Dolce Italia
C'est à l'espace intime du Musée de la Vie romantique que le Petit Palais a prêté cet automne les "souvenirs" des artistes français partis dès le XVIIe siècle s'abreuver à la source de l'art européen : l'Italie.
Le propos de l'exposition Souvenirs d'Italie (1600-1850), Chefs-d'oeuvres du Petit Palais, alléchant, semble d'emblée trop ambitieux : rechercher l'influence de l'Italie sur l'art français, c'est plonger dans une tradition séculaire qui mériterait à elle seule un musée entier. De François Ier à Mazarin, de Marie de Médicis à Napoléon, la culture française s'est inspirée du modèle italien. Les châteaux de Fontainebleau, de Chambord, ou le palais du Luxembourg à Paris, (réplique du palais Pitti à Florence) l'attestent encore aujourd’hui. Ces liens se sont d'ailleurs institutionnalisés dès 1666 lorsque Louis XIV a fondé l'académie de France à Rome : du palais Capranica à la villa Médicis, c'est dans la Ville éternelle que les meilleurs artistes français sont allés (et vont toujours !), se perfectionner, et polir leur talent. Malheureusement, les oeuvres présentées au Musée de la Vie romantique, inégales, reflètent mal cette excellence, et les informations nécessaires à leur compréhension ne sont que parcimonieusement données au visiteur. Celui-ci doit se contenter de quelques cartels trop succincts pour saisir l'élan qui, du début du XVIIe siècle jusqu'au milieu du XIXe siècle, a poussé les artistes français sur les routes transalpines. Sans l'aide précieuse du catalogue, le public risque de manquer la pertinence (incontestable pourtant) de cette exposition.
"C'est la lumière de Rome !"
La première salle offre le charme désuet des cabinets de curiosité du XIXe siècle. Elle s'appuie sur la collection des frères Dutuit, riches "connoisseurs" qui ont rapporté de leurs voyages en Italie un nombre considérable d'œuvres, notamment des antiques. Ces derniers se perdent un peu dans les vitrines d'une sombre bibliothèque, parmi quelques portraits de leurs propriétaires. Les dessins et gravures de Claude Gellée dit Le Lorrain (1600-1682) ressortent davantage sur les murs roses foncés du musée. Installé à Rome depuis 1627, ce paysagiste classique trouve dans la campagne italienne, nimbée d'une grâce bucolique toute virgilienne, la source du "pittoresque" qui influencera l'art européen jusqu'à William Turner. Ses œuvres situent des monuments de Rome en pleine nature, où bêtes et bergers circulent parmi des édifices antiques recouverts de végétation. Le Troupeau en marche par temps orageux cherche ainsi un abri auprès d'une colonnade corinthienne inspirée du temple de la Concorde sur le Forum romain. Le monument disparaît presque sous les feuillages et s'inscrit naturellement dans ce paysage champêtre qui séduisit tant Chateaubriand lorsqu'il était secrétaire d'ambassade à Rome : "Vous avez sans doute admiré dans les paysages de Claude Lorrain cette lumière qui semble idéale et plus belle que nature ? Eh bien, c’est la lumière de Rome !"
A la suite de Claude Gellée, le voyage en Italie devient un passage obligé, un véritable parcours initiatique pour tout artiste, homme de lettres, ou même simple gentilhomme. Il faut avoir admiré Florence, vogué sur les canaux de Venise, parcouru les collines de Rome. Comme le souligne Philippe Berthier dans le catalogue de l'exposition : "Tous les Européens ont tété le lait de la louve". Et c'est au XIXe siècle, représenté dans la deuxième salle par Girodet, Granet, Garnier ou Corot, que l'Italomania atteint son paroxysme. Les artistes se ruent en Italie pour y goûter la beauté de ses villes, de sa campagne, et de ses femmes… On pense à Lamartine séduisant Graziella dans la baie de Naples, Musset et Sand se déchirant dans les palais vénitiens, et Stendhal se délectant de la lumière des lacs italiens, encore palpable dans La Chartreuse de Parme… On retrouve cet enthousiasme dans la Marietta ou l'odalisque romaine de Corot, héritière canaille de la Vénus d'Urbino du Titien, sensuellement étendue, nue, peinte aux couleurs ocrées de l'Italie. Mais la pauvreté des œuvres présentées dans cette salle et l'aridité de l'accrochage peinent à traduire la fougue des artistes français partis faire le "voyage d'Italie"…
Douce mélancolie
Heureusement, la dernière salle offre une belle surprise : la découverte des huit panneaux d'Hubert Robert, commandés par Beaumarchais pour orner son salon. La réunion de ces toiles est exceptionnelle et mérite à elle seule la visite. En effet, six de ces panneaux sont installés depuis la fin du XIXème siècle à l'Hôtel de Ville de Paris, et les deux autres sont conservés au Petit Palais. Ils sont donc réunis pour la première fois depuis plus d'un siècle. On y découvre l'essence même du talent d'Hubert Robert, la peinture des ruines, inspirée notamment d'un séjour à Herculanum et Pompéi où les fouilles viennent de commencer. L'Antiquité ainsi mise à jour impressionne durablement le peintre, qui représente la statuaire gréco-romaine dans ses panneaux : Marc-Aurèle, Hercule Farnèse, Apollon ou encore le gladiateur Borghèse se dressent sur fond de colonnades et de Colisée en ruines. Au premier plan, quelques scènes de genre, typiques du XVIIIe siècle, viennent donner vie à ces ensembles figés dans le marbre : dans Vénus Callipyge, une jeune cavalière, désarçonnée par sa monture, culbute en arrière tous jupons retroussés, tandis que Vénus, hiératique, offre sa cambrure légendaire au spectateur. Dans Vénus Médicis, la déesse domine une rivière, et, à l'abri de colonnes envahies par la végétation, tourne son regard vers un couple d’amants enlacés. Et Diderot, dans son Salon de 1767, d'écrire que la poétique des ruines, rosée et vaporeuse, vous laisse "une douce mélancolie".
Souvenirs d'Italie (1600-1850), Chefs d'oeuvre du Petit Palais, jusqu'au 17 janvier 2010
Musée de la Vie romantique
Hôtel Scheffer-Renan
16 rue Chaptal
75009 Paris
Rens. : 01 55 31 95 67
Tlj sauf lundi : 10h-18h
Tarif plein : 7€
Tarif réduit : 5€
Tarif jeunes : 3,5€
Crédits et légendes photos
Vignette sur la page d'accueil : Hubert Robert (1733-1808) Ruines romaines, 1776. Huile sur toile 49 x 74 cm PPP02548 © Petit Palais / Roger-Viollet
Image 1 Henri Mauperche (1602-1686), Paysage, 1686. Huile sur toile 115 x 89 cm PPP03764 © Petit Palais / Roger-Viollet
Image 2 Claude Gellée dit Le Lorrain (1600-1682), Le Troupeau en marche par temps orageux, Entre 1650 et 1651. Eau-forte, 2e état sur deux 16,1 x 22 cm GDUT05303 © Petit Palais / Roger-Viollet
Image 3 Hubert Robert (1733-1808) La Vénus de Médicis, 1790. Huile sur toile 281 x 132 cm PPP00108 © Petit Palais / Roger-Viollet
Image 4 Camille Corot (1796 -1875), Marietta, 1843. Huile sur papier collé sur toile 29 x 44 cm PDUT01158 © Petit Palais / Roger-Viollet