L`Intermède
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"CALIFORNIA IS AMERICA, only more so." La Californie, c'est une version augmentée de l'Amérique, constatait l'écrivain Wallace Stegner en 1959. C'est à partir de cette citation que l'exposition California Design, 1930-1965 : Living in a Modern Way explore la spécificité du design californien au moment de son apogée. Première exposition majeure de ce type, elle réunit plus de 350 objets, instantanés, dessins, tissus et vidéo au Los Angeles County Museum (LACMA). 

Par Asmara Klein

california design, exposition, exhibition, design, californie, LACMA, Los Angeles, living in a modern way, objet, quotidien, musée, art, designer, 1930, 1965, modernisme, artisan, état, états-unisUN BARBECUE EN PLEIN SALON. Triangulaire, sa fonte noire repose avec aplomb sur le tapis rouge au sol. Entouré d'une cour de sièges dépareillés - un fauteuil de fibre de verre jaune, une chaise-longue tissée de corde et son repose-pied assorti - il trône au milieu avec insouciance. Avec son acolyte, une lampe de jardin svelte coiffée d'un lampion translucide, dessiné par Hawk House, invite à laisser au vestiaire une vision classique de l'habitat. Grâce aux conditions climatiques de la région, les habitants de Californie profitent plus longuement de leur extérieur. Le barbecue d'intérieur n'est donc pas une hérésie mais l'affirmation d’une volonté de brouiller les frontières, d'intégrer le dehors à l'espace de la maison. Cette reconfiguration spatiale et mentale n'est pas née en Californie puisque les architectes du groupe De Stilj, à l'instar de Gerrit Rietveld, expérimentaient déjà avec des fenêtres sans rideaux ou des murs amovibles l'économie des séparations et de larges ouvertures pour expérimenter la transparence de l'espace et, avec lui, l'aisance du mode de vie. Mais ce sont bien les architectes californiens qui ont poussé à son paroxysme cette approche révolutionnaire. Un cliché montre par exemple une maison pensée par Pierre Koenig où la voiture garée devant le porche s'aperçoit au travers des murs de verre depuis la table de la cuisine, signalant la nouvelle centralité de l'automobile dans la vie des Californiens d'après-guerre. L'ameublement californien reflète le désir d'espaces non-discriminés par la double fonction, intérieure comme extérieure, de nombreux objets, ou encore par l'introduction d'écrans de séparation stylisés. La fluidité des pièces, l'intégration de la végétation ou du relief local, de longues baies vitrées, deviennent les signes emblématiques de la maison californienne, d'un mode de vie détendu, ouvert et surtout avide d'expériences inédites.



Urgence architecturale

CONTRAIREMENT À LA TENDANCE d'abstraction et d'universalisme de son pendant européen, le modernisme californien cherche à acquérir volontairement un ancrage local et revendique sa proximité avec la nature et les matériaux de la région. Les designers californiens sont les premiers à s'affranchir des schémas de piscines géométriques, en faveur de formes extravagantes. Thomas Dolliver Church dessine pour un riche client un bassin en forme de rein autour duquel il place d'autres formes biomorphiques de manière à effacer california design, exposition, exhibition, design, californie, LACMA, Los Angeles, living in a modern way, objet, quotidien, musée, art, designer, 1930, 1965, modernisme, artisan, état, états-unistoute distinction entre le paysage et le jardin de détente. Cela explique également la diversité des tendances regroupées sous la bannière du modernisme californien qui se veut le plus démocratique possible. Ainsi, le célèbre créateur de jouets Charles Eames décrit l'objectif de son design comme celui de "fournir le meilleur au plus grand nombre pour le plus petit prix". Bien que cet adage n'ait pas toujours pu être respecté, la popularité du design réalisé en Californie repose en grande partie sur l'effort de l'adapter non seulement au portefeuille des ménages moyens mais également à leurs attentes.

CEUX QUI MIGRENT vers la Californie souhaitent en effet assouvir leur rêve américain de confort et d'une vie en phase avec la nature. En l'espace d'une décennie, les années 1920, le canton de Los Angeles double sa population, passant de 900 000 à deux millions d'habitants, tous en quête d'un toit. A cette première vague massive succède celle des années 1940 pendant laquelle l'industrie d'armement - les chantiers navals au sud, l'aéronautique au nord - enjoint de nombreux ouvriers à s'installer dans le sud-ouest américain.Dans les années 1950, la Californie dépasse les 10 millions d’habitants et devient en 1962 l'état américain le plus peuplé. Le design californien devait être à la hauteur des espoirs nourris par les nouveaux venus et du défi que représentait la construction de tant de nouveaux logements. L’assise du design californien est donc aussi portée par cette urgence architecturale.


Tout est possible

california design, exposition, exhibition, design, californie, LACMA, Los Angeles, living in a modern way, objet, quotidien, musée, art, designer, 1930, 1965, modernisme, artisan, état, états-unisLES PROMESSES D'ELDORADO n'attisaient pas seulement l'imaginaire collectif américain. Nombreux sont les migrants venus d'Europe, d'Amérique latine ou encore d'Asie, dont les diverses influences traversent le design californien. Les Européens sont d'ailleurs ceux qui importent le modernisme en Californie dans les années 1920, à l'image de Greta Magnusson Grossman, arrivée avec son mari en 1940, dont les travaux ont largement influencé les artistes locaux. Architecte d'intérieur, dessinatrice de meubles et conceptrice de bâtiments avant-gardistes, la Suédoise a su attirer l'attention des stars hollywoodiennes et s'assurer la faveur des compagnies de meubles. La lampe conçue en 1949 pour les frères Barker est restée célèbre. A l'époque, l’emploi de bras flexibles et surtout d’un abat-jour en forme de projectile était rare, voire sensationnel. Les meubles de Greta se distinguent par le choix éclectique des matériaux et leurs lignes asymétriques comme l'illustre l’élégance déséquilibrée du bureau élaboré en 1952 : tandis qu'à droite se croisent délicatement le fer forgé avec le bois de noyer pour former les pieds, s'impose à gauche un tiroir massif, recouvert d'un formica noir qui vient également s'étendre sur le plateau.

LE FONCTIONNALISME, le refus d'ornements et l'emploi de techniques novatrices que plébiscite Greta fascinent les artistes californiens. Ces-derniers partagent avec leurs homologues européens l'ambition utopiste du modernisme, autrement dit l'idée que les nouvelles technologies et le design peuvent contribuer à améliorer la vie des êtres humains, à changer les sociétés. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, le design californien s'enthousiasme pour les innovations engendrées par l'effort de guerre. La fibre de verre, le contre-plaqué, les résines synthétiques ou encore le treillis métallique trouvent tous refuge dans les créations californiennes. Un esprit, hérité du conflit mondial, se préserve à travers le design, le can-do : tout est possible. Des moules sont utilisés désormais pour confectionner des bijoux en série. Margaret de Patta applique avec ferveur ces procédés industrialisés à ses créations épurées, à mi-chemin entre l'atemporel et le f
utur déjà imperceptible. Le perfectionnement de l'emploi domestique du fer permet d'élever de longues vitres dans les maisons, selon le souhait de perméabilité entre l'intérieur et l'extérieur. Des projets extravagants voient le jour tels que la voiture volante, munie d'ailes détachables, tentée par Henry Dreyfuss au nom de Convair en 1947. Mais le courant californien du modernisme se distingue aussi par sa capacité à préserver une production artisanale, et notamment dans le domaine de la poterie.california design, exposition, exhibition, design, californie, LACMA, Los Angeles, living in a modern way, objet, quotidien, musée, art, designer, 1930, 1965, modernisme, artisan, état, états-unis   Sur le bol de Gertrud Natzler, 1943, là où le bleu turquoise rencontre le beige du fond, des aspérités irrégulières éveillent l'envie du visiteur d'effleurer du doigts ces crevasses presque naturelles. Aléatoire, l'entremêlement des couleurs forme une fascinante dentelle d'âpreté.
 
A.K.
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à Los Angeles, le 27/05/2012

California Design
Jusqu'au 3 juin 2012
Los Angeles County Museum of Art
5905 Wilshire Boulevard
Los Angeles, CA 90036

Lun-Mar & Jeu 12h-20h // Nocturne Ven 21h // Sam-Dim 11h-20h
Tarif plein : $15 
Tarif réduit : $10
Gratuit -18 ans
Rens. : 323 857-600


 




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Crédits et légendes photos :
Vignette sur la page d'accueil : Richard Neutra. Kaufmann House, Palm Springs, 1946. Photo by Julius Shulman, 1947. © J. Paul Getty Trust.
Photo 1 : Recreation pavilion, Mirman House, Arcadia, 1958. Straub & Hensman Buff. Photo by Julius Shulman. © J. Paul Getty Trust.
Photo 2 : Monarch Bay Homes, Laguna Niguel (outdoor dining terrace), 1961, screenprint. Carlos Diniz. Ladd & Kelsey, Architects. © Carlos Diniz Archive. Photo © 2011 Museum Associates/LACMA
Photo 3 : Pin, c. 1946-1957. Margaret De Patta. Designs Contemporary. © Margaret De Patta Estate, courtesy Martha Bielawski. Photo © 2011 Museum Associates/LACMA
Photo 4 : Lounge Chair and Ottoman, designed c. 1939, made c. 1959. Hendrik Van Keppel. Van Keppel-Green. Photo © 2011 Museum Associates/LACMA