
HÔTEL-REFUGE, auquel on accède par un funiculaire au charme désuet, le Grand Budapest est un monde en soi, avec ses règles et ses habitants, tous dirigés par la personnalité de son gérant qui donne le ton et fait tourner la machine. Les occupants viennent y retrouver leurs habitudes tant à l'époque de son apogée que dans les années 1960 où cet âge d'or n'est plus qu'un souvenir. Les nouveaux clients viennent désormais y chercher la tranquillité et le silence, chacun restant dans son coin. Sorte de Club Diogène au charme désuet, l'hôtel compte parmi ses clients un écrivain. Entrapercevant le mystérieux Zero Moustafa, le propriétaire de l'hôtel, il décide de rompre le silence et de partager un repas avec lui afin qu'il lui raconte l'histoire du Grand Budapest et, par-là même, celle de sa propre vie. Ainsi commence le récit rocambolesque des aventures du jeune Zero, alors lobby boy travaillant sous la direction du mythique concierge de l'époque, M. Gustave, joué par Ralph Fiennes. Un tableau d'une valeur inestimable est légué à M. Gustave à la mort d'une vieille dame (Tilda Swinton), habituée de l'hôtel. Mais, alors que son fils (Adrien Brody) refuse de laisser l'oeuvre aux mains de Gustave, Zero et le concierge dérobent le tableau. Dès lors commence une course poursuite qui va changer la vie du jeune homme.
n'appartient plus qu'à la mémoire de ceux qui l'ont vécue et de ceux avec lesquels ils acceptent de la partager. Le livre constitue ce point d'ancrage entre le passé et le présent, ce témoignage qui devient le vestige d'une grande histoire qui aurait pu être oubliée.
précédemment, il explicite l'artificialité du medium pour atteindre à une autre forme de vérité. Le cinéaste dit avoir découvert récemment le cinéma pré-code, louant la précision de sa mise en scène, construite comme du cinéma muet et pourtant l'anarchie et la violence qui y règnait... Tout ce qu'on retrouve dans The Grand Budapest Hotel.
JOUANT AVEC LES CODES du récit initiatique, The Grand Budapest Hotel est aussi le récit de l'écriture d'un livre et, pour le cinéaste texan, l'occasion de mettre en abyme, non seulement l'Histoire, mais aussi l'histoire, la construction d'un récit ou d'une fiction. Rarement désignés par leur nom complet comme Gustave H., Serge X ou Madame D., les personnages sont précisément identifiés ainsi parce que tout le monde les connaît. Individus souvent caricaturaux, ils incarnent la possibilité même du récit et se constituent dès lors explicitement en personnages de fiction. Seuls Gustave ou Zero, qui évoluent au cours de l'histoire, obtiennent un statut à part, puisqu'ils parviennent à exister au-delà de l'étiquette qu'ils possédaient, quitte à ce que cette existence ne reste pas dans la légende. 


