
IL EST UN HOMME de peu de mots, de peu de gestes. Il y a en lui un calme tranquille, qui semble le pousser à économiser chaque parole, à éviter tout superflu, pour ne garder que ce qui est vraiment valable, vraiment sincère. En tout, il pratique cette frugalité réfléchie, ce dépouillement volontaire – dans ses amours de cinéma comme dans ses amitiés humaines : "Quand on commence à faire du cinéma, explique-t-il, on est plus enclin à se choisir des "maîtres", des réalisateurs, des gens à imiter, mais les années passent, et le temps passe, et après avoir vu beaucoup de films, on n'en retient que quelques uns, quelques livres et quelques disques aussi, qui ont cette capacité à revenir nous émouvoir sans cesse. Qui nous procurent à chaque fois le même plaisir et la même surprise qu'au premier jour. Ce n'est pas que certains artistes soient plus mauvais que d'autres, mais seulement que certaines sensibilités sont plus proches des nôtres. Et au bout du compte, on se retrouve avec seulement quelques poétiques qui nous touchent, pas plus. Comme les amis. "
ON NE SAIT PAS TROP quel âge peut avoir Marcos Loayza. Il a encore le rire et le regard pétillant d'un gamin qui fait des bêtises. Un peu comme le personnage principal de son long métrage Cuestión de fé (1995) : Domingo, un sculpteur de statuettes religieuses qui s'embarque dans un étrange road-trip, une gigantesque vierge amarrée à sa camionnette, a lui aussi, malgré les ans et l’embonpoint, un air de mauvais garçon qui se fait gronder. Il a grandi en Bolivie, "un pays marqué par la pauvreté et une certaine tranquillité, mais qui garde l’espoir malgré tant de coups reçus. Grandir dans ce pays donne une certaine frustration, explique-t-il, mais aussi beaucoup de force ; c'est très difficile, dans ces circonstances, de ne pas voir les ressorts de l'âme humaine, et c'est cela la matière de l'art."
LE TOURNAGE LUI-MÊME est comme un plaisir luxueux, que rien ne doit venir gâcher : il choisit avec soin chacun de ses collaborateurs, préférant toujours "les gens qui [lui] plaisent, et à qui [il] plaît" à ceux qui, même bourrés de talent, seraient par malheur dépourvus de qualités humaines. Tout est affaire d'affinités électives, jusqu'aux personnages de ses films : "Quand on écrit un scénario, explique-t-il avec un certain humour, on sait qu'on va être obligé de cohabiter un certain temps avec les personnages qu'on est en train de créer ; et si je dois avoir des gens à la maison, pendant des mois, j'aime autant que ce soit des gens agréables et sympathiques, et surtout empathiques, et non pas d'avoir comme invité un psychopathe, un tyran égocentrique, un proxénète ou une personne détestable. C'est pour cela que je préfère travailler avec des personnages plus attachants, plus proches, quotidiens." 


