
Le trompettiste français a les traits fins, l'allure dégingandée, rappelant à certains égards l'angélisme d'un Chet Baker - mais la comparaison s'arrête là car Fabien Mary n'a rien du mélancolique écorché vif et sait faire preuve d'une spontanéité qui rend la rencontre tout à fait familière et chaleureuse. Plus ténébreux, et comme plus imposant, Dmitry Baevsky échange dans la mesure et, quoiqu'avec réserve, sans feintes et avec beaucoup de cordialité. Derrière cette dernière, un redoutable engagement a fait de lui un musicien salué sur la scène new-yorkaise.
Stan Getz ; Fabien Mary avec le pianiste Alain Jean-Marie à ses débuts parisiens ou le défunt saxophoniste Johnny Griffin ; Dmitry Baevsky avec le pianiste Cedar Walton ou le batteur Jimmy Cobb, sidemen des plus grandes voix et des plus grands solistes.
sans directive, sans pupitre, sans écriture, quoique Dmitry Baevsky reconnaisse volontiers que la partition est loin d'être systématique. Pour le saxophoniste, apprendre et jouer à l'oreille est essentiel, l'oralité venant compléter l'académisme.
esthétique de la présentation, déplaçant en quelque sorte sur les planches des conduites acquises dans les studios d’enregistrement ou dans les clubs. Dans le jeu du jazz priment non seulement l’interaction entre instrumentistes mais le rapport avec les spectateurs, ces derniers n’étant d’ailleurs pas en reste pour les provoquer ou les relancer (commentaires, bavardages, sifflets, cris parfois, allées et venues, frappe des mains ou claquement des doigts, suppliques...), suivant un schéma qui pourrait évoquer celui de l’appel-réponse qui est à la base du gospel. Il y aura toujours quelqu’un dans la salle pour glisser à l’oreille du pianiste : "Play As Time Goes By… Play it Sam !"
riche et a souvent fait l'objet de ce qu'en histoire littéraire on appellerait des "éditions critiques" ; que la bibliographie et les biographies de musiciens sont abondantes, et de fort bon niveau ; qu'enfin des ponts ont été jetés depuis longtemps entre la critique de jazz et les problématiques ou concepts des sciences humaines.
n'en déplaise à ceux qui n'y entendent encore que du bruit, le jazz demande à ses musiciens un investissement qui n'a rien à envier au classique. Dmitry Baevsky reconnaît que le saxophone est plus accessible que la trompette, mais la difficulté de maîtrise de son instrument ne laisse pas de l'étonner. Sa dextérité technique a pu paraître à certains manquer d'un supplément d'âme, mais le musicien a tout à fait conscience que cette dextérité n'est qu'un "outil au service de l'expression de soi. Ainsi ce n'est pas un équilibre que je recherche, mais une relative indépendance avec mon instrument afin de communiquer librement avec l'audience." Fabien Mary, lui, se souvient comment il a fallu apprendre à résoudre ses problèmes de détaché et de colonne d'air avant d’apprendre à phraser. De New York, il garde ces cheminements harmoniques dix fois par jour entendus dans différents clubs. Depuis la sortie du conservatoire, les heures de travail sont aléatoires, la trompette ayant cette particularité d'abîmer les lèvres à la longue : "Si j'ai un concert en trois sets d'une heure, je ne peux pas consacrer toute ma journée du lendemain à jouer. Mais cela dépend aussi de ce je veux travailler, la résistance, l'harmonie... Quoiqu'il en soit, je répète assez peu."



