
LA SORTIE D'UN ALBUM de Madonna est toujours l'occasion de critiques de la part de la presse. Mais avec celui-ci, elles ont soudainement changé de nature. Auparavant attaquée sur le plan artistique ou pour ses frasques personnelles, elle est aujourd'hui systématiquement et avant toute chose condamnée pour son âge. Comme si les journalistes s'étaient passé le mot : pas un article sur MDNA dont les trois premières lignes ne soient consacrées à la cinquantaine bien frappée de la star. Quand 20minutes.fr titre "Madonna, la rance touch", le site de Libération légende l'une des photos sexy de l'album : "Dis Madonna, est-ce bien raisonnable de s'habiller ainsi à 53 ans ?" Le ton général de la critique est donné − condescendance et mépris. La Queen of Pop se fait tutoyer et rappeler à l'ordre comme une petite fille désobéissante qui n'a pas su rentrer à temps dans le rang. De la sénilité à la pré-adolescence, la boucle est bouclée − Madonna est aujourd'hui traitée avec la même suffisance que Justin Bieber : leur travail n'apparaît qu'à travers le filtre de l'âge qui semble autoriser les pires médisances. On précipite Madonna en maison de retraite, on la flanque d'un déambulateur tout en lui faisant gentiment la leçon : "Elle a dépassé la cinquantaine et semble être la dernière au courant ; et plutôt que de se réinventer, elle continue dans la veine du porno chic… à son âge, c'est pas très raisonnable", pouvait-on entendre en boucle sur BFM TV, le jour de la sortie de l’album. Soudainement bigote, la presse réclame pudeur et modération à celle qui depuis vingt ans n'existe qu’à travers la provocation. Pourtant, s'il existe une constance dans la carrière de cette reine de la réinvention, c'est bien son érotisme à tout-va piétinant allégrement le terrain de la vulgarité. Vouloir rhabiller Madonna, c'est en définitive la tuer.
totalement l’album. "Provocation dépassée" ? Au contraire. Mais celle-ci s'est complexifiée et a changé de terrain. Si, dans les années 1980, Madonna choquait sexuellement, aujourd'hui, le sexe n'est que le moyen pour bousculer un nouveau tabou, celui de l'âge et de ses représentations dans la société. Madonna n'a que faire aujourd'hui de la chose sexuelle, même si elle la chante, la mime voire la singe. Ce qui lui importe est une question bien plus existentielle : le temps. Et sa réponse est en rupture avec les attentes de la société.
accuser un coup de vieux des plus violents ? La question du temps est une problématique à laquelle doit faire face toute chanteuse Pop dont les trente premiers printemps sont révolus. Toutes cherchent l'hyper-actualité, toutes désirent être présentes sur les écrans et dans les esprits, sans pour autant périr avec ce présent qui, dès qu'il est, n'est plus et devient passé. C'est donc vers un présent en perpétuels mouvement et régénération, un présent né d'un incessant rebond vers l'avenir, fuyant le gouffre du passé, qu'elles s'élancent avidement.
son double. Le message est clair : le souvenir radieux de son image quelques années plus tôt représente le pire ennemi d'une chanteuse Pop.


