L'héritage de Philippe Starck en quatre portraits de designers
2. Matali Crasset
Née le 28 juillet 1965 - 44 ans
Agence : Matali Crasset Productions
Formation : École nationale supérieure de création industrielle de Paris (Ensci)
Distinctions :
1997 : Grand Prix du Design de la ville de Paris
2005 : créateur de l'année au Salon du Meuble Spécialisation : Designer industriel, Architecte d'intérieur
Point Fort : La proposition
Née à Châlons-en-champagne dans un milieu rural, Matali Crasset ne vient pas d'un environnement qui prédispose a priori à devenir l'une des designers phare de sa génération. Alors qu'elle débute des études en marketing, la jeune femme prend en charge un projet packaging et, passionnée, se tourne vers la profession de designer. Après l'obtention de son diplôme et un court passage chez Denis Santachiara à Milan en 1991, elle est embauchée chez Philippe Starck, tout d'abord au sein de son studio, puis en tant que responsable du Tim Thom, design center de Thompson, à l'époque où Starck est en charge du design de la marque. Comme lui, elle commence donc par faire du design industriel pur et dur. Plus que tout autre, Crasset s'imprègne du style et du travail de son maître, mais qu'elle traduit selon ses codes : elle est plus discrète, et son dessin plus sobre. Là ou Starck se permet d'etre exhubérant, démesuré, baroque, elle trace son chemin dans la fantaisie retenue.
En 1998, après cinq années passées chez le designer, Matali Crasset ouvre son propre studio. Connue pour sa coupe au bol qui devient très vite son logo, elle reste l'une des rares femmes designers de sa génération, suivant la voie tracée par Eileen Gray et Charlotte Perriand. Ses premiers projets solo sont surtout du design d'objet. Témoin, sa colonne d'hospitalité iconique : Quand Jim monte à Paris, sorte de futon pliable qui permet de créer un lit avec une lampe d'appoint et qui se déplie aussi aussi facilement qu'il ne se range pour créer un luminaire. Cet objet, créé en 1995, n'est présenté qu'en 1998 au Pavillon Satellite du salon du meuble de Milan qui regroupe les jeunes talents, et lancera la jeune designer.
Elle collabore alors avec de nombreuses marques comme Guy Degrenne (nécessaire à brunch - City Brunch), Lacie (disque dur externe - Andy), Pierre Hermès - Forge de Laguiole (couteau à gateau - Deli(s)cieux), Artémide (Luminaire - Ierace), Danese (Lampe- Evolute), pour lesquels elle dessine de multiples produits. Elle réalise aussi nombre de pièces de mobilier pour Dune (chaise - Chiara), Dunlopillo (Canapé - Compo'Sit) et tout dernièrement son bureau Open Room n°1 pour Estabished & Sons, influencé par le cubisme. Elle créé en 2005 le Lieu Commun à Paris, magasin ou l'on peut retrouver ses créations parmi ceux d'autre créateurs.
Si Matali Crasset réalise très tôt des scénographies, notamment pour le salon Who's Next jusqu'en 2000, elle ne mène ses premiers projets d'architecture intérieure qu'en 2001, avec la réalisation de l’agence de publicité Red Cell à Paris et la reconversion d'un hôtel en une maison familiale - La Maison du Lac. Très vite, là aussi, les commandes abondent : l’hôtel Hi à Nice en 2003, l’atelier culinaire Fraîch'Attitude à Paris, le restaurant Végétal au Printemps de la maison avec Alain Passard, l'intégralité de l'identité et du design intérieur du musée SM’s à Hertogenbosch... En 2006, elle met au point les plateaux de dégustation pour le Boudoir de la chef Hélène Darroze. En 2007, les deux amies collaborent à nouveau, Matali Crasset étant en charge de la décoration du bistrot Toustem, situé face à Notre-Dame et qui associe orange et vert, fidèle à son esprit hors des sentiers battus.
Les années 2002 et 2003 riment avec consécration : des rétrospectives de son travail sont présentées au mu.Val de Lausanne, au Victoria&Albert Museum à Londres, et au Cooper-Hewitt National Museum of Design de New York. On retrouve d'ailleurs nombre de ses oeuvres dans des expositions comme, récemment, Telling Tales au V&A (voir notre article à ce sujet), Paris, design en mutation qui sillone la France, Phase Zero à la galerie Serge Aboukrat ou Love design : 15 designers about love à la Boutique 107 Rivoli, preuve de son importance sur la scène design.
Le travail de Matali Crasset est difficilement caractérisable tant il est polymorphe. Elle se plaît à surprendre et déstabiliser à chacune de ses créations qui sont autant de "première fois". Ce qui semble traverser son oeuvre, c'est le caractère ludique de ses créations, la créatrice citant Peter Pan comme son personnage de fiction préféré. Elle reconnaît que son travail ne porte pas à proprement parler sur la forme, mais sur la typologie des objets, sur les relations qu'ils entretiennent entre eux et avec l'utilisateur. Toujours très respectueuse de la liberté des consommateurs, elle leur soumet volontair
ement à travers ses objets plus des propositions que des créations abouties : "Mon objectif est d'ajouter une intention à l'objet... Je me méfie de la forme d'un objet car elle est appréhendée différemment d'une civilisation à une autre. C'est la raison pour laquelle je préfère travailler autour des rites domestiques. Ce qui me motive, c'est l'idée de faire bouger les choses, d'avancer, de m'épanouir et de partager. Mon approche consiste à rechercher de nouvelles typologies qui répondent aux besoins de mobilité, de liberté et de permettre aux gens d'utiliser les objets et l'espace à leur manière."
Crédits et légendes photos
Photo 1 Quand Jim monte à Paris, 1995. Crédit : Patrick Gries
Photo 2 Cuisine Fraich'Attitude, 2004. Crédit Philippe Dufour
Photo 3 Ierace, 2000. Crédit Miro Zagnoli, Artémide
Les autres portraits
