L`Intermède
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EN FÉVRIER 2009, Beppino Englaro, père d'Eluana, une jeune femme plongée dans le coma depuis 17 ans, obtient par la justice l'autorisation d'arrêter l'alimentation artificielle qui maintient en vie sa fille. Le cas des Englaro enflamme les esprits : de la classe politique, qui tente jusqu'au dernier jour de faire passer une loi qui empêche la mort d'Eluana ; des nombreux catholiques, qui manifestent en masse pour la vie ; des citoyens, qui se demandent qui a le droit d'établir les règles de la vie et de la mort. Après la fresque historique Vincere, le dernier film de Marco Bellocchio, La Belle Endormie, photographie sous plusieurs angles ce débat douloureusement vécu par de nombreux Italiens. Le film sort en salles ce mercredi 10 avril en France. 

Par Sara de Balsi

CE N'EST PAS LA VIE D'ELUANA que Marco Bellocchio a porté à l'écran. "Ça aurait été un autre film, que peut-être quelqu'un d'autre réalisera", raconte le cinéaste. "Mon film n'est pas un manifeste, ni une protestation. Ce n'est qu'un approfondissement de certains thèmes que je trouve importants." Pas d'Eluana, donc, ni de son père Beppino, ni des nombreux personnages publics qui ont pris position pendant les jours agités qui ont précédé la mort de la jeune femme. Bellocchio a préféré filmer des histoires très proches de celle d'Eluana, à partir de points de vue très différents. Cette pluralité de trames a l'ambition de ne rien omettre et de présenter tous les choix possibles dans la réflexion sur le droit à la vie la belle endormie, belle, endormie, marco, bellocchio, marco bellocchio, interview, analyse, critique, rencontre, film, cinéma, euthanasie, isabelle, huppert, article, portrait, italie, italien, photoet à la mort. L'Histoire, bruyante et omniprésente, est la toile de fond des fictions qui explorent ces choix dans toute leur profondeur. Bellocchio cherche à représenter la frontière – subtile, souvent insaisissable – entre l'espace public et l'espace privé, entre l'Histoire qui est en train de s'écrire et les histoires des personnages qui contribuent malgré eux à l'écrire.


Le sommeil et le réveil


ON TROUVE DONC LE SÉNATEUR BEFFARDI (Toni Servillo), membre du parti de Berlusconi qui gouvernait à l'époque ; lequel, quelques années plus tôt, a aidé sa femme malade à mourir, et qui désormais hésite à voter une loi qui empêche Englaro de mettre fin à la souffrance de sa fille. Entretemps, sa fille, Maria, catholique et activiste du Mouvement pour la Vie, manifeste devant la clinique où est hospitalisée Eluana et fait la rencontre de Roberto, un jeune manifestant du mouvement opposé. Ailleurs, une ancienne actrice (Isabelle Huppert) s'occupe inlassablement de sa jeune fille Rosa, elle aussi en état de coma irréversible depuis plusieurs années, sacrifiant sa propre vie – son mari, son fils, son travail – dans l'espoir du réveil de sa fille. Enfin, Rossa (Maya Sansa, l'une des muses de Bellocchio), désespérée de la lutte contre la dépendance à la drogue qui la voit succomber, décide de se suicider, mais le médecin Pallido consacre toutes ses forces à l'en empêcher.

UN FILM CHORAL, DONC, qui s’interroge sur ce qui constitue l'humain de l'homme. Quelqu'un qui gît dans un lit depuis des années, branché à une machine qui lui fournit l'air, l’eau, la nourriture, est-il encore vivant ? Celui qui a renoncé à tout ce qui constituait sa vie, la famille, le travail, son propre corps, vit-il toujours ? Quant à celui qui a beaucoup souffert jusqu'à en arriver au désespoir, mais donc le corps et l'esprit "fonctionnent", est-il mort ? Si Bellocchio n'hésite pas, à plusieurs reprises, à prendre position sur ces différents sujets, La Belle Endormie n'est en rien une œuvre à thèse, par la grâce de la construction des la belle endormie, belle, endormie, marco, bellocchio, marco bellocchio, interview, analyse, critique, rencontre, film, cinéma, euthanasie, isabelle, huppert, article, portrait, italie, italien, photopersonnages : ceux-ci vivent activement le questionnement posé par l'histoire d'Eluana. Ils débattent, ils manifestent, souvent ils changent d'avis. Le changement est lui aussi un réveil, non pas du coma, mais d'un sommeil affectif, ou des idées.


L'Italie


"ON ME DEMANDE SOUVENT si, avec ce titre, je fais allusion au fait que la belle endormie est l'Italie. Mais c'est une suggestion qui est venue de la critique, je n'y avais pas pensé. Le réveil de mon pays, bien sûr, je le souhaite.Tout est filmé de très près, avec de nombreux gros plans, comme souvent chez Bellocchio. Mais de l'Italie, en revanche, on voit beaucoup. "J'ai essayé de raconter l'espace italien dans les jours qui ont précédé la mort d'Eluana. On voit Udine, la ville de province où Eluana était hospitalisée ; on voit Rome, avec les lieux emblématiques du pouvoir politique. Mais on voit aussi des histoires, comme celle de Rossa et Pallido ou celle de la jeune Rosa dormant de son sommeil sans fin, qui pourraient se passer n’importe où." Le sénateur Beffardi incarne-t-il un Italien-type ? "C’est un professionnel de la politique, catégorie très méprisée en Italie, en ce moment. A travers son regard caricatural, j'ai tenté de représenter le parti de Berlusconi – avec son cynisme et son but manifeste de sauvegarder un rapport privilégié avec l'église catholique –, mais aussi l'incapacité de la classe politique dans son ensemble."

LA BELLE ENDORMIE DU TITRE est bien sûr Eluana, omniprésente bien qu'invisible – Bellocchio prend soin de ne jamais montrer les vidéos et les photos d'elle exposées par les medias, et de ne jamais faire prononcer le mot euthanasie. Mais la jeune Rosa dans le coma, que sa mère traite comme une princesse et couvre de fleurs ; et Maria, prisonnière de ses certitudes et ses jugements, toujours sûre de ce qui est juste et injuste de faire ; et Rossa, qui dort à cause des sédatifs sous le regard attentif de Pallido pendant une longue section du film et qui, même éveillée, ne veut pas revenir à la vie, peuvent elles aussi prétendre au la belle endormie, belle, endormie, marco, bellocchio, marco bellocchio, interview, analyse, critique, rencontre, film, cinéma, euthanasie, isabelle, huppert, article, portrait, italie, italien, phototitre de belles endormies. "Beppino Englaro, avec qui j’ai beaucoup discuté avant le tournage et qui est maintenant un ami, a fait de cette bataille la mission de sa vie", raconte Bellocchio. "Une mission basée sur le respect de la volonté d'Eluana." Qu’a-t-il pensé du film, quand il l’a vu ? "Il en est enthousiaste. Il m'accompagne parfois aux présentations du film en Italie. C'est vrai qu'après il devient difficile de parler de cinéma, le débat politique est encore très vif. Mon souhait est qu'en France La Belle endormie sera regardé comme un film et rien d'autre."

S. de B.
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à Paris, le 8 avril 2013

 La Belle endormie (Bella addormentata)
de Marco Bellocchio

Film italien
Avec Toni Servillo, Isabelle Huppert, Alba Rohrwacher, Maya Sansa...
1h40 
Sortie le 10 avril 2013


 



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