à travers la distance critique que permet l'organisation des œuvres en ensembles, mais aussi de s'immerger dans un univers qui reproduit mimétiquement celui du romantisme noir. Johann Heinrich Füssli, Eugène Delacroix, Francisco de Goya, F. W. Murnau et Alfred Hitchcock semblent alors déclarer en chœur avec Victor Hugo : "Nous n'avons que le choix du noir."
propre à la modernité. Le romantisme est subversion de la norme, transgression des cadres formels établis par la culture classique. Le romantisme noir, héritier de l'imaginaire sadien, est une remise en cause de toute forme d'ordre et de régulation. Loin d'être un phénomène ponctuel, circonscrit par une intention qui fonctionnerait comme manifeste, il semble donc se comprendre comme un mode de relation à l'étrangéité et à l'Autre qui est en soi. Né d'une angoisse exacerbée par la modernité et qui, une fois soulevée, jamais plus ne s’apaise, il trouve à chaque génération de nouvelles voies pour se dire.
situe toujours dans un hors-temps qui la porte sur la scène du fantastique et du fantasmé. L'horreur du romantisme noir est celle du Cauchemar de Füssli, représentation détournée d'un viol qui ne se dit que sur la scène trouble du désir et du rêve, dans le déplacement symbolique que permet l'image du cheval passant sa tête dans l'ouverture des rideaux, ou dans la peinture d'un démon pesamment assis sur la silhouette blanche et alanguie d’une femme endormie.
avec les œuvres qui, du fond de leurs cadres, nous regardent autant que nous les regardons. Et le spectacle est si saisissant que, malgré l'appel du printemps dans le Jardin des Tuileries tout proche, malgré les démons maléfiques qui poussent les visiteurs vers la sortie une demi-heure avant la fermeture annoncée du musée, on en oublierait presque de revenir à la lumière.


