QIN SHINHUANGDI (259 av. JC - 210 ap. JC) ressuscité. Le premier empereur de Chine, obsédé par l'immortalité, se voit honoré plus de deux millénaires après sa mort à 11 000 kilomètres de sa dernière demeure. Avec l'exposition La Magie des lanternes, Montréal célèbre ce personnage haut en couleurs en illuminant son jardin botanique, créant un pont culturel orné de 900 lampions multicolores pour retracer la vie du défunt tout en saluant le savoir-faire des petites mains chinoises. Un hommage lumineux, en ces premiers jours d'automne qui, un peu plus chaque jour, font sombrer la ville québécoise dans la nuit.
– Par Julien Waltersheid-Finlay
C'EST AU PIED de la plus grande tour inclinée au monde, surplombant le parc olympique, que se tient tous les ans cette célébration de la lumière, dans un parc aux allures asiatiques et accompagné de la complainte mélodieuse du erhu, le violon traditionnel chinois. Chant lointain qui guide le public à travers des chemins sinueux protégés par des tigres géants et autres dragons enflammés, l'entraînant au fil de la visite sur un autre continent, un autre monde, un autre temps. Voilà face à lui un robuste paysan rentrant des champs avec sa cueillette quotidienne, croisant la garde impériale à cheval, se rendant à la capitale pour célébrer le retour de l'Empereur. La lumière sublime le papier, souffle prométhéen qui, pour l'histoire d'un soir, semble animer les lanternes.
– Monde féérique
S'ILS SONT LE FRUIT d'une collaboration internationale, ces lampions sont avant tout l'oeuvre de nombreux acteurs pour l'enchantement des yeux. Ces yeux, justement, qui ne voient que le produit fini et qui ne peuvent deviner le travail que la réalisation de chacune de ces lanternes a représenté au cours de l'année passée. Car allumer ces cages de papier bigarrées ne se fait pas en un éclair, mais d'un automne à l'autre. Conçus à Montréal, les dessins techniques sont ensuite envoyés près de Shangai où les quelque 900 lanternes sont fabriquées à la main. Entre juin et août, elles voyagent par bâteau jusqu'au Canada ; puis, grâce aux électriciens, menuisiers peintres, plombiers et soudeurs qui composent l'équipe technique, installées dans le jardin botanique.
AUTANT D'ARTISANS au service de l'empereur, tout comme cette armée de terre cuite découverte en 1974 qui repose avec son maître. Aujourd'hui ou hier, tous semblent ici à son service : en plein milieu du "lac de rêves", le voilà sur son char entouré d'un cortège impérial... en papier. À l'origine composé de plus d'une centaine de chevaux de Mongolie, sa garde en lanterne se contente de trois majestueuses bêtes qui semblent flotter sur l'eau ou voler dans les airs, tant le bleu du lac fait perdre à l'assistance toute notion de réalité. Volonté des organisateurs d'entraîner le païen dans un monde féérique qui prend normalement place à la fin des festivités du nouvel an lunaire, dit nouvel an chinois. Un peu en avance tous les ans, comme pour lancer les festivités, Montréal met ainsi sa nombreuse population chinoise à l'honneur. Parfaitement intégrée dans cette ville multiculturelle, elle se regroupe dans son quartier, au coeur de la ville et aux pieds du Saint-Laurent, qui a vu tellement de peuples se battre pour lui depuis 300 ans. Un fleuve aux multiples accents et couleurs qui semble se verser dans ce lac impérial central du second jardin botanique au monde.
– Feu d'artifice
UN LIEU RÊVÉ, donc, où Qin Shihuangdi n'aurait pu imaginer se retrouver un jour mais que la postérité a mené en ces lieux pour le plaisir des profanateurs modernes, thé vert dans une main et appareil photo dans l'autre. Les traditions ne sont plus les mêmes, les honneurs perdurent. À l'origine de l'unification de l'Empire chinois et de l'érection de la Grande Muraille, Qin Shihuangdi est un conquérent que ne craignent plus les enfants qui s'essayent à la calligraphie, aidés par des animateurs déguisés avec des soieries.
CAR L'APPROCHE est principalement familiale. Ce n'est pas véritablement une leçon d'Histoire qui se trouve dans ce jardin, plutôt une cour de récréation. Sortir du quotidien par un dépaysement du monde occidental contemporain pour se plonger, l'espace d'un instant, dans des festivités millénaires. Sans rentrer dans les détails historiques et en misant principalement sur la décoration, l'événement a su s'intégrer à l'agenda culturel montréalais depuis deux décennies. Une capacité à durer qui s'explique par un renouvellement annuel du thème principal, mais surtout par son aspect populaire. Les puristes et passionnés de l'Histoire chinoise ne trouveront pas leur compte. En revanche, pour les curieux et les barbares, c'est un feu d'artifice.
La Magie des lanternes
Jusqu'au 31 octobre 2011
Jardin de Chine - Jardin botanique de Montréal
4101, rue Sherbrooke Est
Montréal (Québec)
Canada, H1X 2B2
Tlj jusqu'à 21h
Tarifs : $1,25 à $16,50
Rens. : 514 872-1400