Joan Miró : La séduction des formes
passage à Palma. Lorsque Artigas rappelle que "ce ne sont pas des céramiques décorées, ce sont des céramiques tout court, où l'on ne voit pas où commence le peintre et où finit le céramiste", il souligne par là-même à quel point c'est dans une démarche d'exploration qu'est engagé son ami. Un cheminement que celui-ci ne souhaite pas paisible : à sa manière, Miró est un révolté, pour qui l'art a force d'action. Déjà en 1929, dans la tourmente des dissensions du groupe des Surréalistes, le Catalan avait choisit Rimbaud et l'art comme moyen de changer le monde plutôt que Marx, la politique et l'inutilité des oeuvres artistiques.
suggestion des formes. Souvent franchement stylisées, voire non-figuratives, ses représentations utilisent la ligne, l'aplat et la superposition, autant de procédés que l'on retrouve à l'oeuvre dans son travail sur le bronze. Témoins de cette cohérence, les oeuvres sur papier que présentent le musée : les pages de Derrière le miroir, datées de 1965, mêlent photographies, collages, gouache, crayon et encre de Chine autour de couleurs nettement délimitées et séparées, organisées en des formes brèves, signe sans doute le plus caractéristique et plus connu de l'art du Catalan. Plus loin, des gravures effectuées sur les sculptures, comme des saignées dans la matière : étoiles, lunes, lignes et formes géométriques signent la permanence dans la pensée de Miró d'une interrogation de la cosmologie et de la mythologie.
esthétique disparaît au profit de "bricolages" qui s'adressent à l'imaginaire. Bien des années après, et même si l'artiste s'est depuis longtemps éloigné du surréalisme, Miró paraît faire écho à cette première étape lorsqu'il déclare : "Pour moi, un objet, c'est vivant." Aux sculptures dont les formes sont entièrement réalisées, à celles qui mêlent à des motifs géométriques des objets du quotidien, il faut en effet ajouter celles qui ne se constituent que de l'assemblage d'objets que le Catalan ramasse lors de ses promenades autour de Palma de Majorque où il a installé son atelier. Voici paraître la Femme et oiseau, chaise culbutée dont les pieds sont surmontés de chaussures, ou encore Femme et oiseau, une chaise haute de bébé qui porte elle aussi des chaussures. C'est tout un alphabet poétique qui se dessine par analogies et correspondances, et l'on comprend que les chaussures sont les oiseaux, dont il semble par ailleurs que le nom catalan - ocell - désigne également le sexe masculin. Il ne s'agit pas tant, pour Miró, d'utiliser une logique de symboles universels que de créer son propre répertoire de l'imaginaire, en espérant simplement qu'il puisse faire écho à celui du spectateur. Un monde dans lequel les objets se métamorphosent et où l'animal, le végétal et le minéral se croisent et se fondent.
