
l'espère, que je te rappelle ce thème charmant", écrit-il dans une lettre datée du 21 septembre 1903 à Lilly Stumpf, future madame Klee. Cette phrase est chapeautée des premières notes de la 8e sonate de Beethoven en sol mineur. De fait, tout au long de sa vie, le travail de Paul Klee s'est articulé autour de questions formelles qui avaient la musique comme référence. Il a désiré réussir en peinture ce que Bach et Beethoven ont accompli en musique : permettre à l'art pictural d'arriver à un certain idéal polyphonique qui élèverait la peinture vers un âge d'or. Cette démarche passe donc par des expérimentations techniques et stylistiques fortement inspirées, si ce n'est orchestrées, par les sons. C'est notamment le cas de ses tableaux exécutés entre 1921 et 1929, dans la lignée du Bauhaus où il approfondit ses recherches sur la transposition des principes de l'écriture musicale en peinture. Témoin, les toiles Fuge in Rot et Töpferei, toutes deux de 1921, où la superposition des formes, élancées par des courbes répétées, donnent un effet de mouvement, de vibrato pictural. Les couches de peinture s'étagent comme s'enchaînent les thèmes en musique. Klee analyse leurs principes structurels et tente d'en trouver une équivalence dans une oeuvre d'art visuelle, représentant ainsi le mouvement comme d'autres le joueraient. "Ingres aurait organisé le repos. J'aimerais pour ma part organiser le mouvement", écrit-il dans la Théorie de l'art moderne.
ORGANISÉ AUTOUR de Wassily Kandinky, Frank Marc et August Macke, le groupe de Munich défend le concept de la couleur pure, allant jusqu'à l'abstraction. La teinte n'est plus l'outil, mais devient le sujet. Ainsi Klee théorise-t-il les pouvoirs de la ligne et des pigments : les couleurs résonnent entre elles comme les sons se renvoient leurs échos. Ses compositions, vers 1930, sont plus amples et aérées. Les couleurs y sont accrochées sur un noir primaire et dialoguent entre elles. Et chacune doit défendre sa juste place entre luminosité et densité, pour arriver à un équilibre polychromatique - et donc polyphonique - tout comme chaque note évolue en fonction de celle qui la précède et la suit. Das Licht und die Schärfen (La lumière et les arrêtes, 1935) illustre tant cette vibration de la couleur que l'équilibre chromatique que Klee veut atteindre. Il y a dans la rencontre entre le vert et le bleu un écho de rouge qui s'entend au loin. "Il s'agit d'obtenir un mouvement visible de flux et de reflux en mettant aux prises le clair et l'obscur, et ceci implique un recours énergique aux deux pôles", écrit l'artiste. Tout comme la musique pure, qui est exclusivement instrumentale, la quête de la couleur pure fait des toiles de Klee des peintures qui n'ont pour référence qu'elles-mêmes.
tout des peintures. Il ne s'agit pas de peindre la musique mais, comme le définira Kandisky, de faire "dialoguer les arts". La virtuosité de Klee se dévoile ainsi dans sa capacité à imbriquer toutes sortes de couleurs, dans des proportions différentes, au sein de formes plus ou moins anarchiques. Bien que différentes et difformes, elles se mélangent pour ne bientôt former plus qu'un tout supérieur à leur simple somme. Elles forment ainsi une mélodie au sens premier, c'est-à-dire une harmonie issue de plusieurs sons disparates. Aussi la musique est-elle vecteur d'inspiration plus que matière première de la pratique picturale. Elle est une source d'exploration comme tant d'autres, et la pluralité des registres des tableaux de Klee témoignent de cette quête esthétique.
techniques et des procédés divers. Seule une partie est révélée au public de la Cité de la Musique à l'architecture rouge posée sur une surface verte, maestoso.


