
UNE EXPOSITION au Musée International des Arts Modestes de Sète en 2002 avait déjà permis aux compatriotes de Brassens et de Paul Valéry de découvrir ces affiches publicitaires insolites, devenues cultes depuis. Ces œuvres aujourd'hui célébrées, qui mêlent représentations faussement naïves et visions d'horreur, étaient destinées au départ à une consommation immédiate. Des jaquettes de cassettes vidéo sont recopiées sur grand format, à moins que l'artiste, désireux d'appâter un public plus nombreux, ne tire du film une scène de son choix. C'est ainsi que les deux opus de Species (en français La Mutante) sont représentés avec des crânes fracturés, des ventres déchirés et une créature extra-terrestre qui semble tout droit sortie de Gremlins. Racolage, violence, promesse d'une lutte terrifiante entre le Bien et le Mal, rien n'est épargné au client potentiel. Dans le cas de Demonic Cat – probablement un film nigérian – trois félins sont occupés à dévorer une femme pendant qu'un quatrième chat, un bras entre les dents, domine la scène. Ainsi, tant pour les importations que pour les productions africaines, les têtes volent et, pour paraphraser Churchill, on ne nous promet que du sang et des larmes.
internationaux. Mélodrames interminables ou séries B d'action aux effets spéciaux approximatifs ont en effet peu de chance de convaincre le spectateur européen ou nord-américain. Mais l'énergie déployée pour faire exister en quelques jours un film qui sera piraté, copié et plagié dès sa sortie ne peut que susciter la fascination. Il faut entendre le réalisateur Lancelot Imasuen dans le documentaire Nollywood Babylon. En 2008, à trente-huit ans, il avait déjà réalisé 157 films et revendiquait devant la caméra son statut d'autodidacte : "Comme je n'ai pas fait d'école de cinéma où l'on enseigne l'art de filmer en courant d'un plateau à l'autre, je peux dire que j'ai appris dans la rue. Je n'ai pas de parrain, je suis un produit de moi-même et de Dieu." Les affiches ghanéennes se font l'écho pour la plupart de cette double affirmation. La mention "nice african movie", sur l'affiche de Vuga, rappelle la fierté d'une production locale et les symboles chrétiens de Blood of Jesus marquent l'influence des Églises évangéliques dans cette région du monde. C'est d'ailleurs sans doute la mise en scène d'une tension entre tradition et modernité, ville et village, qui explique le mieux le succès de Nollywood sur tout le continent. 


