
documentaire. Ce n'est pas en tant qu'artiste mais en tant que photographe professionnel qu'Atget s'installe au 5, rue de la Pitié à la fin du XIXe siècle. On peut lire, sur la porte, "Documents pour artistes".
CEUX QUI SEMBLENT d'abord attirer l'oeil d'Atget, ce sont ceux qui font vivre la ville. Dans la droite ligne des motifs hérités de la peinture ou des lithographies populaires du XIXe siècle, Atget donne à voir le peuple vacant à ses occupations. Dans des poses presque théâtrales ou dans des attitudes emblématiques, rejoignant la tradition de la représentation de ces métiers de la rue – autrefois appelés les "Cris de Paris" – il fait poser les célèbres marchands ambulants qui, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, sont sur le point de disparaître. Du Marchand d'abat-jour, rue Lepic, au Marchand de jouets du Jardin des Plantes, en passant par le Marchand de moulage ou la Marchande de frites, les visages défilent comme autant de représentants de nombreux métiers oubliés, semblant saisis un bref instant au milieu des pavés parisiens, dans leur activité quotidienne. Les façades de boutiques, de restaurants, de bars, de cabarets et les étalages comme la célèbre vue du Cabaret au Port Salut, marchande de coquillages, rue des Fossés-Saint-Jacques n'échappent pas à ce captivant recensement et apparaissent littéralement comme des témoins de la diversité des petits commerces de l'époque.
–
LES PREMIERS CLICHÉS de l'exposition du Musée Carnavalet remontent à 1898, c'est-à-dire l'année où Atget devient le fournisseur régulier d'épreuves documentaires pour les bibliothèques et les institutions muséales de la capitale qui seront recensées par le photographe lui-même dans des séries sous forme d'album comme L'art dans le vieux Paris et Paris pittoresque. Les institutions perçoivent déjà l'intérêt documentaire d'une telle collection ; bientôt, elles achèteront ses photographies par milliers. Atget se fait eneffet l'archiviste d'un Paris bouleversé par l'urbanisme haussmannien et la construction des premiers métropolitains. Paradoxalement, de cette modernité de l'époque, il n'y a aucune trace dans l'œuvre du photographe, ce dernier préférant se concentrer sur les vieilles façades et les rues en sursis, momentanément épargnées.
comme le cliché de la Cour, 'va disparaitre' 29 rue de Broca (1912). Atget donne donc à ces lieux du vieux Paris un nouveau statut : celui d'éléments "historiques". Et comme l'écrit Pierre Mac Orlan : "Le Paris d'Atget n'est plus pour beaucoup parmi nous qu'un souvenir d'une délicatesse déjà mystérieuse."
place de la Bastille (1912) pour la couverture de La Révolution surréaliste. Atget accepte à condition que son nom ne soit pas mentionné, pensant qu'il n'a rien avoir avec le groupe avant-gardiste.
"On se souviendra de lui comme d'un historien de l'urbanisme, d'un véritable romantique, d'un amoureux de Paris, d'un Balzac de la caméra, dont l’œuvre nous permet de tisser une vaste tapisserie de la civilisation française." Eugène Atget était un nostalgique. 


