
forme et de la matérialité. Déjà, en mars 1907, la présentation au Salon des Indépendants de deux toiles – Nu bleu souvenir de Biskra de Matisse et Les Baigneuses de Derain – avaient suscité le scandale. Pour le journaliste Louis Vauxcelles, "les simplifications barbares de M. Derain ne heurtent pas moins [que le Nu de Matisse]. Des marbrures cézaniennes verdoient sur les torses des baigneuses enfoncées dans une eau terriblement indigo".
ses couleurs mêmes, participant du relief et de la dimension onirique de la toile. On retrouve également ses influences fauvistes dans la toile Paysage coloré aux oiseaux aquatiques (1906) où le rouge agressif se mêle aux aplats de couleurs chaudes et pures, remplaçant les tons cristallins des toiles impressionnistes. Mais en 1908, Gleizes découvre le cubisme à travers l'œuvre de Le Fauconnier. Dès lors, Gleizes préfère partir d'un modèle géométrique et coloré à son gré, construisant ses œuvres sans modèle réel.
"veut dominer le hasard ; il tient à ce que toutes les parties de son œuvre se répondent logiquement […], que la composition soit un organisme aussi rigoureux que possible". Pour Gleizes, Metzinger reste trop fermement accroché à son sujet et sa conception est trop austère.
MAIS CES ÉLANS DE CREATION et de renouveau moderne vont être mis à mal par la Grande Guerre qui frappe l'Europe entière. Après 1914, Gleizes et Metzinger prennent des chemins différents pour ne jamais en revenir. Le premier part s'installer à New York où les gratte-ciels de la ville, les publicités et le jazz lui inspirent de nombreux tableaux et dessins qui tendent vers l'abstraction. Il développe des peintures non figuratives, intégrant des plans verticaux et obliques, des mouvements circulaires, et donne naissance à un système pictural fondé sur le rythme, la rotation et la translation de plans. Sa grande toile Perspective (Port) (1917) présente au sein d'un contour réalisé à l'aide d'une palette ascétique deux plans colorés et construits de manières géométriques qui se superposent. On y retrouve les symboles de la modernité propres à New York - toits d'usines, gratte-ciel, proue de bateaux, fumée… Mais, plus que par ses motifs, le tableau frappe par la diversité de matière qui le compose. Le rythme ne se trouve plus simplement dans les formes et leurs ajustements mais dans la technique picturale propre. Aux surfaces planes s'opposent des parties où la matière colorée déposée par petites touches provoque l'émerveillement, et aux lignes vides et planes s'opposent les aplats de couleurs.
effet leur propre singularité. Le cubisme n'est pas l'affaire de quelques uns, mais d'un groupe éclectique, sans pour autant qu'il y ait de figures "mineures" ou des suiveurs de Braque et Picasso. Dans leur écrit, Gleizes et Metzinger concluent ainsi : "Aux libertés partielles conquises par Courbet, Manet, Cézanne et les impressionnistes, le cubisme substitue une liberté infinie", faisant de ce courant non pas une simple rupture mais une porte ouverte sur l’avenir.


