L`Intermède
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CHRONIQUE. QUAND BRITNEY SPEARS EST-ELLE montée pour la dernière fois sur scène en pantalon? Se souvient-on encore d'une tenue de scène de Madonna couvrant plus d'un tiers de son corps ? Rihanna porte-t-elle autre chose dans son Loud Tour que des micro-shorts ou des culottes ? Une chose est sûre, les chanteuses pop font, depuis quelques années, de sérieuses économies de tissus dans le choix de leurs costumes de scène. Faut-il pourtant rappeler que la quasi-intégralité de la première tournée mondiale de Britney Spears en 2000 s'est faite en tenue intégrale ? Douze ans plus tard, une telle chose semble inconcevable dans le monde ultra sexualisé de la pop où l'image a su se rendre indispensable à la musique. Au point de se demander si le son n'est pas devenu à son tour le simple support d'une scénographie qui prend de plus en plus de place.


Par Grégory Le Floc'h

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LE POINT DE BASCULE peut être précisément fixé en 2006, lors du Confessions Tour au cours duquel Madonna arbore fièrement un body violet ultra-moulant dont l'échancrure défraie à l'époque la chronique. Madonna vient de dicter à qui veut devenir une icône Pop les codes vestimentaires à suivre scrupuleusement pour les années à venir. Depuis, peu importe la morphologie de la chanteuse, qu'elle corresponde plus ou moins aux canons dictatoriaux de la beauté actuelle, la grammaire vestimentaire de base se compose inflexiblement d'un soutien-gorge et d'une culotte accessoirisés à l'envie : des clous pour Gaga, des paillettes pour Britney, du cuir pour Rihanna. Quand une chanteuse pop monte désormais sur scène, c'est tout Pigalle qu'elle entraîne avec elle.


Du Mickey Mouse Club à Pigalle

IL EXISTE POURTANT plusieurs façons de se dénuder. Mais manifestement, ces chanteuses ont choisi la voie de la vulgarité, chacune déclinant l'indispensable culotte/soutien-gorge ou body selon les règles de son univers personnel : porte-jarretelles rouges sang pour Beyoncé au EMA 2009, body-bonbon pour Katy Perry, culotte girly dorée pour Britney Spears dans le Femme Fatale Tour, sous-vêtement en cuir et lanières pour Rihanna et Christina Aguilera devenues dominatrices SM et entraînant avec elles la toute rihanna, britney, madonna, lady, gaga, katy, perry, kylie, minogue, beyonce, nicki, minaj, costume, vêtement, mode, décor, scène, tournée, tour, costumes, tenue, tenues, scène, accessoire, adèlejeune Miley Cirus qui chante Robot dans une tenue toute de chair et de cuir. Faut-il alors interpréter cette rapide évolution du costume de scène comme l'aboutissement d'une forme de libération féminine, trente ans après le fameux Sex de Madonna ?

SI LES CHANTEUSES POP REVENDIQUENT une parole et un corps totalement libérés, il semble pourtant que jouer avec les codes d'une sexualité désentravée soit devenu un passage obligé, une nouvelle convenance à laquelle il faut se soumettre. Quand Beyoncé enfile un pantalon aux MTV VMA 2011 pour la première fois depuis l'époque des Destiny’s child, si elle brise cette règle de la quasi-nudité sur scène, c'est qu'elle ne peut plus apparaître, l'espace d'un instant, comme un objet hyper-sexualisé, puisqu'elle annonce sa maternité. Parenthèse sage et pudibonde dans cette course à la nudité au cours de laquelle les chanteuses pop se font toutes plus racoleuses les unes que les autres. Dans cette compétition à l'obscénité, Rihanna et Christina Aguilera revisitent dans S&M et Not myself tonight les clichés du sadomasochisme à grands renforts d'accessoires fraîchement achetés au sexshop du coin. Parfois, la simple culotte est même de trop. Se fait donc alors ressentir la nécessité de revêtir des sous-vêtements couleur chair, à l'instar de Jennifer Lopez aux AMA 2011, pour sembler totalement nue sur scène.

LA CHANTEUSE POP n'échappe donc pas au célèbre triptyque féminin de la mère, de la vierge et de la putain. Et s'est sans aucune retenue engouffrée dans la troisième voie. Pourtant, d'autres directions avaient été tracées, parfois même avec succès. La licencieuse Britney des dernières années ferait presque oublier la sage écolière de Baby one more time prônant à chaque interview la chasteté avant le mariage. Mythe plus que réalité, qui lança la carrière d'une Britney Spears qui n'existe plus aujourd'hui et qui a succombé avec la musique qu'elle représentait à l'époque : une "bubble pop" qui, pour parler de sexe, n'utilisait que le sous-entendu. Le Mickey Mouse Club a laissé place aux crissements du latex et aux craquements du similicuir.



Première échappatoire : la déesse

LE LIVE EST UN MOMENT PARTICULIER, créant une rare proximité entre la chanteuse et son public. Son corps surexposé, offert sans tabou, se dénude à l'envie, se partage et se consomme par des milliers d'yeux avides pendant près de deux heures. Mais il est fascinant de remarquer la régularité avec laquelle les chanteuses pop savent, l'espace d'une chanson, faire oublier leurs frasques sexuelles pour retrouver une pureté que l'on pensait à jamais enterrée. Conscientes que la parade d'un corps, aussi bien fait soit-il, sature et étouffe les sens, elles aménagent une respiration, un souffle frais, pour que le désir, rassasié, rihanna, britney, madonna, lady, gaga, katy, perry, kylie, minogue, beyonce, nicki, minaj, costume, vêtement, mode, décor, scène, tournée, tour, costumes, tenue, tenues, scène, accessoire, adèlerevive une nouvelle fois. La femme de chair doit disparaître pour se réinventer sous la forme d'un corps céleste, quasi-dématérialisé, toujours déifié. Il n'est alors plus question d'arborer une nudité lubrique, le costume de scène devenant l'élément-clef d'une reconversion immédiate de la chanteuse − qui, de catin, se change en déesse −, le corps se pare de tissus soyeux, fluides et abondants.

PLUS LA ROBE EST LONGUE, plus ses mouvements sont sublimés au point de transformer en sylphide aérienne la plus lubrique des chanteuses. Tous les ressorts de l'espace scénique sont alors exploités, au profit d'une opposition radicale entre le sol, réservé aux extravagances impudiques, et le ciel, espace divin où pourra s'élever une chanteuse purifiée et sublimée dans une sorte d'apothéose. Ces dernières années ont vu les chanteuses pop s'envoler au-dessus d'un public extatique, à grands coups d'artifices mécaniques. Kylie Minogue dans Les Folies Tour ou Britney Spears dans son Femme Fatale Tour empruntent la symbolique de l'ange et, munies d'ailes surdimensionnées, quittent le sol pour rejoindre les cieux. Quant à Gaga, c'est au moyen d'une immense plateforme qu'elle s'élève d'une quinzaine de mètres en chantant So happy I could die, déployant des ailes en plastique au cours de son Monster Ball Tour. Faut-il encore développer cette thématique déifiante en ce qui concerne Mylène Farmer, adepte absolue des apparitions grandioses et mystiques ? Dans ces moments d'extase sacrée, il est une règle que suit à la lettre chacune : le costume de scène ne doit plus susciter le désir mais l'émerveillement, le rêve – non plus érotique, mais immaculé −, la communion et les pleurs.



Lutte de pouvoir

LES ROBES SE RALLONGENT et les ventilateurs sont astucieusement placés afin de mettre en valeur les kilomètres de tissus qui volètent autour de la créature aérienne, à l'instar de Rihanna dans le Loud Tour qui ôte − pour quelques minutes seulement − ses culottes montantes pour apparaître, suspendue dans les airs, vêtue d'une robe jaune à la traine exagérée, pour entonner Unfaithful. L’exemple de Beyoncé dans son I Am World Tour est définitivement le plus probant, celle qui dévoile à chaque tournée davantage de son anatomie échappe à cette règle quand elle chante Baby Boy : l'introduction musicale se fait grandiose à grands renforts de gongs et de chœurs, et voici Beyoncé s'élevant à la verticale, suspendue par deux câbles invisibles, déroulant dans sa gloire une robe de plusieurs mètres de long avant de flotter et marcher dans le vide, à quelques têtes au-dessus de son public. Même l'incandescente Shakira décide de rihanna, britney, madonna, lady, gaga, katy, perry, kylie, minogue, beyonce, nicki, minaj, costume, vêtement, mode, décor, scène, tournée, tour, costumes, tenue, tenues, scène, accessoire, adèletroquer ses quelques centimètres carré de jupe contre une imposante robe bouffante bleu électrique pour chanter Lo quiero a morir emportant le public dans une gigantesque ferveur. Parenthèse féérique au cours de laquelle les désirs charnels se sont calmés, la volupté s'est échappée et les yeux saturés de nudité se sont apaisés, tout est en place pour que réapparaisse, encore une fois et jusqu'à ce que le rideau tombe, le corps dénudé de la chanteuse.

SI CES INTERLUDES PERMETTENT DE RELANCER la mécanique du désir, ils sont aussi et avant tout le moment privilégié d'une apothéose mégalomaniaque pendant laquelle toute autre chanteuse pop est destituée, évincée, enterrée. A quelques dizaines de mètres du sol, sur des volutes de tissus moussants, la chanteuse consacrée devient l'unique "Reine de la Pop". Guerre d'apothéoses, les tournées mondiales voient leurs chanteuses rivaliser d'imagination et d'audace technique pour arracher à leurs concurrentes la couronne royale tant convoitée. Madonna n'apparaît-elle pas dans le Sticky and Sweet Tour assise sur un trône, la main posée sur une canne-sceptre ? Kylie Minogue, dans sa dernière tournée, ne traverse-t-elle pas la scène sur un char romain tiré par quatre danseurs-chevaux ? La tête de Gaga n'est-elle pas ornée d’une couronne en plastique le temps de son apothéose sur So happy I could die ? Le show est alors à l'image des grandes parades militaires des régimes dictatoriaux ou des triomphes antiques : une démonstration de force et de pouvoir, une intimidation des adversaires, une auto-proclamation de sa propre souveraineté. C'est exactement le sens du show de Madonna au Superbowl, début février 2012, qui devient l'occasion pour elle de réaffirmer son statut d'impératrice non égalée sous les traits d'une Cléopâtre taylorisée plus victorieuse et conquérante que jamais, consentant quelques charitables regards à ses faire-valoir M.I.A. et Nicki Minaj.


Dernière échappatoire : l’excentricité

EN RÉACTION SÛREMENT À L'ULTRA FÉMINITÉ et à la sur-sexualisation des concerts, certaines chanteuses ont développé une dernière stratégie d'évitement qui leur permet d'échapper à l'incarnation archétypale de l'éternelle prostituée. La plus célèbre, Lady Gaga, mais avant elle, Björk, et tout récemment, Nicki Minaj, basent toute leur image sur un art parfaitement contrôlé de l'excentricité. Pour ces trois chanteuses, le costume de scène est aussi voire plus important que la voix. Et son extravagance, sa fantaisie ou sa bizarrerie participe pleinement d'une tentative d'identification rapide de la chanteuse et rihanna, britney, madonna, lady, gaga, katy, perry, kylie, minogue, beyonce, nicki, minaj, costume, vêtement, mode, décor, scène, tournée, tour, costumes, tenue, tenues, scène, accessoire, adèlede différenciation d'avec ses congénères. Reine en la matière, Gaga a su s'entourer d'une armée de stylistes qui façonne, crée, structure et déstructure son look, sa silhouette et même son corps. Tour à tour grimée en mort-vivant, affublée d'une blouse d'hôpital, et cachée derrière d'indescriptibles chapeaux, elle n'est plus une femme de chair, n'est plus humaine, mais se place au-delà. Aucun désir, aucune volupté, aucune lubricité pour ce monstre de tissus. Björk avait déjà su faire du costume de scène l'occasion d’une incroyable créativité. Méconnaissable lors de sa dernière tournée, la chanteuse, bien loin de toute intention de racolage, se transforme en corail humain sous son énorme perruque rouge orangé.

ENCORE UNE FOIS, la femme a disparu derrière la tenue de scène, suscitant chez le spectateur une rêverie cosmique épurée de tout désir charnel. Aussi Björk et Gaga ne sont-elles des fantasmes sexuels pour personne, leur façon d'utiliser le costume de scène leur permettant par conséquent de se situer en marge de la vaste carte du tendre de la pop. Exception faite pour ces deux chanteuses, l'artiste prime sur la femme. Le visage dissimulé par une improbable perruque, elles restent malgré tout immédiatement et sans confusion possible reconnaissables tant leur univers et leurs costumes de scène – pourtant en constante évolution – sont marqués aux yeux du public. C'est exactement le but recherché par Nicki Minaj qui a su se rendre identifiable par le plus grand nombre grâce à son look basé sur une combinaison de couleurs et de formes inattendues, hérité du style kawaï et inspiré des audaces de son aînée Gaga. Il y a la croyance et l'espoir que c'est le costume, le trop-plein, le surplus, à défaut de la voix et de la musique, qui fera la différence. Jusqu'à ce qu'une Adèle, engoncée dans des robes noires aux formes généreuses, sans autre accessoire qu'un micro et sa voix, s'empare de tous les trophées.

G. Le F.
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à Paris, le 20/02/2012


 



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