
moins. Et le récit de cette expérience à laquelle il aime se référer accompagne de manière prégnante le témoignage iconique que constitue l'oeuvre. Au delà des faits vécus et des anecdotes, se trouve un commentaire plus analytique. Killip souligne le déséquilibre d'une Grande-Bretagne où la prospérité n'existe que sur la bordure australe, en partie à cause de l'absence d'une politique mise en place dans l'après-guerre qui aurait pu sauver l'industrie du pays, à l'image, dit-il, de l'Allemagne.
d'un chien et d'un bâton la regarde. Outre l'effet de fiction narrative suscité par la récurrence de protagonistes, le jeu organisé par ces deux images avive la réflexion sur une violence concrète doublée de la violence plus symbolique qu'exerce le photographe, lorsqu'il capture des images qui appartiennent à la vie d'autrui.
peluche et un chiot : Boo and his Rabbit, Lynemouth, Northumberland, 1984 et Alison, Lynemouth, Northumberland, 1983. Lors d'un entretien en 1991 avec Christopher Lyon, Killip avait exprimé l'étendue de sa curiosité pour un instant de déséquilibre singulier : le point tangent où l'innocence se perd.
LE DÉBAT SUR LA NÉCESSAIRE MISE EN SCÈNE par opposition à une supposée objectivité ontologique des images produites mécaniquement (photographie et film) est complexe et ne pourrait étayer le propos de cette exposition que dans un second temps. Il suffirait pour l'instant de rappeler que deux des plus grands théoriciens de l'image filmique ont joué sur les mots pour exprimer l'inévitable partialité : André Bazin en suggérant que le cadre est forcément un cache, et Serge Daney en affirmant que l'écran fait écran. Smith n'a donc pas mis en scène les passants de cette rue au sens habituel du terme. Il a même dû se rendre dans un champs isolé pour enregistrer sa voix autoritaire de directeur de film, dans une solitude totalement paradoxale. Mais mise à part l'ironie qui raille la posture toute-puissante dans laquelle s'assoient souvent les réalisateurs, ce film fait prendre conscience d'autre chose. Car il semble également raconter la rencontre entre la caméra et les êtres. Les passants remarquent la présence de l'appareil de Smith et se chargent eux-même de se mettre en scène, ralentissant leur pas, accentuant un geste, regardant droit vers l'objectif. Réciproquement, sans qu'il n'entre en jeu d'effets stylistiques cinématographiques extraordinaires, la banale scène de rue présentée l'est uniquement à travers les yeux d'un artiste, d'un individu, dont les paroles nous rappellent qu'il n'a aucune emprise sur le déroulement des faits, mais qu'il les maîtrise pourtant à un autre niveau.
sein du livre une étrange mais sobre lecture de cause à effet ou de filiation entre les espaces et les personnes - personnages. Quant à The Girl Chewing Gum, il est filmé au bas de la rue où Smith avait vécu. L'artiste raconte qu'il venait de visionner La Nuit Américaine (1973) de François Truffaut, un film sur la construction des films et dans lequel Ferrand, le personnage joué par Truffaut, dit : "Les films sont plus harmonieux que la vie, Alphonse. Il n'y a pas d'embouteillages dans les films, il n y a pas de temps morts."
s'empêcher d'adresser aux instances de l'art et de l'information. Tout cela, sans cynisme aucun, et sans même une pointe de désenchantement.


