L`Intermède
antiquarks, antiquark, cosmographes, cosmographe, album, rencontre, portrait, interview, tournée, critique, analyse, jazz, world musique, pop, interterrestres, dates, richard monségu, sébastien tronAntiquarks, particules libres
Un escabeau trône au milieu de la scène du théâtre de La Reine Blanche, à Paris. De nombreuses mains s'affairent pour tout mettre en place : marquages au sol, retours, éclairages. Le vaisseau d'Antiquarks va bientôt atterrir. Entre les pupitres, la petite lampe frontale de Sébastien Tron, second pilote, s'agite et dessine des circonvolutions aux côtés de Richard Monségu. Jean-Claver Tchoumi, batteur et guitariste, sur l'aile gauche de l'appareil, revisse sa casquette rouge sur ses oreilles tandis que Guillaume Lavergne, le touche-à-tout du quartet en poste à l'aile droite, participe aux derniers réglages. Bientôt résonnera leur dernier album, Cosmographes. Alors que le groupe est en tournée dans toute la France, une visite du vaisseau s'impose.

Il n'y a pas à s'en faire, les cosmographes parlent le français et sont de très bons guides. Il en faut, pour s'aventurer dans l'espace vertigineux ouvert par la musique d'Antiquarks. Depuis plusieurs années, le duo fondateur, formé par Richard Monségu et Sébastien Tron, compose des partitions qui n'aiment pas les catégories. A mi-chemin entre les musiques du monde et le jazz, Antiquarks est un laboratoire où se compose une "pop interterrestre" dont vient témoigner Cosmographes, deuxième album de ces savants fantaisistes qui prennent tous les chemins possibles. L'orgue et le choeur de "Perspicilli" sont délogés plage suivante par la voix métallisée de Richard Monségu, plongeant "Epaming Astra" dans un climat brésilien populaire. La cadence vive d' "Ibn Isefra" propulse tout de go sur un vélo pour une virée dans les rues d'Alger, avant de se reposer sur "Philia" ou de se laisser bercer par les infrasons océaniques d' "Orlanda". Ce n'est pas du latin, mais bien un nouveau langage au service d'une fiction.

Une "musique de fiction, c'est une vue de antiquarks, antiquark, cosmographes, cosmographe, album, rencontre, portrait, interview, tournée, critique, analyse, jazz, world musique, pop, interterrestres, dates, richard monségu, sébastien tronl'esprit", expliquent Richard Monségu et Sébastien Tron. Jamais les artistes ne reprennent telles quelles les traditions musicales dont ils s'inspirent. Mais ils suivent si bien le mot de Guy de Maupassant selon lequel "faire vrai consiste à donner l'illusion complète du vrai", que les récits mélodiques d'Antiquarks semblent bel et bien enracinés dans toutes les cultures du monde. "La musique de fiction, c'est autant une façon de communiquer pendant l'acte de création, pendant les répétitions, qu'une volonté de donner de la cohérence à un album en documentant notre imagination", raconte Sébastien Tron. Le quartet travaille à partir d'une image ou d'un thème, chevauche à travers la steppe ou imagine ce qu'aurait été un groupe monté par Robert Smith, leader des Cure, s'il était né en Algérie. Les artistes ont quartier libre pour se donner tous les contextes possibles, qu'ils malaxent ensuite sous le regard érudit de Richard Monségu. Car le ludique ne doit jamais céder à la facilité. Sociologue de formation, le percussionniste a l'exigence d'activer l'imagination de l'auditeur plutôt que de lui faire consommer des images. Animé par l'ambition d'embrasser un grand nombre de cultures, ces "différentes façons d'observer le ciel", le musicien cherche de quoi créer d'autres contemplations. "Comment vivre toutes les vies ? Comment comprendre tous les points de vue possibles ? C'est ça, la fiction."

Fictions qui prennent corps à travers un ensemble d'instruments marginaux. Mais la vielle à roue de Sébastien Tron, la cithare ou le cor d'harmonie de Guillaume Lavergne ne s'imposent pas parce qu'ils seraient plus exotiques : chacun doit être mis au service de la musique avant tout. Il s'agit de neutraliser les sons qui permettront de mieux raconter une histoire. "Neutraliser n'est pas méduser mais suspendre", précise Richard Monségu. Dans le laboratoire d'Antiquarks, le son est arraché à son contexte d'origine, exploré, exploité, enfin, pour contribuer à créer un nouveau répertoire et de nouveaux modes de jeux. Devant la vielle à roue, instrument vieux de plusieurs siècles, Sébastien Tron s'applique à un patient travail, "sur le son, les samples, les structures sonores". Pour un résultat à la fois singulier et naturel, puisque le timbre acoustique des cordes frottées répond à la voix chaleureuse de Richard comme un véritable partenaire. Le tout porté par la basse piquée de Jean-Claver Tchoumi, dit "Chouchoubass", et les synthétiseurs analogiques de Guillaume Lavergne.

antiquarks, antiquark, cosmographes, cosmographe, album, rencontre, portrait, interview, tournée, critique, analyse, jazz, world musique, pop, interterrestres, dates, richard monségu, sébastien tronPeu de sons semblent étrangers aux musiciens d'Antiquarks. Et pour cause. Particulièrement marqué par les musiques extra-européennes, Richard Monségu est sensible à toutes les voix et toutes les langues. Foisonnement et découvertes dont il n'est jamais rassasié : "Il y a autant de musiques que de langues. C'est véritablement fascinant, non pas pour en faire un objet de musée mais, au contraire, pour l'utiliser et rendre hommage, de manière invisible." Pour comprendre les textes de cette révérence aux "musiques de l'altérité", il faut pousser la petite porte au fond du laboratoire, qui mène à la bibliothèque du sociologue. C'est là que s'élabore librement une non-langue dont il a le secret. Considérant son organe vocal comme un instrument à part entière, Richard Monségu imite, cherche, module les sons. Attentif depuis plusieurs années à toutes les combinaisons possibles et aux lignes mélodiques qui en émergent, le musicien dispose aujourd'hui d'une banque de sons qu'il sollicite de façon plus ou moins improvisée ou écrite. Sans commune mesure avec une construction telle que l'espéranto ou le sindarin des Elfes Gris de J.R.R Tolkien, le dialecte artificiel d'Antiquarks rappelle plus volontiers, dans l'esprit, le volanska de Jón Þór Birgisson, leader du groupe islandais Sigur Rós.

Il s'agit de créer de l'émotion à partir de sons venus d'ailleurs et d'ici, d'une langue qui n'appartient à personne et donc à tous. Pour le sociologue, "créer de l'émotion est une lutte", un combat contre un certain "totalitarisme musical" pour parvenir à toucher grâce à de nouveaux principes harmoniques. Derrière les livres et les particules pousse la petite maxime du Tractacus de Ludwig Wittgenstein : "Ethique et esthétique sont une." Le souffle court qui ouvre et bat la mesure de "Cosmographe", premier titre de l'album éponyme, raconte peut-être quelque chose de ce débat avec "une forme de mondialisation qui ne respecte pas les particularités, les minorités, les anonymes, les anomiques", et qui déplaît aux passagers de ce vaisseau. Les morceaux  interrogent, chacun à leur façon, cette aspiration du groupe à façonner un universel poétique, comme en témoigne l'inclassable "Immensum", qui peut tour à tour être entendu comme une déambulation dans le sud africain ou un décollage pour une autre constellation. L'envol est en tout cas consommé sur "Philia", brève balade aux échos multiples, rappelant les abysses de certaines partitions d'Eric Serra.

Les musiciens ne tournent d'ailleurs pas le antiquarks, antiquark, cosmographes, cosmographe, album, rencontre, portrait, interview, tournée, critique, analyse, jazz, world musique, pop, interterrestres, dates, richard monségu, sébastien trondos au cinéma. Profondément liée à l'oralité et à une pratique de la polyrythmie - jouer simultanément plusieurs parties rythmiques de portées différentes -, la musique d'Antiquarks se prête volontiers à l'arrangement orchestral. C'est ainsi que revit Duel, premier film de Steven Spielberg (1971), habillé de notes nouvelles pendant la formule originale d'un ciné-concert. Né d'un travail substantiel sur la bande originale, l'accompagnement s'inspire également d'autres musiques du monde cinématographique. Tandis que dans l'ombre, et aux côtés de ses partenaires interprètes, Sébastien Tron valorise de nouveaux éléments sonores. Cette création, à laquelle a souhaité s'associer l'orchestre de l'Ecole Départementale de musique d'Ardèche pour certaines représentations, illustre la diversité des projets chers au groupe et sa posture artistique, intimement liée à un souci de transmission qui ne soit pas nécessairement tributaire de l'enseignement. L'engagement est là, aussi, comme l'explique le musicien : "Essayer de faire collaborer des structures entre elles, des programmateurs, des écoles de musique, des médiathèques…" Et si cela fonctionne, c'est que les créations d'Antiquarks ont toute leur place dans le répertoire contemporain. Le petit compartiment des souvenirs, mitoyen à la bibliothèque de Richard, en témoigne, plein des rencontres dont les musiciens ont été les compagnons de route, élèves, danseurs, et autres chanteurs.

"Le public est le quark et nous sommes l'antiquark". L'inscription est griffonnée sur un mur du vaisseau. Lorsque Sébastien Tron, parti de son patronyme et de son bagage scientifique pour nommer la nouvelle troupe, commence à graviter dans les particules élémentaires et l'antimatière - un quark ne se rencontre jamais seul mais assemblé à son antiparticule -, Richard Monségu entend le vers de James Joyce : "Three Quarks for Muster Mark !" Extrait du roman Finnegans Wake, le poème est déjà passé entre les mains du physicien Murray Gell-Mann qui s'en est inspiré pour une théorie qui a fait sa renommée. Cette rencontre du chercheur et de l'artiste, c'est aussi l'histoire d'Antiquarks.
 
Marion Genaivre
Le 21/04/11
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Cosmographes
, Antiquarks

Coin Coin Productions
Sortie le 31 janvier 2011

Agenda 2011
22 avril - Venissieux (69200)
4 mai - Venissieux (69200)
6 mai - Paris 18ème Théâtre de la Reine Blanche : Ciné-Concert Duel
11 mai - Villeurbanne (69)
3 juin - Serres (11)
11 juin - Villeurbanne (69)
11 et 13 juillet - Venissieux (69)





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Crédits et légendes photos
Photo 3 Crédit Malou Lamache
Photo 5 Couverture de l'album Cosmographes