L`Intermède
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CELA FAIT PLUS DE QUARANTE ANS que Ken Loach filme le Royaume Uni sous toutes ses coutures, en particulier celles que l'on néglige en général. Il filme l'homme de la rue, sous toutes ses formes, inlassablement, avec une humanité qui lui permet d'atteindre chaque fois sa cible en évitant toute répétition. Sweet sixteen (2002) abordait déjà la question des problèmes de la jeunesse dans un récit dur et éprouvant. Avec La Part des Anges, qui a remporté le prix du jury au Festival de Cannes, Ken Loach s'attache à l'itinéraire d'un jeune délinquant à Glasgow qui doit effectuer des heures de travaux d'intérêt général. Mais son chemin à lui est bien plus lumineux.


Par Claire Cornillon

AVEC SES CICATRICES, Robbie (Paul Brannigan) inquiète les éventuels employeurs. Il traîne avec sa bande et a son ennemi juré, qui cherche depuis toujours à le provoquer. Rien à faire, un conflit inévitable. Leurs pères se battaient déjà dans leur jeunesse, ils n'ont fait que reprendre le flambeau. Sous l'emprise de la drogue, Robbie a agressé violemment un jeune homme et il est condamné à effectuer des travaux d'intérêt général. Puisqu'il a échappé miraculeusement à la prison semble s'offrir à lui la possibilité d'une seconde chance, d'un nouveau départ. Tout jeune père, Robbie veut en effet prendre en main sa vie pour pouvoir prendre soin de sa petite amie et de leur fils, mais son milieu le rattrape et il ne semble pas pouvoir échapper à la violence qui l'entoure. Avec d'autres délinquants, il doit repeindre un local, entretenir un cimetière, être utile. Harry, son éducateur (John Henshaw), le prend sous son aile et lui enseigne sa passion, la dégustation de whisky.


Réalisme

EN QUELQUES IMAGES, quotidiennes, presque banales, Ken Loach croque ses personnages sans les caricaturer. Il pose sa caméra à la bonne distance, ni trop près, pour laisser à ses personnages la possibilité d'exister dans un espace, ni trop loin, pour que l'on puisse s'y attacher. Une galerie de portraits où l'on reconnaît aisément le foisonnement du réel. Ce n'est pas tant en construisant le moyen, le commun, que l'on touche à l'universel ; c'est au contraire dans l'aspérité des personnalités et la spécificité des histoires de vie que se glisse la vérité dans laquelle on reconnaît l'autre comme un autre soi. "Ce qui m'a plu, confiait Gary Maitland, qui interprète l'insolite Albert, lors du festival de Cannes, c'est qu'on ne savait la part des anges, part, anges, ken loach, ken, loach, film, long métrage, critique, analyse, interview, filmographie, citation, citations, photo, photos, image, images , whisky, paul, laverty, prixpas précisément à l'avance ce qu'on allait tourner au jour le jour car on ne nous avait pas donné le scénario dans son intégralité. Ken nous donne certains dialogues et il nous demande de nous en servir, sans sans que nos partenaires sachent ce qui va se passer, si bien que leur réaction est naturelle et immédiate." S'engage dès lors une spontanéité contagieuse qui donne vie à ces êtres sur l'écran. Ils s'habillent, parlent, agissent avec un naturel confondant, filmés par une caméra qui ne cherche jamais à se faire remarquer.

CE CINÉMA, que l'on qualifie souvent de "social", s'attache précisément aux coulisses de la société, à ce qui se situe en marge de la grande histoire, tel un portrait du monde contemporain, qui en capturerait la vie, l'imperfection, le mouvement et l'émotion. C'est un cinéma humaniste, parce qu'au plus proche des personnages, sans coquetterie. Un cinéma où le quotidien est vivifié par le souffle des histoires comme si, justement, chaque vie était une histoire qui méritait d'être racontée. On a beaucoup souligné le fait que le film est une comédie, fait rare dans l'oeuvre de Loach et, de même, dans la sélection du Festival de Cannes. Mais La Part des anges n'est pas tant une comédie qu'une image de la vie où le sourire alterne avec les larmes. Il y a de fait des scènes dramatiques, parfois violentes, ce qui ne l'empêche pas de bien se terminer, comme si la vie n'était pas faite pour les catégorisations génériques et que toutes les combinaisons étaient possibles. "Le but, souligne Ken Loach, c'est que les rapports entre les personnages soient crédibles et qu'ils évoluent dans un contexte réaliste. Du coup, s'ils vous faisaient rire dans la vie, ils vous feront rire dans le film, et s'ils vous faisaient pleurer, ils vous feront pleurer." Dès lors, si le film est si implanté dans le paysage de Glasgow et ses spécificités culturelles, s'il se nourrit de cet univers peu connu qu'est celui de la dégustation de whisky, il dessine pourtant un espace où chacun peut se situer, simplement parce que cet espace est habité par des personnages, par des hommes et des femmes que le réalisateur semble tous écouter. 


Un conte ?

MAIS IL Y A QUELQUE CHOSE DE MAGIQUE dans ce long métrage où tous ces individus ont la saveur des personnages de contes. Roger Allam plante un Thaddeus, collectionneur de Whisky, mystérieux et manipulateur et les compères de Robbie forment une troupe comique, à la fois adjuvants et obstacles sur le chemin du héros qui doit trouver un trésor pour sa princesse. Ce trésor sera un tonneau de Whisky, unique, la part des anges, part, anges, ken loach, ken, loach, film, long métrage, critique, analyse, interview, filmographie, citation, citations, photo, photos, image, images , whisky, paul, laverty, prixretrouvé miraculeusement et conservé dans l'obscurité d'une cave au beau milieu de nulle part. Tels des personnages de contes, les équipiers de cette entreprise affrontent les obstacles, se déguisent, font preuve de toute leur ingéniosité pour obtenir le trésor.

ROBBIE EST BIEN UN HÉROS, lui qui échaffaude des plans, dirige sa petite équipe et réalise l'impossible, même s'il est insolite. Et s'il dérobe quelque chose, c'est d'une part pour l'offrir à ceux qui connaissent sa vraie valeur et d'autre part à ceux qui en ont vraiment besoin. Non pas une montagne de richesse, mais simplement cette "part des anges", l'équivalent de cette quantité infime qui, paraît-il, disparait du tonneau de whisky par évaporation au fil des années. Ce détail pour certain, mais qui fait toute la différence. Le tonneau vendu aux enchères, pour une somme astronomique, représente à lui tout seul la possession. Il ne s'agit pas pour celui qui rafle la mise du plaisir du connaisseur mais bien simplement de celui d'obtenir ce que les autres ne peuvent pas se payer, comme un trophée. A cela, Robbie oppose un plaisir plus simple, celui de la passion et du partage qui font de ce film une fable optimiste.


Ecrire sa propre histoire

LE RECOURS AUX CODES DE LA FABLE OU DU CONTE n'enlève rien à La Part des anges de sa portée sociale. Si le personnage doit se transformer en héros, même à sa propre échelle, c'est précisément pour sortir d'un mécanisme qu'il vit comme fatal et qui le transformerait sans cela irrémédiablement en victime ou en ennemi. Cette quête, quelle qu'elle soit, donne du sens parce qu'elle crée du lien, mais surtout parce qu'elle permet de sortir du circulaire, de la répétition pour poser un acte nouveau. "A la fin de l'année la part des anges, part, anges, ken loach, ken, loach, film, long métrage, critique, analyse, interview, filmographie, citation, citations, photo, photos, image, images , whisky, paul, laverty, prixdernière en Angleterre, explique le réalisateur, le nombre de jeunes au chômage a dépassé le million pour la première fois. On voulait parler de cette génération de jeunes gens, dont beaucoup n'ont aucune perspective d'avenir. Ils ont la quasi-certitude qu'ils ne trouveront pas de boulot, de boulot fixe et stable. Quel effet cela peut-il avoir sur ces jeunes et quelle image ont-ils d'eux-mêmes ?"

COMMENT ÉCRIRE SA PROPRE HISTOIRE lorsque l'on est issu d'un milieu qui nous détermine ? Au début du film, dans la salle de tribunal, les personnages défilent, saisis de près et silencieux pendant que l'on énonce leur infraction mais aussi que l'on raconte leur histoire, qui ils sont. Ils sont dépossédés du discours et de leur propre parcours. Ils sont dits par un autre et surtout, de manière remarquable, par un langage qui n'est pas le leur. Le jargon judiciaire réécrit leur récit à leur place, d'autant plus visiblement que les délits, tous plus exotiques et dérisoires les uns que les autres, font résonner par l'insolite le codage du vocabulaire dans le tribunal. La voix des avocats ou du juge est un hors champ qui se superpose au visage des jeunes sans qu'ils aient de prise sur elle. Ils attendent simplement. Robbie est de ceux-là. Il voudrait changer mais ne sait pas comment échapper à la violence qui l'entoure. Or Harry, pour la première fois, n'essaie pas de plaquer un discours sur lui, mais de partager avec lui quelque chose de personnel, sa passion. C'est dans cet échange et cette véritable communication que Robbie et ses compagnons peuvent exister en tant qu'individus et non pas en tant que stéréotypes. Dès lors, le jeune père peut devenir le héros de sa propre histoire.


KEN LOACH JOUE DE CE DÉCALAGE entre le regard des autres, l'institution, les structures qui préexistent aux individus et les gens qui les habitent. Le film s'ouvre sur Albert titubant sur le quai d'une gare et s'approchant dangereusement du bord alors qu'un train va entrer en gare. Une voix annonce qu'il faut s'éloigner de la bordure. Mais Albert ne l'écoute pas. La voix finit par perdre patience : "Oui, toi avec le survêtement bleu, éloigne-toi du bord de la voie", se met-elle à crier. La voix dans le haut-parleur, celle qui la part des anges, part, anges, ken loach, ken, loach, film, long métrage, critique, analyse, interview, filmographie, citation, citations, photo, photos, image, images , whisky, paul, laverty, prixnormalement ne s'adresse à personne en particulier, celle qui, pré-enregistrée, représente la norme, s'adresse ici directement au personnage dans un décalage comique, comme pour souligner davantage son anonymat habituel. Pour que le personnage réagisse, il faut tout simplement que l'on s'adresse à lui, non pas comme un anonyme pris dans la masse mais comme une personne. C'est là que le cinéma de Ken Loach puise sa force. C'est un cinéma adressé, un cinéma qui parle à chacun parce qu'il parle à quelqu'un, parce qu'il parle de quelqu'un.

C. C.
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À Cannes, mai 2012


65e Festival de Cannes
Sélection officielle
Prix du Jury

La part des Anges
de Ken Loach
Avec Paul Brannigan, John Henshaw, Gary Maitland...
1h41
Sortie le 27 juin 2012


 



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